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Littér'auteurs
2 mai 2015

CAHIERS DU JOUR : 2 mai ¨Aujourd'hui sucré.

sucre

Sucré [syn.] : sirupeux, mielleux, doucereux, édulcoré, melliflu, douceâtre, onctueux, patte-pelu, sournois, fade, hypocrite, gnangnan, mièvre, chafouin, mignard, chattemite, cauteleux…

Cette liste, non exhaustive, des synonymes de ce vocable poisseux explique sans doute pourquoi « sucré » n’entre pas dans mon vocabulaire. Comme dit un proverbe yiddish,  « le sucre ne sert à rien quand c’est le sel qui manque ». Le sel de la vie ? Son piquant, son piment. Ce petit exhausteur qui vient donner de l’importance aux choses que nous vivons.

© Martine Littér'auteurs - 2 mai 2015 

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Le règlement des "366 réels à prise rapide" et la liste des 18 participants que j'ai répertoriés à ce jour sont ici

Prochain épisode : 3 mai ¨Aujourd'hui ce qu'il y a dedans.

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31 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 31 mars ¨ Aujourd'hui le monde est petit.

 

2015

On dit que le monde est petit, mais l'au-delà est-il suffisamment vaste pour accueillir ceux qui le quittent ?

Aujourd'hui, j'accompagnais mon amie Nathalie, et ses enfants, Vincent, Isabelle, Florence : ils disaient adieu à celui qui a accompagné leurs vies jusqu'à jeudi dernier.

Je leur offre cette photo du ciel, prise cet après-midi, devant leur maison, vide désormais : le monde était gris et noir aujourd'hui. La clarté au sein de ce chagrin des nues et du désespoir de leurs cœurs… est-ce signe que la nitescence ne s'éteint jamais ?

La chanson, choisie par les enfants, pour leur papa, décédé à 44 ans

©Martine Littér'auteurs - 30 mars 2015

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Le règlement des "366 réels à prise rapide" et la liste des 18 participants que j'ai répertoriés à ce jour sont ici

 

Prochain épisode : 1er avril ¨ Aujourd'hui un pur mensonge.

7 avril 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Louis Dubost

 

Chagall tête au nimbe

Marc Chagall - Autoportrait (Tête au nimbe), 1911

 

 

Je n'ai plus la mémoire des mots.

Mais les balafres d'un seul m'ont naguère brûlé
définitivement la peau.

Depuis, je vis avec.

M'en voudrez-vous vraiment si, aujourd'hui encore,
j'aime mes ratures ?

Louis Dubost, L'évidence qui passe, Le Castor Astral, 2000

 


L'anecdote....

Louis Dubost est un grand amateur d’escargots. Et pas seulement au beurre aillé, mais dans toute l’acception et l’ambigüité du verbe « aimer ».« J’ai emporté mon enfance dans un escargot », écrit-il, poursuivant : « l’escargot, à la fois modèle de la fragilité par son corps et de la solidité par sa coquille, constitue une métaphore de la personnalité humaine ».

La biographie

Louis Dubost est né le 13 avril 1945 à La Clayette (Saône et Loire). Il a passé son enfance dans la campagne du Brionnais, puis son adolescence à Mâcon. Et suivi ses supérieures à Lyon. 
Il a été professeur de Philosophie à La Roche sur Yon en Vendée. 
Louis Dubost vit à Chaillé-sous-les-ormeaux où il a exercé une activité d’éditeur depuis 1974 jusqu’à très récemment, d’abord au sein de l’association Le Dé Bleu, et après 2004 en qualité de directeur littéraire aux Editions L’idée Bleue.


POÉTISONS

Le jeu

Poétisons ensemble...
La semaine dernière, Anne, Anis et Laurence se sont jointes à moi pour faire chanter les mots.
La règle du jeu est ici.

Plus nous serons nombreux à faire parler la poésie, plus elle restera vive, créatrice et porteuse de beauté.

16 février 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Jean Sénac

Senac_une_terre_possible

Pour une terre possible
Jean Sénac
Éditions Point Poésie
Octobre 2013, 320 pages

 

Ma souris vagabonde s’est égarée, un jour, sur les mots de ce poète. Elle s’est faufilée entre les vers, entre les émotions, au cœur de la rébellion de cet artiste engagé, pour qui l’Amour allait de pair avec la Révolution.

 

 

 

 

 

 

 

Les belles saisons

Gouttes de sang gouttes de pluie
gouttes de fleurs gouttes de nuit
gouttes de mie gouttes de plomb
gouttes de boue gouttes de vent
le genêt tremble sur la pierre
la pierre tremble sous le front

Gouttes de sel gouttes d’anis
gouttes de mot gouttes de fer
gouttes de mort gouttes d’ennui
gouttes de voix gouttes d’éther
coquelicot la vie appelle
toutes les courbes de lumière

Gouttes de feu gouttes de feuilles
gouttes de vert gouttes du seuil
gouttes des yeux gouttes des joues
gouttes du sein qui se défend
de la corolle qui se fond
de la fenêtre où l’on t’accueille

Les courts stigmates du printemps
sont dans la fleur qui se recueille
dans la main vide dans le temps
gouttes le lait gouttes le sang
gouttes le fruit

Et tout le reste

Extrait de « Terres Possibles » - Recueil 1946-1949

Sur le site de Blandine Valfort (clic), un article suivi d’un entretien avec l’écrivain algérien Hamid Nacer-Khodja. 

26 janvier 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : John Montague (2 poèmes)

john montague 2

TRACES

 

La vaste chambre,
salle aérienne,
nos corps liés
qui reposent.

Quand je me retourne pour poser
mes lèvres sur tes longs cheveux
noirs et sur tes petits seins,
la chaleur monte de
ton odorante peau qui s'embrase,
tes yeux s'agrandissent quand
plus profondément, avec plus d'assurance
et à maintes reprises, je pénètre en cherchant
à prendre possession
du lieu où ton être
se cache dans ta chair.

Derrière nos paupières
un paysage s'ouvre,
un horizon violet
que des pélerins traversent avec peine,
un ciel de couleurs
qui changent, font éclater
des étoiles en éventail,
l'éclair mental du sexe
illuminant les parois du crâne ;
un dôme de plaisir qui flotte.

Tu vas me manquer,
grince le miroir
dans lequel la scène
disparaît bientôt :
la vaste chambre,
salle aérienne, où les
traces de nos corps
s'effacent, cependant
que des femmes de chambre poussent
en gloussant un chariot de linge
frais tout le long du couloir.

 

LES ADIEUX DE DON JUAN

john montague 1

 

Dames auprès de qui j'ai reposé
          dans des chambres à la lumière tamisée
doux frisson de la chair
          derrière les stores ombreux
longues barres de lumière
          en travers de seins chavirés
monticules chauds de
         suave douceur palpitante
jeune chair embaumant
          les roses que l'on froisse
la tendre anxiété
          de la femme entre deux âges
chandelle dont la lueur errante
          cache des veines bleues
épuisement ô combien éloquent
          à regarder décroître la lumière
quand votre partenaire engourdie
          dérive vers les
chaudes rives du sommeil
          et que vous vous réveillez lentement
pour affronter de nouveau
          l'illusion séduisante
de chercher à travers
          le corps docile d'une autre
quelque chose qui manque
          à votre moi isolé
tandis que la nuit profonde
          pareille à un cygne noir
passe en lissant ses plumes.

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16 janvier 2014

LE PREMIER QUI PLEURE A PERDU ; Sherman Alexie

Le premier qui pleure

Le Premier qui Pleure a Perdu
Sherman Alexie
Albin Michel, col. Wiz, novembre 2013
288 pages, 14,50 €
À partir de 11 ans

 

 

 

 

 

 

Du début « Je suis né avec de l’eau sur la tête » ... à la fin « Nous n’avons pas compté les points ».

« Je », c’est Junior. « Nous », c’est Rowdy et Junior.

