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Littér'auteurs
20 mars 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Ana Blandiana au Salon du Livre 2013

                    printemps des poètes                          salon du livre

 

 

Sentier

Sentier droit
Frayé dans l'herbe
Par le peigne des pieds nus
Comme traversant les cheveux
De la terre,
Crâne réchauffé par le sommeil
Et prêt à s'effondrer
De l'automne, librement,
Comme de la vie, les vieillards.

Ana Blandiana - L'oeil de cigale (in Autrefois les arbres avaient des yeux) - 1981

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11 juillet 2013

LES DERNIÈRES NOTES DE THOMAS F, Kjell Askildsen

Je ne me sens pas très compétente pour chroniquer un recueil de nouvelles, je n'ai découvert cette écriture qu'en décembre dernier. Je disposais d'une excellente ambassadrice et, toutes deux, elle devant, nous avons écumé la libraire de l'Université à Grenoble, un 24 31 décembre 2012. Elle flirtait avec les livres, les tables de présentation, me donnait une piste, puis me disait "attends, il y a mieux". Je notais... impossible de tout écrire; je prenais... impossible de tout acheter; j'écoutais... impossible de tout entendre. Depuis... oui ! je lis des nouvelles !

Avec plus ou moins de plaisir, plus ou moins d'intérêt. Il faut dire que la barre était haute : Raymond Carver. Et qu'après avoir découvert l'un dee génies de ce genre littéraire, il m'a semblé bien difficie de trouver son équivalent, son homologue.

Et j'ai lu, il y a peu "Pour l'Amour du Chocolat", écrit par José Carlos Carmona. Sous le charme, j'ai eu envie de mieux connaître cet écrivain. Il dit que ses maîtres à écrire sont... précisément Raymond Carver et.... Kjell Askildsen.
Curiosité, quand tu me tiens ! Va pour découvrir Kjell Askildsen !

Un vrai bonheur. C'est de la pépite à l'état pur.

les dernières notes de thomas f - Askildsen

Le titre éponyme de ce recueil donne le ton d'une succession narrative qui tire du quotidien ordinaire, sans charme particulier, la force de l'équivoque.Les Dernières Notes de Thomas F. est une sorte de journal intime d'un vieillard qui jette sur son entourage un regard sans aménité. Se succèdent ensuite huit personnages, modestes et insignifiants à souhait, dont la vie monotone va être transcendée par la plume affûtée de Kjell Askildsen. C'est la futilité - la broutille - qui sert d'argument au développement de chaque nouvelle : un ancien médecin reclus dans une cave qui retrouve le magistrat qui l'avait autrefois condamné, un homme injustement soupçonné de viol qui s'englue maladroitement dans la démonstration de son innocence, un mari qui ne supporte pas que sa femme trouve un emploi.... Bref, concis, l'auteur brosse des instantanés peu flatteurs de la vie ordinaire, développe l'évènement sans intérêt pour lui donner force et dénouement inattendu.

De la belle ouvrage ! Askildsen montre avec art comment les relations entre les gens simples sont sources de dysfonctionnement, met l'anodin en relief. C'est du talent !

Kjell Askildsen

Kjell Askildsen est un écrivain norvégien, né en 1929. Son premier roman, écrit en 1953 a soulevé la controverse et a été interdit dans son pays. Les Dernières Notes de Thomas F datent de 1983. Le recuei a été couronné du Norwegian Prix de la Critique de littérature, ce qui me permet d'inscrire cet excellent ouvrage dans le challenge "À tous prix" de  Laure.

 

Challenge a tout prix

 

2 septembre 2013

CONTRE LES BÊTES, Jacques Rebotier

Jacques Rebotier peut être défini comme un créateur inclassable de par ses multiples activités : écrivain, poète, compositeur, comédien, metteur en scène. Son style est caractérisé par une constante proximité des marges et un malin plaisir à transgresser les codes.

2013

J'ai rencontré Jacques Rebotier, samedi dernier. Sur la place d'un village du Nord-Isère, il disait, il lisait, il jouait devant un auditoire clairsemé, mais attentif et subjugué. Entre les mains, il tenait un opuscule 13 x 15, de 56 pages, édité par "La ville brûle", qui reprend, dans sa page d'accueil, un extrait d'Électre de Jean Giraudoux : "Comment cela s'appelle-t-il quand le jour se lève comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et que tout est perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève ? [...] Cela s'appelle l'aurore". (1937)

Contre les bêtes _ Jacques Rebotier

Et ce que Jacques Rebotier dit-lit-joue s'est installé en moi comme une évidence. Cet homme est contre les bêtes, contre, tout contre, tout à fait pour, si près, vraiment si près... Mais pas d'angélisme, pas de gnan-gnan écolo-machin-chose, pas de retour en Ardèche avec les chèvres, les hérissons, les moutons et les moutonnes.

"Brebis, je suis votre acteur, je suis votre pasteur.
Je protégerai les vaches et les moutons des germes du loup, du bacille du furet, de la terreur terroriste, des Tazuniens, du renard-et-la-belette, des Germains !
Pour vous nous édifions un rempart de barbelés, au service du tout santé, du tout sécurité, et contre dent amère du loup. Hou !
On vous parque dans des parcs, mais c'est pour vous préserver. Les champs étaient trop grands... Les camps, même d'extermination, vous sauveront de l'extermination. Oui, vous pouvez nous remercier de vous sauver de votre liberté."

Jacques Rebotier dépeint l'Omme, sans sa (son) "H"ache. 

"Jeu.
Il existait, en 2000 et ses dernières poussières, un million d'hespèces menacées et une hespèce menaçante. Sauriez-vous la retrouver ?"

Le jeu que propose Jacques Rebotier, au fil de ce court texte (il lui a fallu une heure pour le déclamer), est le jeu du massacre, des massacres. Mais de quelles bêtes parle-t-il donc ainsi ? Oui; Ça fait réfléchir. Ça donne à penser. "C'est notre istoire, c'est l'istoire, c'est la belle votre istoire de civilisation."

Et c'est vraiment abile, cette manière dont il s'y prend pour nous ouvrir les yeux et le coeur et la tête, halouette. Pas de quoi s'ouvrir les veines, certes, mais une certaine façon de raconter l'umanité et les orreurs qu'elle génère. Et c'est vraiment écrit avec un umour complètement décapant.Un vrai réquisitoire rageur, poétique et... rieur.

Dans mon ent(h)ousiasme, j'ai emporté aussi avec moi l'un de ses recueils de poésie "Le dos de la langue" paru chez Gallimard - L'arbalète. À suivre, donc, pour l'un des prochains boudoirs....


Sur ce site, tenu par une chercheuse canadienne, Catherine Courtois, on peut lire des extraits des textes économiques et politiques de Jacques Rebotier

26 janvier 2014

LA SUPPLICATION, Svetlana Alexievitch

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La supplication,
Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse
Svetlana Alexievitch
JC Lattès, 1998, 267pages, 18,50 €

 

 

 

 

 

Depuis le 26 avril 1986, le monde n’est plus celui que nous croyons connaître. Le monde a changé en cet instant même où l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé. Le monde. Pas le périmètre devenu interdit autour du site maudit. Le monde, « tout le monde ». La terre du monde, l’air du monde, l’eau du monde, le feu du monde, les vivants du monde.

Svetlana Alexievitch, dans ce livre témoignages-documents-reportage-chronique convoque les « SUR-vivants » de l’apocalypse. Elle ne commente pas. Mais entre les lignes, entre les chapitres, entre les mots qu’elle a moissonnés, on ressent le parti-pris qu’elle prend de dénoncer, d’alerter, de témoigner de cette fin du monde qui n’a pas été dite, et qui ne l’est toujours pas.

« Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes » (Strophes pour le souvenir » Louis Aragon, in  « Le Roman Inachevé », 1955). Hommes, Femmes, Enfants… inconscients du drame, au moment même où il se noue.

Ce n’est pas de l’évènement que veut attester ce livre. C’est de l’après apocalypse. Ce sont les voix des rescapés (pour peu de temps, sans doute). Ceux qui ont perdu leurs proches, ceux qui ont été déracinés, ceux qui ont donné vie à des enfants mutilés, amputés de la vie avant même de l’avoir commencée. Des patriotes, des enrôlés involontaires, des scientifiques, des inconscients, des soldats, des résidents non autorisés…

Nikolaï Fomitch Kalouguine… les lecteurs d’Antoine Choplin reconnaîtront ce père qui, dans « La Nuit Tombée »*, en moto, traverse la forêt, pour récupérer une porte de son appartement de Pripiat. « Notre porte… Notre talisman ! Une relique de famille. Mon père a été allongé sur cette porte. J’ignore l’usage ailleurs, mais, chez nous, ma mère disait qu’il fallait coucher les défunts sur la porte de la maison en attendant de les mettre en bière. […] Ma fille avait six ans. Je la borde et elle me murmure à l’oreille : « Papa,  je veux vivre, je suis encore petite. » […] Nous l’avons allongée sur la porte… Sur la porte qui avait supporté mon père, jadis. Elle est restée là jusqu’à l’arrivée du petit cercueil… Il était à peine plus grand que la boîte d’une poupée. Je veux témoigner que ma fille est morte à cause de Tchernobyl ».

Arkadi Pavlovitch Bogdankevitch, un assistant médecin… « Bonne gens, laissez-moi tranquille ! Nous autres, nous habitions ici. Vous vous allez causer et repartir. Mais nous resterons. […] Pouvez-vous être d’un quelconque secours ? Non ! Alors, à quoi bon venir ? Nous poser des questions ? Nous toucher ? Je ne veux pas faire commerce de leur malheur. Ou philosopher là-dessus. Bonne gens, laissez-moi ! C’est à nous de rester vivre ici. »

Sergueï Vassilievitch Sobolev, vice-président de l’association biélorusse « Le Bouclier de Tchernobyl »… « Il n’y aura plus jamais d’autre monde. Nous comprenons maintenant que nous n’avons nulle part où aller. Cela implique une sensation de sédentarité tragique, une autre perception du monde. Souvenez-vous d’Erich Maria Remarque… Comme une génération perdue qui rentre toujours de la guerre. Avec Tchernobyl, il s’agit d’une génération désemparée. Nous sommes désarmés… Seule la souffrance humaine n’a pas changé… Notre seul capital. Qui n’a pas de prix ! »

 Vassili Borissovitch Nesterenko, ancien directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des Sciences de Biélorussie … que les lecteurs de Javier Sebastian reconnaitront dans « Le cycliste de Tchernobyl »*. « Non, ce n’était pas des criminels, mais des ignorants. Un complot de l’ignorance et du corporatisme. Le principe de leur vie, à l’école des apparatchiks : ne pas sortir le nez dehors […] Surtout pas de vagues, ne semez pas la panique, il y a déjà assez de bruit autour de cela en Occident. […]  Les responsables ne se faisaient pas de souci pour les gens, ils s’en faisaient pour leur pouvoir. Nous vivons dans un pays de pouvoir et non dans un pays d’êtres humains ».

Svetlana Alexievitch, l’auteur de ce livre… « C’est plus qu’une catastrophe…. Justement tenter de placer Tchernobyl au niveau des catastrophes les plus connues nous empêche d’avoir une vraie réflexion sur le phénomène qu’il représente. Nous semblons aller tout le temps dans une mauvaise direction. Dans ce cas précis, notre vieille expérience est visiblement insuffisante. Après Tchernobyl, nous vivons dans un monde différent, l’ancien monde n’existe plus. Mais l’homme n’a pas envie de penser à cela, car il n’y a jamais réfléchi. Il a été pris de court ».

Valentina Timifeïevna Pannassevitch, l'épouse d'un liquidateur, Vladimir Matveïevitch Ivanov, ancien premier secrétaire du comité du parti du du district de Slavgorod, et des dizaines d'autres se confient à l'auteure dans un livre à lire, 22 ans après ce « phénomène », parce que Tchernobyl est dans notre contemporanéité, parce que les traces invisibles restent ostensibles, parce que les témoignages recueillis expriment aussi la force de vie qui anime l’être humain.

EN GUISE D'ÉPILOGUE

"Une agence de voyage de Kiev propose des voyages à Tchernobyl et une tournée au coeur des villages morts... Naturellement,pour de l'argent. Visitez La Mecque du nucléaire..." (Le journal Babat, février 1996)


* clic sur le titre pour lire la chronique

 

27 mars 2014

LE MONDE MERVEILLEUX DU CACA, Terry Pratchett

2014

Le monde merveilleux du caca
Terry Pratchett
L’Atalante (24 octobre 2013)
Traduction : Patrick Couton
Illustrations : Peter Dennis
135 pages

Dans ce livre, il n’est question que de « ça », du caca. Mais point de scatologie, point. Un délicieux petit roman, absolument jubilatoire et humoristique.

Terry Pratchett est un écrivain britannique, très prolifique, qui a créé le « disque-monde » en 1983, un monde absurde et comique, irrationnel, satirique, délirant et complétement décalé. Un monde plat et circulaire, porté par quatre éléphants, eux-mêmes juchés sur la carapace d’une tortue gigantesque qui navigue dans le cosmos.

L’auteur, spécialiste de la Fantasy, profite de sa plume agile et bien aiguisée pour piqueter la société, en utilisant, entre autre, magie, dragons, croyances irrationnelles…

Pour revenir à nos moutons – ou plutôt à nos excréments – Terry Pratchett prête sa faconde à Mlle Félicité Bidel qui, d’emblée, explique que « ce qu’il faut révéler aux enfants sur les réalités du monde humain [doit être] un sujet de préoccupation pour tous les parents » et « qu’en s’interdisant de parler aux enfants de ce qui entre dans leur organisme et en sort on en fait un sujet tabou qui prête le flanc aux ricanements ». Et de rajouter : « Ce que nous mangeons puis excrétons joue un rôle primordial dans la société humaine, surtout dans celle que nous nous plaisons de qualifier de civilisée. […] Adopter la politique du chat et croire que ce qu’on ne voit pas n’existe pas n’est pas une attitude digne d’une société honnête ».

Geoffroy, petit garçon, est envoyé chez sa grand-mère dans la grande ville d’Ankh-Morpork, pendant que sa maman se prépare à donner naissance à un « heureux évènement », le temps que la situation « s’éclaircisse ». Pas très rassuré, le bonhomme. Pourtant il est accueilli par un « j’imagine que du gâteau te ferait plaisir », qui le rassure un peu. Sa grand-mère n’est pas si revêche qu’il le craignait. Tout de même, pour fuir son angoisse, lorsque la vieille dame – haute silhouette mince toute vêtue de noir, le nez chaussé de lunettes redoutables – l’invite à explorer le jardin, il accepte volontiers la suggestion. Se baladant « sous les pommiers ancestraux, il [sent] quelque chose lui atterrir sur la tête »… Du caca d’oiseau. Qui porte bonheur. (1)
Dès que l’enfant apprend cela, il se met en tête de créer un musée qui rassemblera tous les cacas possibles et imaginables. « Après tout, sans caca, le monde exploserait ». Il bénéficie de la complicité du jardinier et de celle, inattendue, de grand-maman qui salue son « esprit novateur ». Inattendue, mais très efficace. Une collecte complètement aléatoire issue de rencontres complètement improbables. La première rencontre, c’est le « lieu d’aisance » de la maison de sa grand-mère : « Geoffroy se faisait l’impression d’être un roi sur son trône. À la vérité, comme beaucoup de souverains, il se tenait en équilibre précaire sur le bord, conscient qu’il risquait de glisser s’il ne se méfiait pas ». Dès lors, la récolte de crottes en tout genre va devenir son occupation principale : crottes de souris, de poules (2), de ver de terre, de chat (3), de chien (bien évidemment). Quand le petit collectionneur fait la connaissance de Louis, il découvre qu’un certain tire profit des déjections canines : sire Henri Roi auquel Madame interdit de ramener du boulot à la maison. Alors il entrepose « de la pure » dans de grandes cours en dehors de la ville. Allusion ? Mais c’est bien sûr !

