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Littér'auteurs

7 septembre 2014

MADAME DIOGÈNE, Aurélien Delsaux

Madame Diogène

Madame Diogène
Aurélien Delsaux
Albin Michel (20 août 2014)
144 p.

 

Diogène vivait dans un tonneau, quelques-uns d’entre nous le savent. Madame, elle, vit dans un appartement. Un appartement dans un immeuble.

Diogène vivait seul. Madame, elle, ne vit pas si seule que ça. Il y a les voisins du dessus, ceux du dessous, sa nièce, l’assistante sociale, les gens de la rue, les mouvements dans la rue… Il y a aussi une foultitude d’animaux dans son appartement.

Diogène vivait sale. Madame, elle, est pouacre. Tellement pouacre qu’on pourrait dire répugnante. Mais c’est pareil.

Trois clichés plus tard, je pourrais dire que Madame Diogène n’inspire guère la sympathie.

Et pourtant ! Cette vieille dame qu’Aurélien Delsaux nous présente dans son premier roman, elle est bien « autre chose » que ces représentations à l’emporte-pièce que le lecteur pourrait se faire d’emblée. Si les souvenirs la fuient, elle a entassé dans son antre tout ce qui les composait. Elle ne sait plus qu’en faire puisque presque tous ont perdu sens et qu’ils sont devenus déchets ; mais ils sont là, autour d’elle, en elle qui observe, muette, les vestiges de ce qu’elle a connu. Si elle n’a plus les mots pour décoder ce qu’elle voit, elle perce du regard ce qu’elle ne connait pas.

Son regard pourrait être celui du lecteur s’il veut s’en laisser convaincre ; le regard sur un monde qui part à vau-l’eau, selon l’auteur : manifestants qui « marchent d’un bon pas, joyeux de colère », policiers qui « à l’avancée du cortège, se raidissent », « parade de cirque […], révolution pour rire ». C’est ce monde qu’elle scrute, un monde perdu dans une tourmente, qui soubresaute au rythme des slogans, aux éclairs des lacrymogènes, aux hurlements des sirènes policières, aux retentissements des cris, aux giclements de sang. « Elle est, elle, dans son trou sombre, blottie tout au fond du présent ».

Roman inquiétant, troublant, perturbant, percutant, émouvant. Madame Diogène n’est-elle pas, comme Aurélien Delsaux le dit dans une récente interview, « la dernière humaine » ?

Présentation de l'éditeur

Comment résister au monde ? Se soustraire à son principe de réalité ?

En se terrant chez elle, parmi souvenirs et objets quotidiens qu’elle accumule jusqu’au vertige, une femme fait un choix radical : celui de s exclure pour vivre librement. De son abri, « blottie tout au fond du présent », elle contemple le dehors sans se laisser atteindre et navigue à vue, dans l’oubli du reste du monde.

Récit d’une guerre silencieuse et salutaire, métaphore du monde contemporain, le premier roman d’Aurélien Delsaux sans pathos aucun mais avec une précision d’entomologiste interroge avec un détachement impressionnant la mémoire et la solitude, la liberté et l’insoumission. Un univers et un style qui révèlent un écrivain à part entière.

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3 septembre 2014

Démenti’Elle

Je viens de [re]faire connaissance avec les Impromptus littéraires. Cette semaine il faut rédiger un texte comprenant les mots ou locutions suivants: rosier nain, pédicure, insomniaque et pipe à opium.

Littér'auteurs - 03/09/2014


PIPE A OPIUM

Elle se languit sur ce banc. Que diable a-t-elle accepté un poste de nurse dans cette famille qui se prétend so british ! Elle les observe tous les quatre, ces mioches enchifrenés qu’aucun mouchoir en papier ne parvient à débarbouiller. Si encore ils s’exprimaient en anglais correct ! Elle aurait pu revendiquer ce job d’été auprès de Madame Bacon, en septembre, quand elle s’échinerait sur une traduction hasardeuse. « Ce n’est pas de ma faute, aurait-elle expliqué, si ces quatre marmots sont béotiens dans leur propre idiome. Ce n’est pas dans la noble langue qu’ils s’expriment, mais dans un dialecte ponctué de strates d’onomatopées ».