Entre ces deux périodes, ce sont les péripéties à la fois émouvantes et facétieuses d’un jeune Indien Spokane*. Junior est né « avec trop d’huile dans le crâne », dit-il. C’est-à-dire avec trop de liquide céphalo-rachidien. Il explique que « le moteur qui [lui] permettait de penser, de respirer et de vivre a ralenti et s’est enlisé ». Et que son cerveau se noyait dans l’huile et qu’il a fallu une opération chirurgicale : « les médecins ont ouvert mon petit crâne et aspiré toute cette eau en trop avec un minuscule aspirateur ».

Il préfère prévenir tout de suite son lecteur : « toute l’histoire est rigolote et farfelue ». Sous cet angle, en effet, Junior a l’art et la manière de présenter les choses avec humour, fantaisie et désinvolture. Et ce sont de francs sourires qu’arrachent les portraits croqués par le jeune garçon. Portraits au deux sens du terme : narratifs et crayonnés. Parce que Junior dessine. « Je dessine parce que les mots sont trop imprévisibles. Je dessine parce que les mots sont trop limités. […] Je dessine parce que je veux parler au monde. Et que je veux que le monde m’écoute ». Un monde qu’il voit « comme une série de barrages rompus et d’inondations et [ses] dessins comme de tout petits petits canots de sauvetage ».
Ses croquis illustrent à merveille ses narrations qui sont aussi de petites pépites du genre. « Mes mains et mes pieds étaient gigantesques. En CE2, je chaussais du 46 ! Avec mes grands pieds et mon corps de crayon, j’avais l’air d’un L majuscule quand je marchais dans la rue ».

L’ensemble du roman est ainsi émaillé de croquades, écrites et dessinées, particulièrement bien venues et désopilantes.

Mais. Mais. Ce serait regrettable de ne s’en tenir qu’à cet aspect du livre, même si cette apparence lui confère un atout évident pour qu’un ado ose le prendre sans crainte de se roussir les doigts et les neurones. C’est drôle, délibérément drôle et c’est un excellent argument de « vente ».

Reste le fond, la charpente de ce roman.

Là, c’est du grand art ! Sherman Alexie déroule magistralement le fil dramatique de la vie sur la réserve Indienne de Spokane. Les « fils du soleil » n’ont visiblement pas bénéficié de la chaleur de sa lumière. Ils ont plutôt été brûlés par les radiations de l’astre. L’auteur sait de quoi il parle. Lui-même appartient à cette communauté Spokane, lui-même a grandi sur la réserve. Ce texte est complétement autobiographique. Déterminé à ne pas passer sa vie sur la réserve, il a cherché un meilleur enseignement à l'école secondaire de Reardan, où il était un des meilleurs élèves et un remarquable joueur de basket-ball. Comme son jeune héros. Les tableaux qu’ils brossent de la pauvreté, de l’alcoolisme, de l’exclusion, du rapport entre les blancs et les indiens, sont hurlants de vérité. Et pour cause. C’est sa mémoire, ses bouleversements, ses enthousiasmes, sa désespérance, sa haine parfois, ses découragements, ses espoirs, ses victoires sur lui-même… c’est tout ça « Le Premier qui Pleure a Perdu » (« The absolutely true diary of a part-time indian » titre original), c’est tout ça et tellement davantage ! C’est un roman de société qui nous est donné à lire, et si le tout est servi avec humour, c’est surtout sarcastique, caustique, corrosif. Mais plein d’espoir aussi, puisque le livre s’achève sur la force réconfortante de l’amitié et sur la victoire, les victoires.

 


*tribu indienne. Spokane, dans la langue indigène, signifie « fils du Soleil »

16 mai 2013

MARCHÉ DE LA POÉSIE - PARIS 2013

Marché de la poésie 2013

Du 6 au 9 juin, se déroulera, à Paris, Place Saint-Sulpice, le MARCHÉ DE LA POÉSIE. 

Dédié à la poésie irlandaise, à la poésie slovène et encore à la poésie féminine internationale. Jusqu'à cette date (mais de manière irrégulière), je consacrerai mes billets à ces poètes qu'il sera possible de rencontrer ou d'entendre par la voix d'autres.

Dimanche, c'est John Montague que je mettrai à l'honneur. Il fait partie des poètes présents au Marché de la Poésie.
Aujourd'hui, je vais le présenter.

john-montague

Il est né en 1929, à Brooklin. Il a passé son enfance dans la ferme de ses tantes, dans le comté de Tyrone, puis a fait ses études secondaires à Armagh et ses études supérieures à l’University College de Dublin, qu’il est allé compléter aux États-Unis. Il a longtemps vécu à Paris, rue Daguerre, et entretient depuis trente ans avec la culture française et les poètes français contemporains un dialogue d’une grande richesse ; il est notamment membre du comité de la revuePoésie. Traduit très tôt en français par Claude Esteban, Serge Fauchereau, Michel Deguy, il est avec Thomas Kinsella le plus remarquable des poètes de la génération qui suit immédiatement celle de Kavanagh et d’Austin Clarke. Universitaire (il a enseigné à l’University College de Cork de 1972 à 1988), éditeur d’anthologies de la poésie irlandaise (The Faber Book of Irish Verse en 1974 et, plus récemment, Bitter Harvest, de moindre ampleur et de propos différent), auteur d’une autobiographie (The Lost Notebook, 1987) et d’un recueil de nouvelles (Death of a Chieftain, 1964), son œuvre poétique proprement dite porte, surtout dans les années 60, la marque d’une interrogation anxieuse sur les malheurs qui ont frappé la terre d’Irlande (Poisoned Lands, 1961). Issu des milieux catholiques d’Ulster, marqué par son séjour aux États-Unis, il est avant tout un poète de la mémoire, de la réminiscence et du rêve. Ses principaux recueils sont A Chosen Light (1967), Tides (1970), The Rough Field (1972), A Slow Dance (1975), The Great Cloak (1978), The Dead Kingdom (1984),Mount Eagle (1988). Deux anthologies de ses poèmes ont paru en français : La Langue greffée (éd. Belin) et Amours, marées (éd. William Blake).

J'ai extrait cette biographie de "Anthologie de la poésie irlandaise du XXe siècle", parue chez Verdier, en 1996.

Un petit avant-goût...

Face cachée

J'ai vu les hautes
traînées de vapeur des
derniers destroyers
en rêve :
j'ai vu la grise
face cachée de la lune
s'approcher en glissant de la terre...

In "La Langue Greffée" - Belin (L'extrême Contemporain) - 1988

3 mars 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Jean-Paul Valla

Instant suspendu

Michelangelo MERISI dit LE CARAVAGE
Riposo durante la fuga in Egitto, vers 1594


Instant suspendu

 

Cet instant
Un instant
L'instant qui désigne
L'intervalle qu'il représente.

Celui qui nous dit le drame
Le souffle interrompu
Le doigt pointé vers l'interrogation de tous les temps.

Deux bornes proclament l'inattendu :
L'évènement qui marque sa place à l'instant juste
Entre le moment suspendu
Et le retour au calme temps qui s'allonge.

Et que devient cette forme singulière
La particularité de son épaisseur soudaine
Après l'accent qui s'efface
Pour ne plus occuper le temps ni l'espace

Dans les trous noirs de l'univers
Que devient l'instant de vie ?

Jean-Paul Valla,

Héra - 2012
Éditions de Belledonne


POÉTISONS

Dimanche dernier, nous avons poétisé ensemble : Aifelle,  Anne, FlomarFransoaz, LaurenceMarilyne et moi.

(Clic sur les prénoms pour se rendre sur le site ou le blog)

Qui viendra, aujourd'hui avec nous, donner aux mots leur sensibilité poétique ? Poétisons ensemble, voulez-vous ?
La règle du jeu est ici

Même si vous n'êtes que de passage, même si vous n'avez pas pas de blog... pas de problème !

 

31 octobre 2014

RUE DES BOUTIQUES OBSCURES – PATRICK MODIANO

RUE DES BOUTIQUES OBSCURES - MODIANO

P. Modiano, Rue des Boutiques Obscures, Éditions Gallimard, Paris, 1978, 250 p.

 

 

 

Patrick Modiano a dit : « Le Goncourt, c’est un peu comme l’élection de Miss France. Sans avenir ».