Geoffroy, désormais, ne va pas se contenter de récoltes ordinaires. Et son enthousiasme pour les pièces uniques est communicatif : dragon (4), gargouille, babar l’ermite  des terres d’Howonda, musaraigne aquatique de Ker-Gselzehc, suricates acrobates (qui, entre nous, se font leur cinéma), chameaux calculateurs (très pointilleux quant aux nombres entiers à virgule flottante), élan porte-manteau de Néantfjord, tout ce monde hétéroclite va fournir au collectionneur ce qu’il faut pour alimenter son assortiment en cacatologie.

Je dévoile déjà beaucoup trop de cette réjouissance.

2014

Mais je n’ai pas encore tout dit, pourtant. Un ouvrage à la couverture cartonnée, à l’ancienne, comme la sexagénaire que je suis se rappelle la distribution des prix. Des illustrations de Peter Denis, qui, elles aussi, rappellent le bon vieux temps. Celui où je découvrais à peine le bonheur de lire.

Et je vais conclure par « the » dédicace, signée par Terry Pratchett : « Je dédie donc ce livre à mon vieil ami sire Henri Roi, l’homme qui transmue la crotte en or ! »

Toutes les notes suivantes sont de l’auteur.

PS – C’est extrêmement bien écrit….

(1)   La croyance voulant qu’un oiseau qui vous défèque sur la tête porte bonheur est commune à un grand nombre de cultures. Quand on demande pourquoi, une réponse triviale revient régulièrement : « Ben, c’est pas une vache ».

(2)   Les œufs de poule ont souvent du caca collé sur la coquille car les poules se fichent de savoir où elles font leurs besoins. Dans l’empire agatéen, on gratte soigneusement le caca pour en faire de la soupe, mais, à tout prendre, il vaut mieux laver l’œuf avant de le plonger dans l’eau bouillante, surtout si, comme certains, on se sert de la même eau pour le thé.

(3)   Les chats shling-shlang-bang du Contrepoids sont vénérés pour le caractère agressif de leur caca, qu’on sèche soigneusement, puis dont on se sert pour les feux d’artifices.

(4)   Le caca de draco nobilis rappelle celui de n’importe quel carnivore, mais, si des chevaliers en armure ont figuré au menu récemment, les dragons excrètent de petites rondelles en fer-blanc, comme celles du bœuf salé, ou plutôt du bœuf scellé dans le métal, comme qui dirait.

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19 juillet 2014

LES PLUMES DU SILENCE CHEZ ASPHODÈLE

le loup et l'agneau

Parmi les mots récoltés par Asphodèle, celui qui a immédiatement attiré mon attention - allez savoir pourquoi - c'est "agneau". Et la fable de Jean de La Fontaine m'a immédiatement trotté dans la tête. Alors, pourquoi pas remonter aux sources ? J'ai pris plaisir à pasticher les deux fables originales en y insérant les mots de la collecte : 

essentiel – réserve – regard – musique – félicité – observer – minute – nuit – agneau- son – muet – apaiser – méditation – angoissant – justesse – jacaranda - jouer

Et voici ce que ça donne : 

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – Un pastiche de la fable d’Ésope

 

Un loup, observant un agneau qui buvait avec félicité à une rivière bordée de jacarandas, voulut alléguer un prétexte spécieux pour le dévorer. C’est pourquoi, bien qu’il fût lui-même en amont, il l’accusa de troubler sa réserve d’eau, de l’empêcher de la boire et d’en entendre la musique. L’agneau, cherchant à l’apaiser et croyant qu’il jouait, répondit qu’il ne buvait que du bout des lèvres, et que d’ailleurs, étant à l’aval, il ne pouvait troubler l’eau à l’amont. Le loup, ayant manqué son effet angoissant, reprit : « Une minute, jeune effronté, l’an passé, une nuit, tu as insulté mon père. — Je n’étais pas même né à cette époque, » répondit l’agneau. Alors, sans un regard, le loup reprit : « Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t’en mangerai pas moins. » Le petit animal en devint muet d’effroi et aucun son ne put lui échapper lorsque le loup l’emporta.
Cette méditation pleine de justesse montre qu’auprès des gens décidés à faire le mal la plus essentielle défense reste sans effet.

LE LOUP ET L’AGNEAU – La fable d’Ésope

Un loup, voyant un agneau qui buvait à une rivière, voulut alléguer un prétexte spécieux pour le dévorer. C’est pourquoi, bien qu’il fût lui-même en amont, il l’accusa de troubler l’eau et de l’empêcher de boire. L’agneau répondit qu’il ne buvait que du bout des lèvres, et que d’ailleurs, étant à l’aval, il ne pouvait troubler l’eau à l’amont. Le loup, ayant manqué son effet, reprit : « Mais l’an passé tu as insulté mon père. — Je n’étais pas même né à cette époque, » répondit l’agneau. Alors le loup reprit : « Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t’en mangerai pas moins. »

Cette fable montre qu’auprès des gens décidés à faire le mal la plus juste défense reste sans effet.

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – Un pastiche de la fable de Phèdre

 

Un loup et un agneau étaient venus au même ruisseau, pour apaiser leur soif sous les jacarandas. Le loup se tenait en amont et l'agneau plus loin en aval. Alors excité par son gosier avide, le brigand invoqua un sujet de dispute. « Pourquoi, lui dit-il, le regard enflammé, as-tu troublé mon eau en la buvant ? » Le mouton sortit de sa réserve et observa avec justesse : « Comment puis-je, loup, je te prie, faire ce dont tu te plains, puisque le liquide descend de toi à mes gorgées, pour m’emplir de félicité ? »  L'autre se sentit atteint par la force de la vérité : « Ne joue pas avec mes nerfs. Tu as médit de moi, dit-il, il y a plus de six mois. — Mais je n'étais pas né, répondit l'agneau. — Attends une minute, par Hercule ! Ton père alors a médit de moi, fait-il. Es-tu devenu muet ? Plus un son ne sort de ta bouche ! ». Puis, la nuit venant, il le saisit, le déchire, et lui inflige une mort injuste.
Cette fable essentielle a été écrite à l'intention de ces hommes angoissants qui oppriment les innocents pour des raisons inventées. Puisse un jour un amphion la mettre en musique pour qu’elle devienne méditation.

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – La fable de Phèdre 

Un loup et un agneau étaient venus au même ruisseau, poussés par la soif. Le loup se tenait en amont et l'agneau plus loin en aval. Alors excité par son gosier avide, le brigand invoqua un sujet de dispute. « Pourquoi, lui dit-il, as-tu troublé mon eau en la buvant ? » Le mouton répondit avec crainte : « Comment puis-je, loup, je te prie, faire ce dont tu te plains, puisque le liquide descend de toi à mes gorgées ? »  L'autre se sentit atteint par la force de la vérité : « Tu as médit de moi, dit-il, il y a plus de six mois. — Mais je n'étais pas né, répondit l'agneau. — Par Hercule ! ton père alors a médit de moi, fait-il. » Puis, il le saisit, le déchire, et lui inflige une mort injuste.
Cette fable a été écrite à l'intention de ces hommes qui oppriment les innocents pour des raisons inventées.

