LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : John Montague (2 poèmes)
TRACES
La vaste chambre,
salle aérienne,
nos corps liés
qui reposent.
Quand je me retourne pour poser
mes lèvres sur tes longs cheveux
noirs et sur tes petits seins,
la chaleur monte de
ton odorante peau qui s'embrase,
tes yeux s'agrandissent quand
plus profondément, avec plus d'assurance
et à maintes reprises, je pénètre en cherchant
à prendre possession
du lieu où ton être
se cache dans ta chair.
Derrière nos paupières
un paysage s'ouvre,
un horizon violet
que des pélerins traversent avec peine,
un ciel de couleurs
qui changent, font éclater
des étoiles en éventail,
l'éclair mental du sexe
illuminant les parois du crâne ;
un dôme de plaisir qui flotte.
Tu vas me manquer,
grince le miroir
dans lequel la scène
disparaît bientôt :
la vaste chambre,
salle aérienne, où les
traces de nos corps
s'effacent, cependant
que des femmes de chambre poussent
en gloussant un chariot de linge
frais tout le long du couloir.
LES ADIEUX DE DON JUAN
Dames auprès de qui j'ai reposé
dans des chambres à la lumière tamisée
doux frisson de la chair
derrière les stores ombreux
longues barres de lumière
en travers de seins chavirés
monticules chauds de
suave douceur palpitante
jeune chair embaumant
les roses que l'on froisse
la tendre anxiété
de la femme entre deux âges
chandelle dont la lueur errante
cache des veines bleues
épuisement ô combien éloquent
à regarder décroître la lumière
quand votre partenaire engourdie
dérive vers les
chaudes rives du sommeil
et que vous vous réveillez lentement
pour affronter de nouveau
l'illusion séduisante
de chercher à travers
le corps docile d'une autre
quelque chose qui manque
à votre moi isolé
tandis que la nuit profonde
pareille à un cygne noir
passe en lissant ses plumes.