À leur décharge, il faut avouer que leurs origines sont pour le moins plébéiennes ; que leur père utilise davantage la pipe à opium – « opium pipe », ça, ils savent le dire – que le stylo Parker* (qui n’est certes pas anglais) ; que leur pédicure de mère a découvert sa passion pour les pieds dans une fumerie Thaïlandaise. Les pieds – foot – pas ceux que l’on compte sur les doigts (de la main) pour rédiger un poème. C’est d’ailleurs là et ainsi qu’elle a rencontré l’homme de sa vie : ses pieds d’abord. Certes, on peut ne pas être une famille d’intellectuels et s’octroyer pourtant les services d’une jeune fille au pair, même quand on habite Belleville, dans le vingtième.

Elle se languit sur ce banc, à guetter les faits et gestes des quatre bambins embroussaillés de la famille Rosebush. Elle sent l’exaspération monter en elle. Morveux, hirsutes, incultes. Que diable a-t-elle accepté un poste de nurse dans cette famille qui se prétend so british !

Son regard erre dans le parc. Se dépose sur un rosier nain calamiteux plus nanti d’épines acérées que de fragrantes fleurs. Les quatre gosses criaillent et se trémoussent. Son regard va des uns à l’autre. Son exaspération se transforme progressivement en éréthisme. Nerveux, comme le décrit Marcel Proust. Les épines de l’églantier s’allongent, se gonflent. Se transforment en dents d’un peigne géant qu’elle s’égare à passer avec volupté dans les tignasses emmêlées, ignorant les cris de douleur de leurs propriétaires. Alors ses gestes se font plus bourrus encore, plus secs : avec les feuilles de la maladive plantule, elle démorve les frimousses qui s’empourprent sous la rugosité abrasive du feuillage.

Elle se languit sur ce banc. Que diable a-t-elle accepté un poste de nurse dans cette famille qui se prétend so british ! Soudain, elle sent sur son bras une caressante pression. Puis une autre sur la jambe. Et une nouvelle sur son épaule. Et une dernière sur sa joue. Elle tressaille. Quatre gracieux diablotins la contemplent en souriant. « Mademoiselle, lui disent-ils, dans un français parfait, mademoiselle vous vous êtes assoupie ! Nous avons veillé sur vous pour que personne ne viennent vous incommoder. » Elle revient à la réalité. Elle émerge de son rêve d’insomniaque.

D’agrypnie, comme le décrit Marcel Proust.

26 août 2014

INGRÉDIENTS POUR UNE VIE DE PASSIONS FORMIDABLES ; Luis Sepúlveda

sepulveda ingrédients pour une vie de passions formidables

Le talent d’écriture de Luis Sepúlveda ne se dément pas dans cette liste d’ingrédients indispensables à sa vie de passion(s). Le « Viejo », comme il aime être appelé par ses enfants et petits-enfants, le vieux, le patriarche, propose un récit multi-facettes sur tout « ce » qui le fait intensément vibrer. Et tous « ceux » qui le font vibrer.

Une galerie d’écrivains et de poètes (mais l’un n’est-il pas l’autre ?) à faire pâlir tout amateur de bibliothèque idéale. Avec humilité, Luis Sepúlveda convoque les Grands qui l’ont fait cheminer dans ces temps de crise, comme l’énonce le titre original de ce recueil, « Escrituras en tiempo de crisis » : Haruki Murakami, Kenzaburo Oe, Baldomero Lillo, Ryszard Kapuściński, Pablo Neruda, García Márquez (Gabo pour les intimes, qu’un importun a déclaré « plus vieux et plus moche que le vrai »), Salvador Allende, Tonino Guerra (son ami et son maître)…

L’Écrivain-Citoyen-du-Monde propose au lecteur un voyage qu’il « narre [pour] résister ». Les années passent et vieillissent avec moi, explique-t-il, faisant sienne une phrase de Juan Gelman.

« La valeur que je donne aux mots m’a appris qu’ils ont un sens profond du respect humain et souffrent quand on les utilise mal ».