 

LES PLUMES

Chez Asphodèle (ici) , son texte, et les liens vers ceux des participants : ValentyneDame MauveJacou33MarlaguetteSoène,Modrone-Eeguab , Mind The Gap,. SharonNunziJanick, CériatAlphonsineMartine27Célestine.  Pierrot BâtonMomo. LilouSoleil.

 

26 novembre 2014

BOUCLE D'OURS - Stéphane Servant & Laetitia Le Saux

Billet d’humeur

2014

Notre société deviendrait-elle [F/R]igide au point de rejeter tout ce qui pourrait offrir aux enfants le droit de grandir en raisonnant ? Lorsque j’accompagnais (il n’y a guère) des jeunes élèves déficients légers, le fondement de mon projet pédagogique visait à développer leur capacité de penser. Parce que j’étais surprise – voire choquée – que, dans le circuit scolaire traditionnel d'où ils venaient, ils avaient surtout été conduits à appliquer dogmatiquement des règles dont le sens leur échappait. Mais cet enseignement étroit n’était seulement destiné qu’à ces gamins déficitaires. Leurs camarades, étiquetés comme « normaux », avaient, eux aussi, eu droit au même traitement. Je frémis à l’idée que nous devrions inculquer à nos enfants le principe du « tais-toi et obtempère ». Et il semblerait que je n’ai pas fini de frémir.

J’en veux pour preuve deux exemples.

 

  • Cet album, que je présente ici. Boucle d’Ours… (la référence est manifeste). Mais il ne s’agit pas d’un remake moderne du conte « Boucle d’Or et les Trois Ours », dont Bruno Bettelheim, dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées dit que « certains problèmes majeurs de l’enfance y sont abordés […] : la recherche d’une identité », notamment. Pile ! Boucle d’Ours, répond parfaitement au critère.

    2014

    C’est l’histoire d’une famille Ours qui se prépare pour le carnaval : Maman sera Belle au Bois Dormant et Papa, Grand Méchant Loup. Petit Ours, lui, veut se déguiser en Boucle d’Ours, avec une jupe rose et des couettes blondes. Soutenu par la complicité maternelle, il résiste vaillamment aux protestations stéréotypées paternelles ; c’est Grand Méchant Loup (le vrai), travesti en Chaperon Loup qui finira par convaincre le père du bien-fondé de la demande de son rejeton.

    C’est là, à ce que j’en sais, que le bât blesse. L’album fait partie de la sélection maternelle des Incorruptibles (prix de littérature jeunesse décerné par les jeunes lecteurs) (clic). Certains bien-pensants-à-la-place-des-enfants prétendraient que… voyez-vous…

2014

Ben oui ! Je frémis ! C’est toujours Bettelheim (avec lequel, vous l’aurez compris, je suis entièrement d’accord) qui dit que les contes doivent mettre l’enfant dans des situations de plaisir, d’inquiétude et de conflits, pour mieux l’aguerrir devant les difficultés de la vie réelle. Qu’ils doivent stimuler l’imagination, picoter l’intelligence… C’est pas ça, Boucle d’Ours ? Ah bon ! Qui c’est qui voit le mal partout ? Qui c’est qui a oublié ce qu’est une métaphore ? Et en quoi elle peut aider à grandir, voire être thérapeutique ?

 

2014

  • Le week-end prochain à Montreuil, la 30ème édition du Salon du livre et de la presse jeunesse. Et depuis quelques jours la polémique enfle, m’a-t-on dit, à propos de l’affiche d’Audrey Calleja choisie pour illustrer cet anniversaire. Il serait question d’une certaine théorie du genre (ou inversement). Je ne vais pas plagier l’excellent billet de « Actualitté » (que je vous invite à lire ici). Nous avons connu aussi l’épisode de Tous à Poil… Ce sont les adultes qui plaquent une morale ou chargent le livre d’intentions que l’enfant ne lui attribue pas (pas plus que l’auteur, souvent).

2014

Ben oui ! Je frémis ! Mais ça ne regarde que moi, finalement !

Et les enfants.

Et surtout les enfants.

 

6 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 6 mars¨ Aujourd'hui il faudrait réparer

2015

Bricoleuse est mon âme
mais la bricole ne me le rend guère.
Je vais vous dire ce qui naguère
faisait partie de mon programme.

De changer une roue
j’étais fière.
Nul besoin d’intermédiaire
même sous la pluie et dans la boue.

Las ! Les années passent
 et la souplesse lâche.
Je deviens moins bravache,
j’ai perdu mon audace.

2015

Alors, je rafistole,
alors, je rapetasse.
Et quand sur moi tombe la poisse
j’ai bien perdu de ma gloriole.

Ce qui concerne ma bagnole
est une affaire de spécialiste.
Je téléphone au garagiste
pour qu’il s’occupe de ma chignole.

Allo ?

© Martine Littér'auteurs - 6 mars 2015

https://www.facebook.com/martine.crasez


Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.


Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante. La liste des thèmes et le règlement sont ici

Valentyne, sur son blog "La jument verte", Fred Mili, sur "Histoire et Nouvelles", Marlaguette, sur "Destinée de pacotille", Jacou, sur "Les mots autographes", Dominique, sur "Un esprit sain dans un corsage", Asphodèle, sur "Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture"Martine, sur "Mon carnet à Malices" Croc, sur "Des mots et des images" se livrent aussi à cet exercice quotidien et périlleux.

Prochain épisode : 7 mars¨ Aujourd'hui leçon à apprendre par cœur.

26 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 26 mars ¨ Aujourd'hui j'éviterai de dire que.

 

2015

Révoltée, je lisais ça, ce matin. Je m'apprêtais à ne pas éviter de dire que les Hommes sont des criminels qui ne reculent devant aucune immonde justification pour se dédouaner de leurs exactions.

Et, cet après-midi, je suis tombée sur ça :

 

2015

Naoto Matsumura est le dernier Homme de Fukushima, animé par une philosophie qui lui fait considérer les espèces comme ayant des droits sacrés. Il a décidé de rester dans cette zone dangereuse pour s'occuper des animaux abandonnés sans soin dans un environnement irradié.

J'éviterai donc de dire que TOUS les Hommes massacrent la Planète.

©Martine Littér'auteurs - 26 mars 2015

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Le règlement des "366 réels à prise rapide" et la liste des 17 participants que j'ai répertoriés à ce jour sont ici

Prochain épisode : 27 mars ¨Aujourd'hui une personne nerveuse.

2 avril 2015

CAHIERS DU JOUR : 2 avril ¨ Aujourd'hui signature

 

2015

Aujourd'hui, je n'ai rien signé, rien paraphé. J'ai juste glissé quelques fois, une carte de 85,60 × 53,98 mm dans la fente d'une machine à encaisser les sous. Pour l'obtenir, il a fallu que j'appose ma signature, une fois, naguère, sur un document nébuleux, qui disait substantiellement  que j'étais autorisée à dépenser l'argent qui m'appartient (parait-il), que je dépose dans un lieu confidentiel appelé "banque" qui m'affirme que ça lui coûte cher de veiller sur ma "fortune" de retraitée de l'éducation nationale. Je n'avais pas signé, certes, mon arrêt de mort ; mais pas de gaité de cœur.

©Martine Littér'auteurs - 02 avril 2015

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Prochain épisode : 3 avril ¨ Aujourd'hui ce que l'on porte.