Si le Prix est sans avenir, c’est dans le passé que se trame le scénario du roman qui lui permit de l’obtenir en 1978.

Je ne vais pas résumer le roman, maintes et maintes fois commenté sur les blogs littéraires. La présentation de l’éditeur est d’ailleurs parfaite : « Que reste-t-il de la vie d'un homme ? Une photo, au fond d'une boîte ou d'un tiroir, des papiers administratifs, quelquefois une fiche de police ou un nom dans un Bottin. Et aussi les souvenirs de ceux qui l'ont connu ou rencontré. Ils seront de moins en moins nombreux et leurs souvenirs de plus en plus vagues. Ainsi l'écho d'une vie décroît-il jusqu'à s'éteindre tout à fait. A supposer que quelqu'un puisse revenir sur terre après sa mort, que retrouverait-il de lui dans les lieux qui lui étaient familiers et dans la mémoire des autres ? Et qui pousse un certain Guy Roland, employé dans une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d'un inconnu disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie ? Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toute façon, il finit par s'identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro McEvoy, les seuls qui pourraient le reconnaître : Denise Coudreuse, Freddie Howard de Luz, Gay Orlow, Dédé Wildmer, Scouffi, Rubirosa, Sonachitzé, d'autres encore, aux noms et aux passeports compliqués, qui font que ce livre pourrait être l'intrusion des âmes errantes dans le roman policier ».

J’ai plutôt envie d’évoquer ma frustration et mon désappointement à la lecture de ce qu’une certaine majorité proclame comme chef-d’œuvre. « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir », écrit René Char (citation d’ailleurs reprise en épigraphe au roman Livret de famille). L’écrivain se lance en effet ici dans la ressouvenance égarée d’un puzzle identitaire qu’il ne parviendra pas à achever à l’issue d’un roman à l’atmosphère trouble, complexe, que j’ai aussi trouvée confuse. Une interview qu’il avait accordée en 1990 confirme ce sentiment : « Ma recherche perpétuelle de quelque chose de perdu, la quête d'un passé brouillé qu'on ne peut élucider, l'enfance brusquement cassée, tout participe d'une même névrose qui est devenu mon état d'esprit ». Un aveu – si l’on peut dire –, qui conforte l’embarras que j’ai éprouvé de pages en pages ; une névrose que l’on peut que percevoir en filigrane de cette quête inachevée. J’ai lu qu’il n’est pas rare qu’une œuvre littéraire « renverse le rapport entre la question et la réponse et confronte le lecteur, dans la sphère de l'art, avec une nouvelle réalité "opaque", qui ne peut plus être comprise en fonction d'un horizon d'attente donné ». J’adhère à cette communication après avoir lu Rue des boutiques obscures : à aucun moment je n’ai trouvé réponse aux questions posées par ce roman. Au fur et à mesure que j’avançais avec le narrateur dans l’élucidation de sa recherche, peu à peu je m’éloignais avec lui des convictions qu’il acquerrait. C’est là que je n’ai pas trouvé « mon compte » de lectrice : pas d’indice imaginaire qui aurait pu me propulser dans un après fantasmé.

« Ce livre pourrait être l’intrusion des âmes errantes dans le roman policier », souligne l’éditeur. C’est vrai. Modiano construit son texte comme un polar. J’attendais, comme le narrateur, le moment de vérité qui donnerait sens à la quête. Mais il n’est jamais venu. Je me suis toujours demandé si mes suppositions étaient justes. Même si « ce qui est important dans une œuvre, c’est ce qu’elle ne dit pas » (P. Macherey), je n’ai pas pu – pas su – trouver de clé pour résoudre la pseudo-énigme posée par le monologue tourmenté du personnage principal en proie aux spectres de son passé.

Habituellement peu dérangée par les allers-retours – parfois imprévisibles – entre passé et présent dans d’autres œuvres d’autres auteurs, j’ai été déconcertée par la façon dont Patrick Modiano traite son récit : une impression désagréable de me trouver dans un labyrinthe avec des indications floues, parfois contradictoires. Pas d’unité. Pistes brouillées…

Je me suis laissé dire que toute l’œuvre de Modiano (et dieu sait qu’elle est prolifique) est ainsi construite. Alors, je ne crois pas que j’irai plus loin dans la rencontre avec cet auteur qui, j’en conviens, écrit bien. Certes, c’est banal, convenu et peu original de conclure ainsi la chronique d'un roman (qui a obtenu le Goncourt) d’un romancier qui vient de recevoir le Prix Nobel de Littérature. Certes…

8 novembre 2014

UN VOYAGE INATTENDU : FOLIE CHROMATIQUE

Cette semaine, j'ai réuni deux défis d'écriture en un seul texte.

- Les Plumes d'Asphodèle (c'est par ici)
- Les Impromptus Littéraires (c'est par là)

Deux consignes, donc.

- 24 mots collectés par Asphodèle, lundi, sur le thème de "la folie", à insérer dans un texte. (on avait le droit d'un laisser un : pour moi, ce fut bergère)
grain, conséquence, ordinaire, manquer, zinzin, camisole, extravagance, quotidien, douce, furieux, maîtrise, artiste, abandon, univers, psychose, conte, rêveur, bleu, aliéniste, bergère, escapade, onduler, outrageux, obsédant.

- "Dans un musée, une exposition, voire même en regardant une reproduction dans un magazine, vous êtes fasciné par un tableau, une photo, une affiche ... Vous ne pouvez plus en détacher votre regard. C'est alors que tout bascule brusquement : vous êtes projeté à l'intérieur même de l’œuvre"

Voici donc le résultat de mes élucubrations plumitives.

********************

CHAGALL

Elle connaissait l’extravagance parfois outrageuse de Marc Chagall, l’univers déconstruit des objets et de l’espace dans son œuvre, sa maîtrise des couleurs. Elle croyait tout connaître de cet artiste que d’aucuns décrivaient comme un peu zinzin, empreint de la psychose propre aux juifs déracinés qui auraient trouvé dans l’art un moyen de s’exprimer. Ce dont elle était sûre, c’est qu’elle aimait le monde rêveur, fantastique et obsédant qui habite toutes ses toiles. Obsessionnel, serait, même, plus approprié.

Lorsque, au Grand Palais, en cet été 2013, elle entre, elle est prête au plus total abandon. Prête à se laisser guider par ses émotions et les conséquences qu’elles pourront avoir sur son quotidien. Quitter, ne serait-ce que quelques heures, l’ordinaire de sa vie et ne rien manquer de cette explosion de chromatisme onirique qu’elle se prépare à explorer.

Sa lente déambulation entre les créations du célèbre cubiste la conduit de toiles en toiles. Elle s’arrête soudain, fascinée par une huile. Ce sont les verts qui attirent son œil, leurs grains nuancés, quelques-uns tirant sur le bleu ; la mise en perspective d’un bosquet de bouleaux dans l’encadrement d’une fenêtre. Elle s’avance, comme si elle voulait pénétrer à l’intérieur de cette cuisine ; elle avance ; elle pénètre dans la cuisine.

Sans bruit, pour ne pas importuner le couple d’amoureux qui contemple le spectacle d’une nature libre, elle avance. La voici qui regarde par la croisée, elle aussi. Ils ne l’ont pas vue, tout occupés qu’ils sont à s’unir dans cette douce contemplation. Elle s’immisce dans leur communion de pensée devant le merveilleux qui cogne à la fenêtre. Une prairie, une haie fleurie, les arbres élancés… La fenêtre de l’intime. Elle retient son envie de prendre l’une des pommes, posée sur les assiettes retournées. Elle a envie. Mais se retient. Ne pas déranger, ne rien déranger. Le rideau soulevé, le châle accroché, le sucrier, le pichet, la tasse… témoins paisibles de la vie domestique. Ne pas perturber, ne rien perturber. Ces regards vers l’extérieur. Une escapade poétique. Un ici et maintenant.