Le sens des mots. Sepúlveda le possède complètement. Pour narrer quelques anecdotes du quotidien. Pour évoquer sa famille et son rôle de père et de grand-père. Pour avouer sa relation ambivalente avec le Chili et sa non moins facile histoire avec l’Espagne, son pays d’accueil. Pour rédiger une « Lettre à un crétin ». Pour rendre un hommage vibrant au « Sud ». Pour interpeler la conscience politique des lecteurs. Pour les contraindre à ouvrir les yeux sur la réalité du Monde, à réagir et à penser. Pour dénoncer « les trolls qui s’introduisent obstinément dans les forums sociaux pour dire n’importe quoi, pour insulter, fausser, salir… ». Pour parler de l’histoire, la grande et la sienne.

 

« Un viejo que leía novelas de amor » fut le titre qui fit connaitre Luis Sepúlveda. J’intitulerais ce recueil de chroniques douces-amères : « Un viejo que decía novelas de amor ».

Et que les "novelas" de Luis Sepúlveda sont troublantes, émouvantes, vivifiantes, dérangeantes... et que j'ai aimé lire ces "novelas" !

Une lecture que j'ai partagée avec Marilyne (Lire & Merveilles, (clic), et ce partage est encore plus que ça.... 

En souvenir d'un festival... où nous avons rencontré... El Viejo...

En souvenir d'un 24 juillet que l'on fête en août.

 

3 août 2014

EN PLEINE FIGURE, Haïkus de la guerre de 14-18

EN PLEINE FIGURE

En pleine figure, Haïkus de la guerre 14-18
Éditions Bruno Doucey (novembre 2013)
158 pages

 

C'est une anthologie de Haïkus établie par Dominique Chipot que les Éditions Bruno Doucey ont fait paraître en 2013. Dominique Chipot est l’un des grands spécialistes du haïku. Lui-même Haïjin (auteur de haïku), il a écrit plusieurs essais, techniques ou historiques, et adapté en français les haïkus japonais traduits par Makoto Kemmoku. 

Le recueil est préfacé par Jean Rouaudun auteur français né à Campbon le 13 décembre 1952. Il a reçu le Prix Goncourt en 1990 pour son premier roman : "Les Champs d'honneur", un roman qui a pour trame la guerre de 14-18.

Dans les tranchées, durant la Première Guerre mondiale, de jeunes soldats, les poilus, écrivaient des poèmes, des haïkus, de courts poèmes écrits selon l'art japonais du Haï-kaï, vifs, bouleversants, comme autant de projectiles, brisures d'espoir, de peur ou de vie.
À l'époque, ils furent publiés dans des revues, des plaquettes tirées à quelques dizaines d'exemplaires. Toute l'horreur et la fulgurance de la guerre apparaissent dans ces fragments poétiques.

Cette anthologie offre une large place à Julien Vocance (1878-1954) qui a laissé son témoignage de la guerre de 14 dans un recueil intitulé "Cent visions de guerre" (une allusion au "Trente-six vues du Mont Fuji" du graveur d'estampes japonais Hokusaï). Utilisant avec efficacité la forme poétique du haïku, Julien Vocance a su adapter des techniques poétiques venue de l'autre côté du monde pour tenir, sous la mitraille et les bombes, un journal de guerre composé d'une succession de tercets qui racontent en visions brèves les trous d'obus, le sifflement des balles, les pauvres cadavres accrochés aux barbelés.

On retrouve avec lui une quinzaine de Hajins et quelques anonymes : Jean Baucomont, Maurice Betz, Jean Breton, André Cuisenier, Henri Druart, René Druart, Roger Gilbert-Lecomte, Maurice Gobin, Marc-Adolphe Guégan, B. Hirami, René Maublanc, Albert de Neuville, Albert Poncin, Georges Sabiron, Jean-Paul Vaillant.