15 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 15 mars ¨Aujourd'hui petite satisfaction personnelle

 

 

2015 03 15 petite satisfaction

Il arrive, parfois (trop souvent) que les journalistes « corrigent » les articles que j’envoie : un mot change, une phrase disparaît, une faute que je n’ai pas faite apparaît… D’une manière générale, ça m’agace. Mais quand ces jeunes gens, plus journaleux que journalistes, modifient le sens de mes propos, ça m’exaspère (d’autant que j’ai ensuite à en rendre compte aux personnes dont j’ai parlé). Reçu, aujourd’hui, un mail du chef d’agence : «  J’attendais de pouvoir échanger avec le responsable de ces publications qui ont déclenché ta colère que je ne peux trouver que légitime ».

Petite satisfaction personnelle…

© Martine Littér'auteurs - 15 mars 2015

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Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.


Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante. La liste des thèmes et le règlement sont ici

La bande des "aujourd'hiens" et des "aujourd'huistes", répertoriée à ce jour (clic sur le nom de leur blog) :

Valentyne, sur son blog "La jument verte", Fred Mili, sur "Histoire et Nouvelles", Marlaguette, sur "Destinée de pacotille", Jacou, sur "Les mots autographes", Dominique, sur "Un esprit sain dans un corsage", Asphodèle, sur "Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture"Martine, sur "Mon carnet à Malices" Croc, sur "Des mots et des images", Rebecca Zartarian-Arabian, ICINadael sur « Les mots de la fin« . Prudence Petitpas, ICIMarie-Jo64, sur Mijo espace

Prochain épisode : 16 mars ¨ Aujourd'hui une belle image.

21 avril 2015

CAHIERS DU JOUR : 21 avril ¨ Aujourd'hui plaque de rue

2015

Les "Trines", à La Côte Saint André, sont des ruelles étroites qui permettent la traverse de la ville. Elles n'ont jamais été destinées à la circulation, mais au recueil des eaux pluviales et des eaux usées des latrines. Aujourd'hui, on y circule à pied seulement, ces ruelles sont plus salubres. Elles font penser aux traboules Lyonnaises. Au gré d'une promenade, le passant peut errer dans la Trine du Couvent, la Trine de la Forge, la Trine de l'Antiquaire, la Trine du Charbonnier, la Trine du Tonnelier, la Trine de l'Asile, et la Trine du Four à Pain

FOUR A PAIN

Trine du Four à Pain - © Dominique Fabre

 

ANTIQUAIRE

 

Trine de l'Antiquaire - - © Dominique Fabre

 

COUVENT

 

Trine du Couvent - - © Dominique Fabre

 

TONNELIER

 

Trine du Tonnelier - - © Dominique Fabre

© Martine Littér'auteurs - 21 avril 2015 

 

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Prochain épisode : 22 avril ¨Aujourd'hui je renonce à.

17 février 2014

LE KOALA TUEUR & AUTRES HISTOIRES DU BUSH - Kenneth Cook.

LE KOALA TUEUR

Le koala tueur & autres histoires du Bush
Kenneth Cook
Éditions Autrement, 2009
154 pages

 

 

 

 

 

 

 

La vie sexuelle des crocodiles (extrait du recueil)

Le bush australien de l'auteur est peuplé de créatures, humaines et animales, bien étranges, si on l'en croit. Et quelles raisons le lecteur aurait-il de n'y pas croire puisque Cook affirme que les aventures qu'il y a vécues sont absolument réelles ? "La valeur [d'une situation] réside dans son extravagance même, mais elle est si extravagante que l'on ne peut pas raisonnablement s'attendre à ce que quelqu'un y croie".Parmi les rencontres qu'il fit avec Blackie et ses serpents, Mary Anne Locher et les koalas, Vic et ses taïpans, Alan et son éléphante Annie, Namitiji et son chameau, Henry et son chat Cédric, il y eut aussi quelques rugueux téléscopages avec Ivan, Jack, Bulbul, Bert, Bill, Hans,  avec un sanglier furibond, aussi, et un chien prénommé Georges.

Il y a fort à parier que Kenneth Cook était un personnage original, son écriture en témoigne, d'ailleurs ! Mireille Vignol, la traductrice de ses textes, écrit en postface : "Nous découvrons un homme candide, sympathique, bon vivant, au raisonnement sain et absurde [...], dont la curiosité et la générosité finissent toujours par l'emporter sur la lâcheté, mais le mettent systématiquement dans le pétrin".

Ce qu'il va découvrir sur la sexualité des crocodiles et la manière dont il va décrire cette découverte confirme de façon éclatante l'avis de Mireille Vignol. 
Voilà notre narrateur accompagnant Roger, un professeur de sciences naturelles qui étudie les grands crocodiles d'estuaire du nord de l'Australie. Et comme souligne Kenneth C : "Les enthousiastes ne sont pas des gens comme les autres. Ils ne sont ni meilleurs ni pires : simplement différents". Il va en faire l'expérience. Roger se montre à la fois rationnel et peu prudent. Ce qui n'est pas sans faire progressivement monter le taux d'adrénaline de Kenneth C. Roger s'émerveille, pendant que Kenneth s'inquiète. Roger gazouille de bonheur, pendant que Kenneth grommelle. Roger photographie, pendant que Kenneth s'agrippe à son fusil. Roger protège l'espèce (des crocodiles), pendant que Kenneth veut protéger l'espèce (des humains). À tel point que Kenneth en était "presque à [se] méfier presque autant des experts en crocodiles que des crocodiles".

Mais la copulation, dans tout ça ? Heu, si je vous dis tout... C'est tout une aventure ! et pas vraiment jouissive pour les crocod'elles. À vous de voir... de lire... avec ou sans fusil, avec ou sans appareil photo (et en 1987, ils n'étaient pas numériques !)

En tout cas, moi, j'ai bien aimé cette lecture ré"jouissante" et même ré"jouissive" (je ne dois pas me sentir très solidaire des p'tites dames crocodiles...), jubilatoire, qui donne envie de filer en Australie, rien que pour se foutre la trouille en observant les crocos forniquer.

 

Et une nouvelle de plus pour remplir la besace de ma complice Flo (clic)

30 janvier 2014

KINDERZIMMER, Valentine Goby

KINDERZIMMER

Kinderzimmer
Valentine Goby
Actes Sud, août 2013, 218 pages

 

 

 

 

 

 

 

France, 2013. Suzanne Langlois, inlassablement, narre la dernière guerre à de jeunes élèves de terminale. C’est d’elle qu’elle parle. Une jeune fille l’interrompt : « quand avez-vous su que vous étiez à Ravensbrück ? » Suzanne Langlois se tait. Elle ne sait pas. Elle se rappelle les mots de la poétesse Charlotte Delbo, évoquant Auschwitz, « un lieu d’avant la géographie », dont elle n’a su le nom qu’après deux mois de captivité. Ravensbrück, non, Suzanne Langlois ne savait pas non plus.

Ravensbrück, en 1944. Plus de quarante mille détenues y sont entassées, dans le dénuement, la crasse, la faim, l’humiliation, la violence. Dans l’antichambre d’une mort presque certaine. Quarante mille femmes déportées de Pologne, de Russie, de France, de Belgique… Suzanne Langlois était Mila, enceinte de trois mois au moment de son arrivée au camp. Tant qu’elle peut, elle cache sa grossesse et supporte courageusement la cruauté des gardiennes et des surveillantes, le supplice de l’Appel.


« C’est le moment où tes pupilles roulent comme des yeux de mouches. Voir. Mesurer l’espace. Bouger les pupilles d’un coin à l’autre de l’œil et de haut en bas sans remuer la tête, sans rien activer du reste du corps qui doit être immobile, ont dit les Françaises : faire la stèle ».