-      Mais que diable faites-vous ici !

-      Chut, vous allez les importuner !

-      Madame, ils ne peuvent plus être incommodés. Ils auront bientôt un siècle ! Sortez de cette pièce, immédiatement !

-      De cette pièce ? Mais de laquelle ?

-      Ne voyez-vous pas que vous êtes entrée dans la cuisine de Marc et Bella ? J’espère que vous n’avez pas croqué « LA » pomme, en plus !

-      « LA » pomme ? Mais…

-      Oui ! « LA » pomme ! ne me racontez pas des contes, comme l’autre folle furieuse, l’autre jour ! J’ai dû appeler des aliénistes pour qu’ils lui passent la camisole ! Elle voulait prendre la place de la petite aiguille, parce qu’elle se disait lointaine descendante de Guillaume.

-      Guillaume ?

-      Oui Madame. Guillaume. Blaise aussi, et Herwarth, et Ricciotto ….

CHAGALL - hommage à Apollinaire

Elle écarquille les yeux, n’en croit pas ses oreilles. À pas furtifs, elle quitte la cuisine. Dans le couloir, son regard s’abouche presque violemment avec une nouvelle toile : elle comprend mieux cette histoire de pomme, de « LA » pomme. Le temps s’enfuit avec le tic-tac d’une horloge humaine. « LA » pomme est là, symbole du péché premier. Ceignant le couple originel, ondule la forme spiralée du serpent tentateur. Aux pieds de l’être double qui tient le fruit de toutes les convoitises, un cœur percé d’une flèche. Quatre noms l’auréolent. Une touchante déclaration d’amour aux quatre personnages qui ont toujours soutenu l’incomparable créateur : Apollinaire, Cendrars, Walden, Canudo

Elle devient Ève. La clepsydre de son destin commence à s’écouler.

 

Première oeuvre : Fenêtre à la campagne - Marc Chagall - 1915
Deuxième oeuvre : Hommage à Apollinaire - Marc Chagall - 1911/1912

Littér'auteurs/2014/11/08

 

ASPHODELE

30 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 30 mars ¨ Aujourd'hui je pourrais écrire sur ma tête

tête

Pour écrire sur elle,

Il faudrait que je me la

Casse

Que je l'ai

Perdue

Que je sois

Tombée dessus

Qu'elle soit peut-être

Brûlée

Qu'elle aille

Dans les nuages

Que je me la

Creuse

Ou que je la

Fasse.

Cette histoire est sans queue ni ----, me direz-vous ?

Je n'en fais qu'à ma ----, c'est sûr.

Je ferai ma ---- de cochon,

Je vous tiendrai ---- jusqu'au bout.

Et dites-vous bien que je ne suis pas une ---- à claques

Ni une ---- de turc !

Signé : la ---- de pioche.

©Martine Littér'auteurs - 30 mars 2015

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Le règlement des "366 réels à prise rapide" et la liste des 17 participants que j'ai répertoriés à ce jour sont ici

 

Prochain épisode : 1er avril ¨ Aujourd'hui un pur mensonge.

2 décembre 2012

RENCONTRES POÉTIQUES ; Isabelle Callis-Sabot

Absence

 

L'année s'est écoulée, me laissant bien songeuse,

Les mois ont défilé, si rapides, si courts ;

Pourtant la vie s'étire et l'espace se creuse

Nous séparant, hélas, un peu plus chaque jour.  

 

À l'encontre du temps, en retour, en arrière,

Je m'efforce d'aller, j'essaie de revenir.

Il me reste ce soir le triste anniversaire

Pour empêcher l'oubli, pour mieux le contenir.

 

Tu m'offres cependant la chance inespérée

De te voir apparître au milieu de mes nuits ;

Mais ta visite est brève alors, désemparée,

Je m'accroche en pleurant au rêve qui s'enfuit.

 

                          Isabelle Callis-Sabot

 

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10 mars 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Anna de Sandre

 

 

printemps des poètes

 

Les regards habités

 

La ville résidait dans nos yeux
possédait chacun d'entre nous
nous n'y trouvions pas à redire
nous la logions elle nous hantait
le sommeil restait à sa porte
et ses lumières faisaient briller
ce que les autres prenaient souvent
pour une passion ou de la fièvre
nous l'abritions sous nos paupières
émus fanfarons et contents
et pour tout dire nous nous flattions
qu'elle nous habite pour pas un rond
et quand nous reprenions la route
transis fourbus mais pleins de force
c'est là dehors précisément
qu'elle s'acquittait de son loyer.

 

Anna de Sandre

Anna de Sandre - Un régal d'herbes mouillées
Éditions Les Carnets du Dessert de Lune - 2012

POÉTISONS


 

Dimanche dernier, nous avons poétisé ensemble : Aifelle,  AnneFlomarmoi.

(Clic sur les prénoms pour se rendre sur le site ou le blog)

Qui viendra, aujourd'hui avec nous, donner aux mots leur sensibilité poétique ? Poétisons ensemble, voulez-vous ?
La règle du jeu est ici

Même si vous n'êtes que de passage, même si vous n'avez pas pas de blog... pas de problème !

Surtout que, du 9 au 24 mars, c'est le PRINTEMPS DES POÈTES (clic pour aller sur le site officiel)

Des surprises, sur Littér'auteurs, à cette occasion.... à suivre....

8 mars 2013

L'OMBRE DOUCE ; Hoai Huong Nguyen

l'ombre douce

Je ne fais pas vraiment dans la sensiblerie, ni dans la sentimalité quand je lis un roman. Je suis touchée, parfois émue, mais, je l'avoue avec humilité, j'ai été bouleversée par ce récit, troublée aux larmes. 

L'auteure, Hoai Huong Nguyen, est née en 1976 en France de parents vietnamiens. Son nom signifie « Se souvenir du pays », référence au déracinement de sa famille. De langue maternelle vietnamienne, elle a appris le français en allant à l’école. Détentrice d’un doctorat de Lettres modernes portant sur « L’eau dans la poésie de Paul Claudel et celle de poètes chinois et japonais », elle a déjà publié deux recueils de poésie : Parfums et Déserts. Elle enseigne actuellement la Communication dans un IUT. L’Ombre douce est son premier roman.

Et quel premier roman ! 

Yann, breton de Belle-Île, jeune homme mal aimé de son père, orphelin de mère, mal dans sa peau, s'enrôle dans l'armée. C'est 1954, et la guerre en Indochine trouve là un combattant prêt à en découdre (sans qu'il soit pour autant un guerrier très agressif). Yann est blessé. Il est hospitalisé dans un état grave, mais sauf. Mai, une jeune fille Annamite, circule entre les lits pour apporter quelque soulagement aux éclopés. Et ces deux-là se rencontrent. Yann et Mai. Que tout oppose. Réunis dans un amour fulgurant et flamboyant.Alors qu'hier, pour Yann, était noir et désespéré, qu'aujourd'hui, pour eux deux, est héroïque et courageux, que demain, pour Mai est sombre, ces deux-là sont dans l'immédiateté merveilleuse de leurs sentiments réciproques. Et rien ne peut attendre, parce que rien ne les attend si ce n'est la mort, la honte, la dégradation physique et morale.

Les mots pour le dire, les mots de Hoai Huong Nguyen, sont magistraux (ah que le vocabulaire me manque !). Tout est en nuance. Même dans le récit de la bataille de Điện Biên Phủ. Et pourtant que la relation des faits est sans concession ! C'est dur, très violent, brutal, sanguinaire. Et paradoxalement empreint d'une grande humanité, d'un douceur prodigieuse.

Il y a de la poésie, de la grâce, de l'honneur dans ce texte qui, pourtant, décrit la sauvagerie, la cruauté.qui environnent ces deux êtres infiniment purs, 

Cette rencontre fut pour moi un merveilleux et inoubliable moment de lecture.