Soir de bataille
au loin, les canons...
Tout près, les blessés.
(Anonyme)

Tu maudis la guerre ;
Mais que sonnent les clairons
Et tu suis au pas.
(Jean Baucomont)

Nuit sereine, ciel sans nuages,
Je rengaine ma baïonnette
Et monte ma garde, lune au clair.
(Maurice Betz)

La Soeur blanche m'a regardé fixement.
Hélas, encore un :
Il va falloir écrire à la famille.
(Jean Breton)

Quand ils s'assemblent
Des absents sont là
Et des morts renaissent.
(André Cuisenier)

Côte à côte l'hiver
Deux buissons de fils barbelés ;
En mai, l'un fleurit d'aubépine.
(Henri Druart)

De Vailly à Craonne,
Le chemin des Dames
Est pavé de crânes.
(René Druart)

Les rafales crépitent.
Brusque silence.
L'appel de la perdrix !
(Maurice Gobin)

Trou d'obus où cinq cadavres
Unis par les pieds rayonnent,
Lugubre étoile de mer.
( Georges Sabiron)

Avec la terre
Leurs corps célèbrent des noces
Sanglantes.
(Julien Vocance)

Mes camarades, mes frères
Nous aurons beaucoup souffert...
Hélas ! vous vaincrez sans moi.
(Julien Vocance)

 

2 août 2014

Les plumes de l'éternité chez Asphodèle

Petit à petit, depuis que je participe aux Plumes d'Asphodèle, je constitue sans en avoir l'air un assemblage sans prétention de petites "Nouv'Elles", dont le personnage principal est, justement, "Elle". Vous pouvez "La" retrouver dans :

  • Reviens ! Veux-tu (ici)
  • Rue de la sagesse (ici)
  • Plumes croisées (ici)

Désormais, je m'efforcerai de faire rimer en "elle" le titre de mon texte. Voici celui que m'ont inspiré les mots qu'a récolté Asphodèle dans son invitation à l'éternité : 

vacances - scolastique – immortalité – seconde – mémoire – longueur – ange – douleur -oubli – repos – cercle – passion – chemin – vampire – jour – cathédrale – lassitude – liane - lucarne.

 


Étinc’Elle

 

 

 

 

Source: Externe

Son mois de vacances se traîne en longueur et la lassitude la gagne chaque jour davantage. Même la liane de l’ipomée qu’elle a semée un jour d’avril dernier ne la transporte plus dans la métaphore d’une Amazonie endogène. La phrase d’André Gide, [venus des forêts, les vampires aux larges ailes, rôdant près des pêcheurs endormis, à leurs pieds nus, à leurs lèvres, suçaient la vie et les accablaient de sommeil au palpitement silencieux de leurs ailes], qui, d’ordinaire, l’entraîne loin, loin, loin, la maintient dans une venelle dans laquelle il lui semble s’embourber. La généreuse ipomée est devenue un turbith purgatif qui l’a conduite à son insu du sud de l’Amérique ensoleillée aux confins d’une bruineuse Asie.

Elle tente de secouer sa mémoire pour retrouver les embrasements qui l’animaient il y a quelques semaines encore. Ses années universitaires, par exemple. Les trois disciplines qui lui ont été imposées et dans lesquelles, contre toute attente, elle s’était engouffrée avec passion : la scolastique, la canonique et la mystique.

Elle sourit en pensant au cercle de ses amis conjecturant sur l’indicible douleur dans laquelle ils la croyaient plongée. Elle sourit. Puis éclate franchement de rire. Certes elle n’était pas un ange lorsqu’elle était jeune ! Et lorsqu’elle avait entrepris ces études avec ce qu’elles avaient de dogmatique, de figé mais aussi d’abstrait, tout le monde était resté bouche-bée. Beaucoup la plaisantaient et l’imaginaient en icône pieusement accrochée au mur d’une cathédrale. C’est ainsi, leur répondait-elle, qu’on accède à l’immortalité !

Au bout de quelques secondes d’intense et libérateur fou-rire, elle replonge dans ses pensées. Nombre de ses anciens amis ont emprunté le chemin de l’oubli ; d’autres s’en sont allés au pays du repos éternel. Elle est là, elle. Vaillante et vigoureuse à contempler [par une lucarne de son cœur restée ouverte]* son ipomée qui soudain l’enchante à nouveau. Elle sourit. Au soleil d’Amérique du Sud.

Soudain son téléphone bourdonne. C’est sa fille qui l’appelle. De là-bas, où elle étudie la botanique. Là-bas, au Sri Lanka.