 

Mila se tait, parce qu’elle a appris qu’il n’y a pas si longtemps les nouveau-nés étaient noyés sous les yeux de leur mère, ou qu’on avortait les femmes jusqu’à huit mois de grossesse et brûlait le fœtus… Mila se tait. Parce que le seul objectif est de survivre. Mais son secret est rapidement mis au jour par ses codétenues. Et la solidarité entre ces femmes va être exemplaire : elles s’accrochent à l’espoir. Et quand, dans la Kinderzimmer (chambre des enfants, des nourrissons), de bébé de Mila voit le jour, leur lutte pour la survie se poursuit dans un lieu où la vie et la mort sont entremêlées… Ravensbrück, un camp où l’on a donné la mort à celles qui donnaient la vie.

« Le camp est une régression vers le rien, le néant, tout est à réapprendre, tout est à oublier ».

Valentine Goby s’inspire de la détention de Marie-José Chombart de Lauve, puéricultrice-captive à la Kinderzimmer de Ravensbrück,  pour signer un roman d’envergure. Pas un roman de plus sur la guerre, sur les camps de concentration.
Un roman sur la vie. Aucun pathos. Des phrases courtes, denses, soutenues. Un vocabulaire précis, âpre. Les corps affamés, malades, exsangues. Les nourrissons qui ressemblent à des vieillards. Une narration au plus juste de la vie, au plus juste de la mort, au plus juste du souvenir que l’on veut effacer.

La musique choisie par l'auteure pour illustrer son roman :

 

8 mai 2015

CAHIERS DU JOUR : 8 mai ¨Aujourd'hui la ligne qui va de.

La ligne qui va du début à ... aujourd'hui…

Je ne sais pas comment, un jour, j'ai découvert cette page, presque anonyme, qui proposait d'écrire chaque jour, en cent mots maximum, sur un événement réel de la journée, L'idée m'a plu, dans le sens d'un entraînement quotidien qui dérouille les neurones.

2015-05-08 LIGNE

Aujourd'hui, je sais que je ne suis pas seule à jouer avec les mots et les thèmes.  Mais, je n'ai aucune responsabilité dans ces Exercices de Style, qui ne m'appartiennent pas et que je ne gère pas. Chacun fait ce qu'il veut, comme il veut, sans se référer à moi.

© Martine Littér'auteurs - 8 mai 2015 

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Prochain épisode : 9 mai¨ Aujourd'hui ventre.

6 mai 2015

CAHIERS DU JOUR : 6 mai ¨ Aujourd'hui un carré parfait

 

2015

Le carré est un quadrigone bien élevé

-         Si le carré n'était pas parfait, alors il serait rectangle. Losange. Trapèze. Parallélogramme. En tout cas, il aurait quand même quatre côtés. Quatre angles. Quatre sommets. Et il serait toujours un quadrilatère.

-         Pourquoi on dit "polygone" ? me demande le petit élève de CE1, abasourdi.

-         Polygone. Ça veut dire plusieurs (poly) angles (gone). Le carré a quatre angles. "Quadri"… c'est quatre.

-         Poly… c'est de la même famille que "poli"ce ! m'interrompt, ravi, le bambin qui, en français, patauge dans les mots de la même famille que… Ça existe, les carrés im"poli"s ?

© Martine Littér'auteurs - 6 mai 2015 

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Prochain épisode : 7 mai ¨ Aujourd'hui pour de semblant.

10 septembre 2013

LE QUATRIÈME MUR, Sorj Chalandon

sorj-chalandon-le-quatrieme-mur

Me voici, après une lecture difficile, devant le difficile exercice de rédiger un billet sur le dernier livre en date de Sorj Chalandon. Difficile, parce que je considère cet auteur comme l'un des récents monuments de la littérature. Difficile, parce que j'ai avec lui, sans qu'il le sache, un lien particulier : c'est grâce à lui et au "Petit Bonzi" que j'ai retrouvé le chemin de la lecture et de l'écriture, après avoir vécu un choc émotionnel et intime d'une extrême violence.

Depuis, j'ai exploré son oeuvre avec une certaine avidité, aimé "Une promesse", "Mon Traitre", "La légende de nos pères", "Retour à Killibegs". Aimé, vraiment. Inconditionnellement. Dès lors, je ne pouvais qu'attendre impatiemment ce roman qui vient de paraître. Je me suis gardée de lire chroniques, critiques et interviews : je ne souhaitais de cette nouvelle lecture que mes propres émotions. Parce que, comme Sam, je "redoute les certitudes (les miennes quand elles surgissent, et aussi celles des autres) pas les convictions". 

Sam le grec. Samuel Akounis, sans lequel ce roman n'aurait pu être conçu. Sam, qui vient, en 1974, interpeller un groupuscule d'étudiants insoumis, révoltés et engagés de l"amphi de la faculté de Jussieu. Sam, qui passe par là, mais pas par hasard. Sam qui leur raconte "la nuit du drame, le samedi 17 novembre". Athènes,1973. La répression sanglante. Sam secoue les consciences, rétablit des vérités, désigne les adversaires à ces jeunes qui brandissent le petit livre rouge, qui hurlent au nazisme sans s'être frottés aux réalités de l'histoire. Sam sait, lui. Et il explique, il dit, il narre l'innénarable. "Le Grec parlait. L'Amphithéâtre se taisait. Nous n'étions pas habitués à cette économie de mots et de gestes. Il nous racontait comme on se confie, reprenant sa respiration comme au sortir de l'eau".

Cette respiration, c'est justement ce qui manquera à Samuel Akounis, pour réaliser son rêve de théâtre, de théâtralité, de théâtralisation, sa belle utopie.

Georges et Aurore nouent une amitié sans faille avec Sam. Ils appartiennent à ce groupe d'édudiants qui viennent de trouver leur père spirituel, leur guide de l'engagement. Georges est apprenti metteur en scène et rêve de merveilleuses réalisations. Sam EST metteur en scène et confie à Georges le soin de mettre en scène sa belle utopie

Au Liban, la guerre se déchaîne. Au nom de Dieu, du dieu de chacun des antagonistes, les massacres se multiplient, les exactions foisonnent. Et Sam le grec, Sam le juif, sur son lit d'hôpital - parce que le souffle lui manque - parce qu'il veut que l'Humanité continue à respirer, confie sa belle utopie à Georges, le disciple : Antigone, celle de Jean Anouilh, jouer Antigone, faire jouer Antigone par une troupe théâtrale amateur qui regroupe toutes les obédiences, les inféodations, sans distinction. "Cette pièce, c'est lui. C'est son idée. C'est sa vie. Il vous a choisi tous, il m'a choisi, moi. Souvenez-vous toujours qu'il est à vos côtés. Même du fond de son lit d'hôpital, il est votre metteur en scène. Cette pièce sera dédiée à votre pays, à la paix et à Samuel Akounis".

Georges, malgré les mises en garde d'Aurore, son épouse, malgré Louise, leur fillette à peine née, Georges s'en va-t-en guerre pour porter la paix, le temps d'une représentation théâtrale. Comme l'a voulu Sam. Georges part au Liban, déjà ensanglanté. Pour monter le projet dont Samuel a rêvé. "Le quatrième mur, c'est ce qui empêche le comédien de baiser avec le public".

Le quatrième mur de Sorj Chalandon, n'est-il pas l'expression de cette distanciation qu'il a su établir entre sa mission de grand reporter pour le quotidien Libération (de 1973 à 2007), et cette confondante veine de romancier qu'il développe depuis 2005 ? Comment imaginer que le journaliste n'a pu que reporter les terribles évènements de Sabra et Chatila, là, comme ça, froidement, micro en main et casque sur les oreilles ou devant son ordinateur ? Comment ne pas se demander comment un correspondant de guerre peut retrouver la paix après sa mission ? Pas la paix des hommes (existe-t-elle, d'ailleurs ?), mais sa paix intérieure. Et celle de son couple, de sa paternité.