Hoai Huong Nguyen est aussi poétesse (son roman est émaillé de poèmes). Voici un extrait, tiré de son recueil "Parfums, illustré par Valérie Linder, paru à l'Harmattan en 2005.

mon
âme
mon aim é
a - t - il
le parfum
de
l'eau 
vibrante
exulte
le
soleil

ô
son
visage
en fleur


C'est chez Anne (son commentaire, élogieux, est ici). Et ce matin, elle m'apprend qu'hier, à la Foire du Livre de Bruxelles ce titre a obtenu le Prix Première, un premier roman primé par un jury d’auditeurs de la radio publique francophone, dont elle a été membre !

Challenge a tout prix

Une belle occasion d'inscrire ce titre dans le challenge "À tous prix" de Laure.

8 avril 2013

C'EST L'HISTOIRE DE PLUME ET DE CRAYON ; Charlie & Pouch

c'est l'histoire de plume et de crayon Charlie & Pouch

Plume et Crayon vont écrire un livre ensemble...il vont concevoir leur enfant...

Mais c'est sans compter avec l'indiscipline des lettres qui n'en font qu'à leur tête. Et elles sont si différentes les unes des autres ! Il y a les indépendantes qui veulent garder leur propre identité, il y a les timides, les râleuses, les sublimes, les moches. Il y a les amoureuses, les sanguines, les jalouses...

Un livre-douceur, un livre-tendresse, un livre-création, un livre-bonheur, un livre-complicité.

La complicité entre Plume et Crayon, la tendresse-amitié-amour...

De cette complicité, de cette tendresse, de cet amour, va naître un livre. Mais les embûches sont nombreuses, et toute la bande des lettres va s'appliquer à mettre des batons dans les roues.

 Et leur bébé sera le fruit de parties de jeux de mots, de course-poursuite entre la gomme, "cette mégère apprivoisée" et Crayon, De la connivence entre Plume et Crayon. Jusqu'à la chute... fatale...

Une chute que je ne dévoilerai pas. Ce serait casser l'eurythmie poétique de ce joli conte. Les mots de Charlie sont exquis, ils sont illustrés par la plume de Pouch, délicatement, subtilement.

C'est un livre-doudou que l'on peut lire à un enfant qui se blottit sous la couette, bien au chaud. C'est un livre qui emmène doucettement au pays des songes, peuplé de lettres qui s'interrogent, se regardent, se courent après, se renversent, dansent en rythme...

C'est un beau conte que l'on peut se lire, quand on est grand, quand on est super-grand, quand on est même super-super-grand, voire au delà. À l'âge où l'on croit à nouveau au Père Noël, et aux cloches de Pâques.

"La vie est si petite, et le rêve est si grand', écrivait Carmen Sylva, reine de Roumanie (qui est-ce ?).

 

 

14 avril 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Albane Gellé

 

Yannick Le Quilleuc

Yannick Le Quilleuc - Grand Voile

 

les voix ça bourdonne ça grésille ça caquette et puis ça submerge rien à quoi s'accrocher c'est la mer sans terres autour sans rocher sans bateau sans bouée tout seul tout nu tout essouflé avec vraiment personne rien avec les paroles les vagues qui vont trop vite la peur de couler de ne plus respirer le manque de silence la rage de lutter la tentative de parler pourtant mais l'eau est froide et les conversations sans recours

Albane Gellé - L'air libre - Édition Le Dé Bleu (2002)

 

POÉTISONS


Le jeu

Poétisons ensemble...
La semaine dernière, AnneAnis Florence et Marilyne se sont jointes à moi pour faire chanter les mots. (clic sur leurs prénoms pour aller chez elles)
La règle du jeu est ici.

Plus nous serons nombreux à faire parler la poésie, plus elle restera vive, créatrice et porteuse de beauté.

 

 

21 avril 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Xavier Hanotte

julian-beever-trottoirs-trompe-loeil-L-NAJOlO

Julian Beever - Trompe l'oeil

Dédits

On m'a signé
Des tonnes d'amour sans provision
On m'a montré
De beaux mariages de raison.

Messes et caresses.

On m'a vanté
La joie des grandes maisons
On m'a lancé
Bien des bouées en béton.

Chairs et promesses.

Je ne cherchais
Qu'une épaule où poser ma tête.

Je suis resté
Dans ce fossé en bord de route
Assis sur une borne froide
La tempe meutrie de vide

Et toutes les chutes à venir.

Xavier Hanotte - Poussières d'histoires & bribes de voyage - 1984-2003 - Escales du Nord


"Pour certaines personnes, la vérité du jour sera le mensonge du lendemain..."

 


POÉTISONS

Le jeu

Poétisons ensemble...
La semaine dernière,  Anis , Anne, (à laquelle j'adresse un clin d'oeil)Antigone, Bonheur du jour, Flomar, Fransoaz, Laurence se sont jointes à moi pour faire chanter les mots. (clic sur leurs prénoms pour aller chez elles)
La règle du jeu est ici.

Plus nous serons nombreux à faire parler la poésie, plus elle restera vive, créatrice et porteuse de beauté.

21 mai 2013

COMME DES TRAINS DANS LA NUIT, Anne Percin

comme-des-trains dans la nuit anne percin

Quatre nouvelles destinées aux adolescents, quatre nouvelles que les adultes ne peuvent qu'apprécier.

Comme des trains dans la nuit, des enfants foncent vers leur adultité, deux par deux. Trois des récits sont à la première personne, dans un langage "délibérément" ado qui m'a, au début, un peu rebutée. À priori, je n'apprécie pas quand les adultes parlent à la manière de... parce que je ne suis jamais sûre que les codes sociaux soient respectés, compris et transmis correctement. Cette petite réserve n'a pas tenu très longtemps. La narration m'a très vite submergée, emportée dans ces mondes "galère" décrits avec réalisme et sensibilité.

*********

Marco vit dans une ferme, empuantie par le fumier que son père épand, recouvre d'une bâche et laisse chauffer au soleil. Marco a l'impression d'être imprégné de cette pestilence, au point de s'asperger généreusement - très généreusement - de parfum lorsqu'il se rend au LEP qui accueille son désintérêt scolaire, sa démotivation latente et persistante. C'est là qu'il fait la connaissance de Ryan, un ado comme lui, dont le prénom cache l'identité "rebeu". Ces deux-là vont s'engouffrer dans des tribulations plus que pitoyables.

**********

Tony et Naïma... le lecteur, avec eux, découvre la beauté de la découverte de l'amour. C'est la seule nouvelle paisible de ce recueil...

**********

Kurt Cobain, du groupe Nirvana, vient de se suicider. Pour ces deux jeunes, c'est le monde qui s'effondre.

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Julien et Christine, cousins que rien ne rapproche. Et pourtant ! Un lourd secret de famille... Nous sommes en 1968.

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Nouvelles destinées aux adolescents, destinées d'adolescents. Des enfants paumés, décalés, meurtris, en détresse.
L'art d'Anne Percin, c'est la chute.
Alors que le monde dans lequels ils évoluent est noir, sordide, nauséabond, alors que ces huit jeunes, de milieux sociaux différents, à des époques différentes, se jettent à corps perdu dans une nuit saumâtre, violente, funeste, c'est un évènement inattendu qui fait basculer leur existence. Un évènement rédempteur, libérateur. Au bout de la nuit... la lumière, la vie, la reviviscence.

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C'est à Anne que je dois le plaisir de cette lecture. C'est chez elle que j'avais puisé cette référence. Son billet ICI

26 mai 2013

MARCHÉ DE LA POÉSIE - Paris 2013 : Eavan Boland

Marché de la poésie 2013

À sa propre image

Ce sont ses yeux :
les iris sont d'or
et ils tournent
comme la bague sur mon annulaire,
ils tournent et ils tournent

et je ne peux atteindre
ni leur histoire ni leurs larmes.
Penser qu'autrefois ils étaient mes satellites !
Ils m'ont exclue maintenant.
Quelles années-lumière !

Elle n'est plus moi,
elle n'est même plus
dans mon ciel
et moi,
je ne suis pas moi-même.