-      Maman ! je viens d’ausculter un turbith. Je suis sûre que tu ne sais pas ce que c’est !

-      Je l’ai su, ma chérie. Mais je l’ai oublié. Dis-moi !

 

Source: Externe

Elle rit. À gorge déployée. Elle est si bien !

Littér'auteurs - 02/08/2014

* Gustave Flaubert

 

"Les plumes d'Asphodèle", c'est ici.

LES PLUMES

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31 juillet 2014

JEAN JAURÈS EST ASSASSINÉ

POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?

 

 

19 juillet 2014

LES PLUMES DU SILENCE CHEZ ASPHODÈLE

le loup et l'agneau

Parmi les mots récoltés par Asphodèle, celui qui a immédiatement attiré mon attention - allez savoir pourquoi - c'est "agneau". Et la fable de Jean de La Fontaine m'a immédiatement trotté dans la tête. Alors, pourquoi pas remonter aux sources ? J'ai pris plaisir à pasticher les deux fables originales en y insérant les mots de la collecte : 

essentiel – réserve – regard – musique – félicité – observer – minute – nuit – agneau- son – muet – apaiser – méditation – angoissant – justesse – jacaranda - jouer

Et voici ce que ça donne : 

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – Un pastiche de la fable d’Ésope

 

Un loup, observant un agneau qui buvait avec félicité à une rivière bordée de jacarandas, voulut alléguer un prétexte spécieux pour le dévorer. C’est pourquoi, bien qu’il fût lui-même en amont, il l’accusa de troubler sa réserve d’eau, de l’empêcher de la boire et d’en entendre la musique. L’agneau, cherchant à l’apaiser et croyant qu’il jouait, répondit qu’il ne buvait que du bout des lèvres, et que d’ailleurs, étant à l’aval, il ne pouvait troubler l’eau à l’amont. Le loup, ayant manqué son effet angoissant, reprit : « Une minute, jeune effronté, l’an passé, une nuit, tu as insulté mon père. — Je n’étais pas même né à cette époque, » répondit l’agneau. Alors, sans un regard, le loup reprit : « Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t’en mangerai pas moins. » Le petit animal en devint muet d’effroi et aucun son ne put lui échapper lorsque le loup l’emporta.
Cette méditation pleine de justesse montre qu’auprès des gens décidés à faire le mal la plus essentielle défense reste sans effet.

LE LOUP ET L’AGNEAU – La fable d’Ésope

Un loup, voyant un agneau qui buvait à une rivière, voulut alléguer un prétexte spécieux pour le dévorer. C’est pourquoi, bien qu’il fût lui-même en amont, il l’accusa de troubler l’eau et de l’empêcher de boire. L’agneau répondit qu’il ne buvait que du bout des lèvres, et que d’ailleurs, étant à l’aval, il ne pouvait troubler l’eau à l’amont. Le loup, ayant manqué son effet, reprit : « Mais l’an passé tu as insulté mon père. — Je n’étais pas même né à cette époque, » répondit l’agneau. Alors le loup reprit : « Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t’en mangerai pas moins. »

Cette fable montre qu’auprès des gens décidés à faire le mal la plus juste défense reste sans effet.

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – Un pastiche de la fable de Phèdre

 

Un loup et un agneau étaient venus au même ruisseau, pour apaiser leur soif sous les jacarandas. Le loup se tenait en amont et l'agneau plus loin en aval. Alors excité par son gosier avide, le brigand invoqua un sujet de dispute. « Pourquoi, lui dit-il, le regard enflammé, as-tu troublé mon eau en la buvant ? » Le mouton sortit de sa réserve et observa avec justesse : « Comment puis-je, loup, je te prie, faire ce dont tu te plains, puisque le liquide descend de toi à mes gorgées, pour m’emplir de félicité ? »  L'autre se sentit atteint par la force de la vérité : « Ne joue pas avec mes nerfs. Tu as médit de moi, dit-il, il y a plus de six mois. — Mais je n'étais pas né, répondit l'agneau. — Attends une minute, par Hercule ! Ton père alors a médit de moi, fait-il. Es-tu devenu muet ? Plus un son ne sort de ta bouche ! ». Puis, la nuit venant, il le saisit, le déchire, et lui inflige une mort injuste.
Cette fable essentielle a été écrite à l'intention de ces hommes angoissants qui oppriment les innocents pour des raisons inventées. Puisse un jour un amphion la mettre en musique pour qu’elle devienne méditation.