Sorj Chalandon a confié à Georges le soin de dire son effroi, sa terreur, sa douleur, ses incompréhensions, ses rêves de trêves et de paix, ses convictions : "Je suis tombé comme on meurt, sur le ventre, front écrasé, nuque plaquée au sol par une gifle de feu. [...] Mon corps était sidéré. [...] Mon ventre entier est remonté dans ma gorge. J'ai vomi. Un flot de bile et des morceaux de moi. J'ai hurlé ma peur".

 

 

Le quatrième mur, c'est le roman d'un Homme. Qui a vécu l'impossible. L'indicible. Et qui parvient à dire. C'est comme ça avec Chalandon.

12 octobre 2013

LE LOUP QUI MANGEAIT N'IMPORTE QUOI, Manu Larcenet & Christophe Donner

 

le loup qui mangeait n'importe quoi

Il était une fois, près du bois de Saint-Cloud,
Un loup sans foi n loi, un peu relou.
Il avait faim, c'était l'hiver
Il était très très en colère.
Il n'avait pas mangé depuis le mois d'octobre,
Lui le grand, le méchant carnivore....

Et tout à l'avenant : ça rime, ça versifie, ça alexandrit.  Et ça excite les imaginaires "caca-boudin" des loupiots en âge de lire cet album. Pensez donc ! Un loup qui mange, qui dévore, qui engloutit... n'importe quoi. Plutôt n'importe qui. Il a tellement faim, cet animal, qu'il est prêt à toutes les compromissions. Et en mode "bassesse", il excelle.Parce que cet horrible claque-faim ne tient pas compte des mises en garde de ses proies qui ne sont pas anodines, malgré les apparences : une brebis,un goret, un écolier, deux jumelles. Tout ça ne remplit pas que l'estomac,contrairement à ce que l'on pourrait croire. Parce qu'un mets daubé, ça a quelques conséquences sur l'organisme... et ça flatule, et ça rote, et ça mange ses crottes de nez...

Tout le scato
Qu'il faut
Pour que ce soit rigolo.

Tiens je me prends à poétiser.

La plume de Christophe Donner, le crayon de Manu Larcenet, quand ils s'associent, ça donne un album plein de couleur, d'humour.

De l'humour en poésie de surcroît
Qu'il convient de lire à haute voix. 

Mais l'intention ? Je dirais qu'avec cet album, on peut évoquer (mais juste une toute petite touche) la mal-bouffe : quand on mange n'importe quoi, il peut nous arriver toutes sortes d'avatars... J'ai adoré, en imaginant le fou rire des petits (à partir de 5 ans) qui vont emprunter la quête affamée de ce loup qui paye très cher ses excès.

J'ai adoré aussi cette improbable fin
Qui du répugnant vorace n'apaise pas la faim.

18 octobre 2014

HISTOIRE D’UN ESCARGOT QUI DÉCOUVRIT L’IMPORTANCE DE LA LENTEUR - Luis Sepúlveda

HISTOIRE D’UN ESCARGOT QUI DÉCOUVRIT L’IMPORTANCE DE LA LENTEUR – SEPULVEDA

Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur

Luis Sepúlveda

Éditions Métailié (16 octobre 2014)

Coll : BB HISPANO

92 pages

 

 Luis Sepúlveda a repris sa plume. Et quand l’écrivain-conteur-fabuliste la dédie aux enfants, cette plume, je craque ! Je craque parce que les limites entre fable, écologie, philosophie et engagement sont si ténues que je m’installe immédiatement dans la posture de l’adulte qui aurait peut-être eu un jour une âme d’enfant.

Luis Sepúlveda conte ici sa troisième « histoire » Celle d’un escargot. À priori, la vie d’un gastéropode commun (Cepaea nemoralis, pour celui qui nous intéresse) n’a rien de particulièrement exceptionnel. Et pourtant. Pourquoi est-il toujours désigné sous le terme vernaculaire d’escargot ? Pourquoi ne parcourt-il guère plus de trois mètres soixante en une heure ?

Il était une fois un escargot des plus génériques qui soit qui vivait au sein de la tribu de ses congénères, à l’ombre confortable d’un pied d’acanthe, au Pays de la Dent-de-Lion. Tout ce qu’il y a de plus normal… enfin pas vraiment. Un escargot qui se pose des questions, c’est quand même moins courant. D’autant moins qu’il se pose exactement les mêmes questions que celles je me posais précédemment. Et comme tout le monde rit de lui et de ses questions stupides, il décide de partir chercher les réponses ailleurs. Ailleurs, c’est-à-dire, dans le vaste monde… avec lenteur. Et ceux qu’il va rencontrer vont, avec cette sagesse qui caractérise les êtres vivants qui prennent le temps de vivre, lui fournir des explications et lui offrir un nom. Un nom bien à lui ; qui lui convient à merveille. Et ce qu’il va découvrir, dans un monde hostile et [in]humain, va tellement l’effrayer qu’il n’aura de cesse de sauver son peuple.

Il était une fois un escargot qui prit un nom et qui comprit l’importance de sa lenteur. De « la » lenteur.

Il était une fois un écrivain qui glisse adroitement ses convictions dans une belle allégorie : la rébellion, la résilience, la sédition, la coopération, l’esprit de corps… Un écrivain qui, subtilement, dénonce l’immobilisme, le traditionalisme, l’entêtement…

Il était une fois une nouvelle œuvre, courte et dense, traduite par son éditrice, illustrée avec maîtrise et éloquence par Joëlle Jolivet. Il était une fois un génial et généreux littérateur, nommé Luis Sepúlveda. 

11 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 11 mars ¨ Aujourd'hui blanc

2015

© Martine Littér'auteurs - 11 mars 2015

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Prochain épisode : 12 mars ¨ Aujourd'hui facile facile.

16 mars 2015

CAHIERS DU JOUR : 16 mars ¨ Aujourd'hui une belle image.

2015

Fugacité.

Dans un pré, deux chevaux… deux encolures enlacées.

Tendresse, douceur, délicatesse.

Noblesse.

Charme d’un court instant d’harmonie, dans une journée mouvementée.

Poésie.

© Martine Littér'auteurs - 16 mars 2015

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Cette photo n'est pas mienne. Je n'ai pas eu le réflexe de m'arrêter pour immortaliser ce moment. Mais c'est vraiment ce que j'ai vu !


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Prochain épisode : 17 mars ¨ Aujourd'hui fallait pas que.

23 avril 2015

CAHIERS DU JOUR : 23 avril ¨Fragment(s) d' aujourd'hui raconté en sondage d'opinion.

2015

C'est à vous de me dire.... parmi toutes ces futilités du jour....

 

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© Martine Littér'auteurs - 23 avril 2015 

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Prochain épisode : 24 avril ¨ Aujourd'hui à 11h 30 précises.

16 juin 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Anne Bihan

Au marché de la poésie, j'ai fait de belles rencontres. Celle d'Anne Bihan, notamment. Je tournais et retournais devant le stand des Éditions Doucey, aux tentations plurielles, je prenais un livre, le feuilletais, le reposais, m'absorbais dans un autre recueil, revenais au premier... et voyais croître ma pile d'achats. Un ouvrage à la couverture bleu océan appelais mon regard et attirais mes mains. Je me suis finalement décidée à l'ajouter à l'amoncellement, quand j'ai entendu un "oh merci" qui m'a fait lever les yeux sur une très discrète dame : Anne Bihan ! 