Je ne vais pas défigurer
son joli visage.
Qu'elle porte des empreintes
digitales d'améthyste, un bijou de famille,
une sorte de collier funéraire.

Je connais l'emplacement idéal :
là où le mur projette son ombre,
où germe la laitue,
où le jasmin ne cause pas
de surprise.

C'est là que je la coucherai,
là qu'elle fleurira,
ma seconde nature,
perfection unique
parmi les compromis.

Eavan Boland

eavan-boland

Eavan Boland est née en1944. Sa mère, Frances Kelly, est peintre, et son père diplomate. Elle passe une partie de son enfance à Londres (époque à laquelle elle se réfère volontiers pour exprimer son aversion de la culture anglaise moderne) puis le début de son adolescence à New York ; à son retour en Irlande en 1960, on la confie à un couvent de Dublin dont la rigidité la détourne de la foi catholique. Elle fait de brillantes études à Trinity College et épouse le romancier et dramaturge Kevin Casey. Elle publie en 1967 son premier recueil, New Territory, et se voue à l’écriture à partir de 1968.The War Horse (1975) consacre sa réputation de poète, confirmée par In Her Own Image (1980),Night Feed (1982), The Journey (1986). Volontiers narrative, sa poésie se place souvent sous le signe d’une confrontation avec l’étrangeté cruelle du quotidien.

Eavan Boland sera présente au Marché de la Poésie.


Sa bibliographie

  • 23 Poems. Dublin: Gallagher, 1962.
  • Autumn Essay. Dublin: Gallagher, 1963.
  • Eavan Boland Poetry/Prose Joseph O’Malley. Dublin: Gallagher, 1963.
  • New Territory. Dublin: Allen Figgis, 1967.
  • W. B. Yeats and His World. With Micheál Mac Liammóir. London: Thames, 1971; New York: Thames & Hudson, 1998.
  • The War Horse. London: Victor Gollancz, 1975.
  • In Her Own Image. Dublin: Arlen House, 1980.
  • Introducing Eavan Boland. Princeton, NJ: Ontario Review P, 1981.
  • Night Feed. Dublin: Arlen House, 1982. Reissue: Manchester: Carcanet Press, 1994.
  • The Journey and Other Poems. Dublin: Arlen House, 1986; Manchester: Carcanet Press, 1987.
  • Selected Poems. Manchester: Carcanet Press, 1989.
  • Outside History. Manchester: Carcanet Press, 1990.
  • Outside History: Selected Poems 1980–1990. New York: Norton, 1990.
  • In a Time of Violence. New York: Norton, 1994; Manchester: Carcanet, 1994.
  • Collected Poems. Manchester: Carcanet Press, 1995.
  • Object Lessons: The Life of the Woman and the Poet in Our Time. New York: Norton, 1995; Manchester: Carcanet Press, 1995.
  • Penguin Modern Poets: Carol Ann Duffy, Vicki Feaver, Eavan Boland. London: Penguin, 1995.
  • An Origin Like Water: Collected Poems 1967–1987. New York: Norton, 1996.
  • The Lost Land. Manchester: Carcanet Press, 1998.
  • The Lost Land: Poems. New York: Norton, 1998.
  • The Making of a Poem: A Norton Anthology of Poetic Forms. Ed. Eavan Boland and Mark Strand. New York: Norton, 2000.
  • Against Love Poetry. New York: Norton, 2001.
  • Code. Manchester: Carcanet Press, 2001.
  • Three Irish Poets: An Anthology: Eavan Boland, Paula Meehan, Mary O’Malley. Ed. Eavan Boland. Manchester: Carcanet Press, 2003.
  • After Every War: Twentieth-Century Women Poets. Trans. Eavan Boland. Princeton, NJ: Princeton UP, 2004.
  • New Collected Poems. Manchester: Carcanet Press, 2005.
  • Domestic Violence. Manchester: Carcanet Press, 2007; New York: Norton, 2007.
  • Irish Writers on Writing. Ed. San Antonio: Trinity University Press, 2007.
  • Selected Poems by Charlotte Mew. Ed. Manchester: Carcanet Press, 2008.
  • New Collected Poems. New York: Norton, 2008.
  • The Making of a Sonnet: A Norton Anthology. Ed. with Edward Hirsch. New York: Norton, 2008.
  • A Journey with Two Maps: Becoming A Woman Poet.(prose essays) Manchester: Carcanet Press, 2011; New York: Norton, 2011
2 juin 2013

MARCHÉ DE LA POÉSIE - PARIS 2013 ; Maria Desmée

Maria-Desmee

Maria Desmée est née en Roumanie. Elle s’est établie en France en 1985, et se dédie particulièrement à la création plastique. Sa peinture s’expose à travers le monde (Europe, États-Unis, Chine). Artiste-graveure, elle est aussi éditrice de livres d’artiste, passage obligé pour celle qui manie la métaphore picturale et poétique. Rédactrice et cofondatrice de la revue Sapriphage (1986-2001), En 2010, elle publie son premier recueil, Festins de lumière, éd. Corps-Puce. Diagonale du désir, couplant poèmes et peintures, est paru aux éditions mazette en avril 2012.

"Depuis longtemps, la plasticienne Maria Desmée œuvre dans la proximité des poètes, une proximité qui a donné lieu déjà à plusieurs ouvrages réalisés en compagnie, pour n’en citer que quelques uns, des poètes Werner Lambersy, Vénus Khoury-Ghata, Bernard Noël, Jean-Pierre Verheggen ou Parviz Khazraï. Festins de lumière apparaît comme le premier livre où l’artiste opère une fusion entre peinture et poésie, proposant ses propres poèmes en résonance à son travail plastique, présent ici par six reproductions couleur. L’entreprise est osée. Elle balaie cependant cette frustration que peut ressentir quiconque regarde un tableau abstrait, cherchant à le revêtir de mots. Qui, mieux que le peintre lui-même, est à même de commenter son œuvre, fusse poétiquement ? Festins de lumière réussit pleinement cette symbiose. Langue et pinceau participent d’un même désir de lumière, à travers le travail continu de métamorphose des éléments. Le foyer ici, c’est celui de la création, qui mêle braises, sève, rayons solaires à l’éruption des sens. « Tout est là », écrit Maria Desmée. Tout prend corps du désir, comme dans ces mélanges de couleurs commandés par des gestes pulsionnels qu’on sent libératoires. Il y a là la chaleur d’une forge insufflant la vie aux formes. Curieusement, les vers de Maria Desmée sont très descriptifs, porteurs d’images figuratives venues étayer ses peintures abstraites : «  Le jour s’incline en révérence / un crépuscule s’affirme souverain / il embrase le ciel / d’un ballet de couleurs. » Festins de lumière distille un lyrisme communicatif. Tenant le livre en main, il s’en dégage une chaleur productrice d’énergie. Et c’est revigorant." 
Extrait lu chez Poezibao (ici)

Marché de la poésie 2013

Maria Desmée sera présente au Marché de la Poésie
du  jeudi 6 au dimanche 9 juin.
Le programme ICI

 

 

 

Il y a toujours une frange
où ici et ailleurs n'en font qu'un
le bord d'une falaise
le bord d'un océan
comme le bord de la langue
où le territoire des non-dits échoue.

Il y a le mur qui commence
un espoir en exergue

Il y a le moi qui oublie le je
qui joue avec moi au bord de la faille
où la ligne qui nous sépare nous unit

Être nous dispense de tout
même de nous-mêmes.

Dans le précipice de la nuit
se racontent les rêves des étoiles

Dans l'immensité du désir
je te traverse
à l'entrave des mots,
qui scellent ma demeure
et demeurent sur quelque chose
qui interroge mes pas

Il y a un bord d'océan
dans chacun
d'où on part
ou l'on échoue.

4 juin 2013

ÉCLIPSE D'ÉTOILE, Nelly Sachs

C'est vrai que je suis dans une "phase poésie", à l'affût de quelques mots qui parlent, qui me parlent ; la poésie, c'est, pour moi, de l'émotion dite au plus bref, au plus tendu, au plus direct. Une certaine forme de minimalisme qui dit une certaine forme d'essentiel. 

Nelly Sachs

Nelly Sachs, jusqu'à ce jour, je n'en avais pratiquement jamais entendu parler. Il a fallu que Jeanne évoque Hilde Domin, lors d'un commentaire (ici), pour que je parte en quête de ces poétesses allemandes. Curiosité, quand tu me tiens !!!

 

 

J'ai ouvert le recueil des poésies écrites par Nelly Sachs et...

Tu jouais bien
Avec rien
Que des bulles d'eau
Qui sans bruit éclatent dans l'air.

Mais la lumière au sept couleurs
Donnait à chacune son visage

Juste un battement de coeur
Comme contrée d'ange.

Or, son ultime aventure -
Silence ; une âme est sortie du feu.

Nelly Sachs , extrait de Éclipse d'étoile, traduit par Mireille Gansel, Éd Verdier

Nelly Sachs, née dans une famille juive de Berlin, en 1891, À 15 ans, elle découvre Selma Lagerlöf et lui voue ne grande admiration ; elle entame d'ailleurs une correspondance soutenue avec elle. Elle échappe de justesse aux persécution nazies et se réfugie en Suède en compagnie de sa mère en 1940. Elle y apprend la langue de son pays d'accueil, et consacre beaucoup de son temps à traduire des poètes suédois, Gunnar Ekelöf, Johannes Edfelt, et Karl Vennberg, notamment.

APOTHÉOSE

 

Donne-moi du poison pour mourir ou des rêves pour vivre

bientôt l'ascèse prendra fin aux portes de la lune / que déjà le soleil a bénies

et quoique non mariés au réel les rêves du mort

n'auront plus à pleurer sur eux mêmes

 

père je rends à ton ciel mon œil comme une goutte bleue à / la mer

le monde noir ne s'incline plus devant les palmes et les psaumes

mais des vents millénaires peignent les cheveux des arbres

les sources désaltèrent l’invisible voyageur

vainement les quatre points cardinaux entourent la civière

et par enchantement la mousseline des anges

se change

en rien.

 

Gunnar Ekelöf : Tard sur la terre. Jean-Clarence Lambert. Gallimard

C'est en 1949 qu'elle publie Éclipse d'étoile.

De 1954 à 1969, elle entretient une correspondance avec Paul Celan : un extrait, écrit de Stockholm, le 18 juin 1960, pour Paul, Gisèle et Éric Celan

Vous mes Trois bien-aimés

Après l'adieu et ensuite traversé les airs et ensuite descendre, arrachée – mais vous m'avez devancée, sur le sol suédois l'herbe, un instant, vert doré comme dans les seuls rêves d'enfant. J'essaye de réaliser car j'ai appris – appris et reçu un peu de votre rayonnement, vous qui faîtes front – et pas seulement à trépasser dans la souffrance – dans le bonheur comme je l'ai toujours fait, avec trop de hâte. Mais il faut encore beaucoup d'entraînement, si difficile de saisir la vie en dehors quand après une longue époque on fut ainsi de nouveau à la maison.

Votre Nelly

 

Le 10 décembre1966, Nelly Sachs se voit décerner le Prix Nobel de Littérature. Elle s'éteint quatre ans plus tard ; cette même année, Paul Celan s'est donné la mort.

"Je n'ai pas de pays et, au fond, pas non plus de langue. Rien que cette ardeur du coeur qui veut franchir toutes les frontières", écrit-elle (Éli suivi de Lettres et d'énigmes en feu).

Quand le jour devient vide
dans le crépuscule,
quand commence le temps sans images, 
que les voix solitaires se rejoignent - 
et quand les animaux ne sont rien que chasseurs
ou bêtes traquées -
et les fleurs seulement senteur -
quand tout devient sans nom comme au commencement -
tu vas sous les catacombes du temps
qui s'ouvrent à ceux qui sont proches de la fin
là où grandissent les pousses du coeur -
tu sombres
dans l'intériorité obscure -
passant déjà la mort
qui est seulement un seuil venteux -
et grelottant de ce chemin
tu ouvres les yeux
dans lesquels déjà une nouvelle étoile
a laissé son éclat -

 Nelly Sachs , extrait de Éclipse d'étoile, traduit par Mireille Gansel, Éd Verdier

 

19 juin 2013

LE MUR DE MÉMOIRE, Anthony Doerr

Le mur de mémoire Doerr

«Toutes les heures, songe-t-il, partout sur la planète, des quantités infinies de souvenirs disparaissent, des atlas entiers sont entraînés dans des tombes.»

Une belle rencontre avec les nouvelles d'Anthony Doerr ; six textes, remarquablement écrits, remarquablement construits, conjuguent le thème de la mémoire. Les acteurs de ces récits (quatre femmes sur six) tentent de puiser dans le stock où les expériences passées ont été conservées. Ils essaient de rappeler dans leur présent les informations, les gestes qui avaient été emmagasinés.

Alma, Imogene, Allison, Esther et les autres participent à cette même quête du souvenir, de la récurrence. Un voyage dans l'espace - Afrique du Sud, Lituanie, Allemagne nazie, Ohio -, qui emprunte le même chemin que le voyage dans le temps auquel le novelliste convoque ses lecteurs. Chaque intigue est menée avec finesse et sensibilité.

Quelle est cette mémoire à laquelle se raccroche Alma, au déclin de sa vie, qui accroche sur un mur des cassettes, des capsules mémorielles, où sont enregistrés les souvenirs de sa vie ? Et pourquoi un triste sire charge-t-il un enfant, précisément sans souvenance, d'extirper de cet inventaire un épisode précis de la vie de la vieille dame ? 

Qui est cette "gardienne de semences" - tout un symbole -, d'un village chinois destiné à l'engloutissement, à l'anéantissement par immersion, qui résiste de toutes ses forces, y compris contre son fils, pour ne pas quitter sa terre ? "Chaque pierre, chaque marche est une clé qui ouvre sur un souvenir".

Challenge a tout prix

Extrêmement métaphorique, ce recueil tire sa force d'une plume à la fois poétique, fluide, imagée, qui emprunte aussi à la science-fiction ou au policier, Pas de pathos dans aucun des récits, c'est de la vie que traite Anthony Doerr. Toutes, certainement pas, mais une grande diversité de formes de mémoires sont abordées : la mémoire individuelle, la mémoire historique, la mémoire collective, la mémoire sociale (sociétale ?), la mémoire familiale....

À lire, sans modération, pour ne pas oublier de se souvenir...

Le mur de mémoire a été couronné par le Story Prize et par le Sunday Times Short Story Award, l'un des plus importants prix récompensant des nouvelles, ce qui me permet d'inscrire cette belle lecture dans le Challenge "À tous prix" de Laure.

Les avis d'Anne, de Jérôme, de Marilyne.

23 juin 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Maram al-Masri

maram al-masri marché de la poésie 2013

Née à Lattaquié en Syrie, Maram al-Masri ((مرام المصري) est une poétesse "Franco-Syrienne" (comme elle l'indique sur sa carte de visite).
Elle s’est installée à Paris en 1982 après des études en littérature anglaise à Damas. Actuellement elle se consacre exclusivement à l’écriture, à la poésie et à la traduction. Aujourd’hui elle est considérée comme l’une des voix féminines les plus connues et les plus captivantes de sa génération.

Outre les nombreux poèmes parus dans des revues littéraires, plusieurs anthologies en arabe et les anthologies internationales traduites, elle a publié plusieurs recueils de poèmes. Jusqu’à présent, son oeuvre a été traduite en huit langues.