Poète et dramaturge, Anne Bihan vit en Nouvelle-Calédonie après une enfance passée en Bretagne, entre fleuve et océan, Loire et Atlantique dont elle arpente les îles : Arz, Hoëdic, Houat, plus tard Bréhat… Puis ce sera Saint-Nazaire, ville portègne et ouvrière, et Douarnenez – Douar-an-Enez, la terre de l’île –. Avant Houaïlou, sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie, et Nouméa où elle réside aujourd’hui. Et quand elle parle de ses deux attaches, la Bretagne et la Nouvelle-Calédonie, l'émotion est manifeste. Anne Bihan, c'est de la douceur, de l'humilité, de la délicatesse.Je la remercie pour la belle dédicace qu'elle m'a offerte.

Douarnenez Eugène Boudin

Eugène Boudin - Douarnenez, la baie vue de l'île de Tristan - 1897

 

Deux ciels s'épousent à la césure des mers

de l'un je reconnais la langue goémonière
de l'autre les voix ouvertes à qui suit ses chemins

de l'un les pierres debout les nuits de grande lune
de l'autre les vallées qui puisent dans la chaîne

de l'un ce fleuve cette île le vent fort ce matin
la pâque du clocher qui sonna pour les miens
le père parti trop tôt la mère dans la violence
d'un novembre d'orage
le chant d'un coquelicot tremblant sur son corsage

de l'autre ce Noël flamboyant de soleil
d'amour de joie têtue d'étreintes enfantines
cette petite fille surgie sous ses ombrages
riant sous le manguier
où ses frères jouent à vivre dans d'autres paysages

il est des monnaies-plumes
des monnaies-coquillages
papillons notos et passereaux
dents poils de roussette et sapi-sapi
cauris couteaux fibres de cocos

deux pays s'étreignent là où je m'assemble
ce cahier est sans retour.

Anne Bihan - Extrait de ' Ton ventre est l'océan ' - Éditions Bruno Doucey - 2011

Anne Bihan

 

POÉTISONS


Le jeu

Poétisons ensemble...

La règle du jeu est ici.

Plus nous serons nombreux à faire parler la poésie, plus elle restera vive, créatrice et porteuse de beauté.

 

 

 

 

18 mai 2013

IMPASSE DE L'OCÉAN ; Hubert Haddad

haddad-hubert--philippe-matsas-opale

Après avoir reçu le prix Louis Guilloux 2013 pour son roman Le Peintre d'Éventail, Hubert Haddad est actuellement présent au festival "Étonnants Voyageurs" de Saint Malo ; ce même roman est en lice pour le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs.

5660298-18-20-mai-festival-etonnants-voyageurs-2013-saint-malo

 

 

 

 

J'ai retrouvé un texte inédit d'Hubert Haddad. Il date de 1995 et il me fait plaisir de le partager.

 

Impasse de l'océan

1.
La terre attend miséricorde
Un couteau sombre au fond
du corps
j'ausculte la nuit

2.
Dans l'instant l'absolu
Vivre enfin
sans obsession millénaire

3.
Mille ans, cent mille ?
Ténèbres où nulle ne m'aborde
L'enfance a passé le pas d'étermité
Tout est envol

Nous ne sommes pas

4.
J'ignore mon mystère et vos pouvoirs
Notre rencontre ne peut être qu'abandon
de l'un au même
jusqu'à l'oubli lumineux

5.
Paupières cousues des morts :
le sang s'est enfoncé derrière les os
Pâleur comme une émotion
absolument rentrée

6.
L'aventure de la poussière
n'intéresse pas la montagne
(quand l'enfant des marécages
ciel fou en tête
ouvre une fenêtre dans sa poitrine)
À l'heure des seins nus
le génie veille

7.
La nuit égale la nuit
Tout chemin est solitaire
et l'Égarée ignore son guide
Ne songe plus au triste palais d'Euclide
Cours vers les marécages
palatiaux !

8.
Bruit des rochers immenses
dans ce silence de songe
Il neige un duvet d'ange
Un dieu s'ébroue parmi sa garde-robe
L'enfant à la valise transporte son corps
à la morge d'Idumée

9.
Dante ou pas dans tes pas
L'éternité agie
Comme l'ange des mémoires chues
Au visage assagi
Le temps ou pas

La vie si haut tenue

10.
Le monde est ma déchirure
Il faut aimer à en perdre la vie
lutter sans détruire un seul jour
changer la mort en espérance
Comme un combat le licornes
sur la place des fusillés

11.
Le temps est ce cristal posé
entre vous et moi
lointaine à ma semblance

Nous nous reverrons dans le plus bel ici

 

22 août 2013

PAS ASSEZ POUR FAIRE UNE FEMME, Jeanne Benameur

benameur pas assez pour faire une femme

Je ne suis pas une inconditionnelle de Jeanne Benameur. Des romans que j'ai lus d'elle ( "Pourquoi pas moi ?" -  "Même si les arbres meurent") ... - pas beaucoup en fait - de ses poésies ("Notre nom est une île"), j'ai saisi au vol une pensée singulière, mais qui ne m'a pas toujours fait frémir. Peut-être parce que je crains les auteurs à succès, ou le succès des auteurs. Peut-être.

C'est la rentrée littéraire. Jeanne Benameur a publié chez Thierry Magnier un roman destiné aux adolescents. J'ai entendu dire, j'ai lu écrire que, dans ce registre, elle excelle. Et cette fois, je suis tombée sous le charme. Sous le charme d'une écriture rapide, fluide, d'un texte qui émeut, qui questionne, qui touche quelques fibres intimes, quelques tréfonds de la vie d'une lectrice qui avait dans les vingt ans à l'époque.

L'héroïne, la narratrice, elle, en 1970, a 17 ans. Juste l'âge qu'avait l'auteure en cette même année. Certains vont sans doute se demander si ce récit est autobiographique. Peut-être. Mais qu'importe.

Une jeune fille de 17 ans. Timorée. Qui obtient son bac. Qui, logiquement, quitte la demeure paternelle pour rentrer à l'Université. Qui savoure le bien-être et le bonheur de sortir du carcan familial : un père tyrannique et limite facho, une mère soumise, une soeur en mode "je ne dis rien qui pourrait faire des étincelles, mais je n'en pense pas moins". Difficile pour cette jeune fille, mais tellement délicieux d'habiter sa petite chambre d'étudiante totalement inconfortable. Une pseudo-liberté qu'elle savoure à toutes petites bouchées, jusqu'au moment où "une voix" (non, non... il n'est pas question de Jeanne d'Arc) résonne dans l'amphi. Une voix qui raisonne.

C'est l'histoire d'un amour qui éclôt. Deux gamins, forts de leurs convictions politiques naissantes, découvrent la rencontre des corps. La rencontre des mots. La rencontre des idées. La rencontre des pensées. 
Dans les mêmes moments narratifs, l'héroïne, met en parallèle sa lutte pour son émancipation personnelle et cette lutte politique que son amoureux insuffle en elle. Un long travail de prise de conscience. Long et douloureux processus pour cette partie intime. Long et épanouissant mouvement pour l'entrée dans une société qui, je le rappelle, est forte du mouvement de 1968, né deux ans auparavant.

C'est un texte très intime que propose ici Jeanne Benameur. Certains (ils se reconnaîtront) trouveraient qu'il est un peu trop féministe. D'autres diraient que cette histoire d'amour adolescente n'est qu'une histoire d'amour de plus. D'autres encore penseraient que la lutte idéologique de 68 est un peu (très ?).surannée en 2013. Oui, c'est un peu tout ça et c'est tant d'autres beautés délicates et sensibles aussi que l'éveil des sens, de la féminité, 
Mais ce n'est pas l'apothéose... il faudra à cette jeune fille, insatiable désormais, beaucoup beaucoup d'années, de travail sur elle, pour se construire une identité porteuse de vie, d'indépendance et de liberté.

Pour lire l'avis de Jérôme, c'est ici. Et celui de Noukette, c'est ici.

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