Maram al-Masri a participé à de nombreux festivals internationaux de la poésie en France (Corte, Bastia, Lodève, Biarritz, Nantes, Strasbourg, Toulouse, Lille, Arras, Béthune, Rennes) et à l’étranger (Buenos Aires, Cordoue, Murcie, Grenade, Lieda, Cadix, Dublin, Galway, Hambourg, Cologne, Londres, Bruxelles, Bruges, Amsterdam, Cologne, Zurich, Munich, Luxembourg, Gênes, Turin, Rome, Pistoia, Trieste, Vérone, Ravenne, Spello, Sienne, Alba, Senigallia, Reggio de Calabre, Catane, Sardaigne, Sicile, Stockholm, Copenhague, Struga, Istanbul, Rabat, Tunis, Le Caire, Damas, Alep, Koweït, San Francisco, Mexique, Trois-Rivières, Algérie, etc.).

Et elle était présente, au marché de la poésie de Paris-2013, sur le stand des Édiions Bruno Doucey qui publient ses poésies dans leur collection "L'autre langue".  C'est une DAME impétueuse, bouillonnante, pétulante, tourbillonnante, qui produit un sentiment de générosité, d'audace et de beauté, de sensualité.

Maram-Al-Masri-par la fontaine de ma bouche

Je présente aujourd'hui l'un de ses recueils de poésie paru en mars 2011 : Par la fontaine de ma bouche
"On se retrouve poitrine contre poitrine, ventre contre ventre. On s’approche, on se mêle, on s’enroule, jusqu’à la jouissance. À première vue, les poèmes sensuels de Maram al-Masri semblent évoquer la valse qui entraîne deux êtres épris l’un de l’autre, l’ivresse du désir, la frénésie des corps. Et si cette belle voix venue de Syrie nous parlait d’autre chose ? Si le corps à corps était aussi celui qu’elle entretient avec la poésie ? Avec des mots simples, dans les deux langues qu’elle affectionne, l’arabe et le français, une femme libre fait l’amour aux mots. Pour elle, l’écriture est une eau qui coule de la fontaine à la bouche",  écrit son éditeur Bruno Doucey.

 

Voici trois poèmes, extraits de ce somptueux recueil, qu'elle a écrit en arabe (Syrie) et traduit elle-même en français.

Ma bouche
pleine de paroles gelées
est une prison
de tempêtes retenues

ma bouche
est chanson d'Ishtar
et contes de Shéhérazade

ma bouche
est le gémissement silencieux d'une plainte

ma bouche est une fontaine coulant de plaisir
le cantique
du coeur

et de la chair

********************

Je tisse
avec le fil du temps
l'histoire du rêve et la mémoire de l'attente
maille
mot
mot
maille
je fais patienter la douleur du manque
et l'aviité du corps
j'écoute le récit de mes gazelles et de mes oiseaux
je n'entends pas les tempêtes souffler à l'extérieur
je ne vois pas la neige endormie
dans mon lit

Moi
qui offre
mes entrailles au printemps
et qui fait naître
de mes doigts
l'arc-en-ciel

*******************

Je me fonds dans toutes les femmes
m'efface pour devenir chacune d'elles

je vois mon regard dans celle-ci
mon sourire sur les lèvres de celle-là
mes larmes dans leurs yeux
et dans leur corps circule mon âme

elles me ressemblent et je leur ressemble
je me reconnais en elles
en elles

je m'accomplis

et me divise

********************

POÉTISONS

Le jeu

Poétisons ensemble...

La règle du jeu est ici.

Plus nous serons nombreux à faire parler la poésie, plus elle restera vive, créatrice et porteuse de beauté.

La semaine darnière, Anis, Anne et Laurence ont poétisé avec moi. À vous les mots !

 

8 septembre 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Dany-Marc

Le jour nouveau

Tes mains de ferveur
ont fait éclater dans mon corps
tout le soleil du monde
Hier la terre a tremblé pour nous
et l'aventure de la tempête partagée
donne à la vie un goût de fête

De quel volcan as-tu peuplé l'attente
De quelle vague as-tu soulevé le temple
De quelle déchirue as-tu fait basculer
l'ordre établi
Le vent de ton désir
a fait renaître mon cri
Tes mains de soif et de soleil
Tes mains de caresse et de violence

Tes mains simplement
ont rencontré l'heure vivante
de mon corps
dessiné par ta ferveur

Je rêve d'un jour        où chaque jour
mes mains de tendresse
berceront ton sommeil
apprêtant la lenteur de l'aube
comme on mûrit la graine

Alors j'éveillerai ton regard
                       et ton coeur
                       et ton corps
                       et ton rire

Et ensemble nous célèbrerons
LE JOUR NOUVEAU

Danny-Marc, Un grand vent s'est levé, Éditions Pippa

jérôme Bosch

Jérôme Bosch, Le jardin des délices, 1503

Pour faire écho à la libertine semaine que viennent de nous offrir Choco et Marilyne, ce poème de Dany-Marc, née en 1937

Dany-Marc

8 juillet 2013

LA PETITE FAMILLE, Loïc Dauvillier, Marc Lizano, Jean-Jacques Rouger

Lorsqu'en avril dernier Jérôme a présenté cet album, j'ai tout de suite pensé à l'un de mes bambins de presque 8 ans qui dit adorer ses vacances chez les grands-parents, qu'ils soient Pépé/Mémé, Papy/Momée, ou Mamie/Bernard. (Eh oui ! il a trois familles grand-parentales, le bambin !). Mais c'est qu'on ne trouve pas cet album sous le sabot d'un cheval (tiens, c'est vrai ! c'est pour faire de l'équitation que le-dit bambin passe ses vacances chez Papy/Momée) et j'ai du attendre de longues semaines pour recevoir le livre. Eh bien, je ne regrette pas.

La petite famille 1


Deux marmousets espiègles arrivent tout feu tout flamme chez Pépé/Mémé qui vivent à la campagne. Mémé-gateau et Pépé-ronchon les attendent impatiemment. Enfin... Mémé est quand même un peu plus expansive que son grognon d'époux et c'est, au fil des pages, que le lecteur comprend comment les relations petits-enfants/grands-parents se construisent, se nouent. Bref, comment on s'aime en famille.

Personne n'est idéalisé dans cet album ; les gamins sont farceurs juste comme il se doit, les parents ne sont pas drôles du tout quand ils veulent faire étalage de leurs attitudes de "bons parents" (dans le genre :'Tiens-toi bien", "Tu as entendu ce que t'a dit Maman ?", si vous voyez ce que je veux dire), Le tonton complice des petites bêtises que les adultes rendent grosses. Une Mémé "tout comme il faut", protectrice à souhait,  un peu trop d'ailleurs. Un Pépé drapé dans son rôle de patriarche et qui montre, pourtant, ses petites faiblesses : allez donc découvrir ce qu'il fait pendant que Mémé et les deux petiots font le marché !

Pépé, c'est quand même un personnage énigmatiqe. Les gosses, leur grand-père, ils trouvent qu'il "n'est pas méchant du tout, qu'il est tout doux, même qu'il a la peau râpeuse". Ils lui connaissent quelques passions, la pêche, par exemple. Mais QUI est Pépé ? 

Ces gens-là sont aussi vrais que nature, pas de bla-bla inutiles. On est en plein dans nos souvenirs d'enfance (moi, j'adorais croquer des petites carottes que mon Papy sortait de terre tout exprès pour moi, alors qu'il m'avait enroulée - en plein mois de juillet - dans son écharpe tricotée main qui m'enveloppait complètement). On est en plein projet de grands-parents, quand on reçoit les mioches que nous ont offert nos enfants.

Oui, mais un Pépé, une Mémé... c'est qui, en vrai ? Et quand le marmouset narrateur découvre et reconnaît le grand-père qu'il n'imaginait même pas jeune, beau et vaillant... quelle belle surprise !

Las ! La vie est ainsi faite qu'à peine on se rencontre vraiment, on doit se quitter. 

Le départ de Pépé est traité avec pudeur, humanité, sans trop, ni pas assez. L'enfant questionne sa responsabilité dans ce départ, sa culpabilité peut-être. C'est ainsi qu'il grandit et découvre ce qu'aimer veut dire.

Un grand bravo aux auteurs/illustrateurs et aux Éditions de la Gouttière. Cet album, c'est cadeau, c'est trésor.

 

Noukette et Choco ont aussi aimé cette BD et l'ont chroniquée.

 

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