 

LE LOUP ET L’AGNEAU – La fable de Phèdre 

Un loup et un agneau étaient venus au même ruisseau, poussés par la soif. Le loup se tenait en amont et l'agneau plus loin en aval. Alors excité par son gosier avide, le brigand invoqua un sujet de dispute. « Pourquoi, lui dit-il, as-tu troublé mon eau en la buvant ? » Le mouton répondit avec crainte : « Comment puis-je, loup, je te prie, faire ce dont tu te plains, puisque le liquide descend de toi à mes gorgées ? »  L'autre se sentit atteint par la force de la vérité : « Tu as médit de moi, dit-il, il y a plus de six mois. — Mais je n'étais pas né, répondit l'agneau. — Par Hercule ! ton père alors a médit de moi, fait-il. » Puis, il le saisit, le déchire, et lui inflige une mort injuste.
Cette fable a été écrite à l'intention de ces hommes qui oppriment les innocents pour des raisons inventées.

 

LES PLUMES

Chez Asphodèle (ici) , son texte, et les liens vers ceux des participants : ValentyneDame MauveJacou33MarlaguetteSoène,Modrone-Eeguab , Mind The Gap,. SharonNunziJanick, CériatAlphonsineMartine27Célestine.  Pierrot BâtonMomo. LilouSoleil.

 

5 juillet 2014

LES PLUMES D'ASPHODÈLE : Impossibles retrouvailles

Reviens ! Veux-tu !

« Ma chérie,

Depuis que tu as laissé ceux qui t’aiment dans le désespoir en partant sans un adieu, nous vivons sans joie. Reviens, veux-tu !

Je t’embrasse.

Maman »

Elle ne s’attendait pas à cela, en ouvrant l’enveloppe anonyme qui avait été glissée sous la porte de son appartement. Comment sa mère avait-elle pu retrouver son adresse ? Qui avait été chargé de cette missive ?

Elle reste là, les yeux dans le vague, quand, absurde et dérisoire, une romance, chantée par Tino Rossi dans les années 1900, la submerge : « Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».

Son grand-père. Elle, petite fille gonflée d’amour. Lorsqu’il entonnait ce refrain avec allégresse, elle sentait des larmes d’inquiétude monter inexorablement. Comme si l’irréparable allait se produire. Elle ne comprenait pas pourquoi cette émotion l’envahissait. Son grand-père non plus. Tout allait bien pourtant ! Les ripailles mettaient en joie la famille réunie pour ces fêtes…


« Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».
Comme si la lettre, inopportune, de sa mère lui prescrivait de faire un bilan. Elle a froid, soudain. Son grand-père n’est plus. La petite fille a grandi. Grandi dans une révolte qu’elle a vécue intensément, dans une volonté impitoyable de balayer tout ce qui la rendait heureuse.

« Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».
Cet ami avec lequel elle avait découvert sa féminité, qu’elle avait laissé sur le quai d’une gare, sans un regard en arrière : leur séparation avait été si facile ! Elle avait tourné le dos. Simplement. Sans qu’un mot ne soit échangé.

« Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».

Non. Ne revoir personne. Sa vie n’a pas de sens.

« Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».

Au goulot, elle ingurgite le contenu de la bouteille. Dans sa bouche, le cocktail létal…

« Reviens ! Veux-tu ! Ton absence a brisé ma vie ! ».

Elle brise sa vie.



Martine Littér'auteurs - 2014.07.02



LES PLUMES

Les "Plumes" chez Asphodèle, c'est, bimensuellement, écrire. Un plaisir que donner sens aux mots. Cette fois, il s'agissait de : 

ripaille – revoir – s’embrasser – froid – larmes – famille – fête – allégresse – bilan – amour – quai – adieu – joie – ami – séparation – inquiétude – irréparable – intensément 

 

7 juin 2014

LES (29) PLUMES D'ASPHODÈLE : Les mots de la sagesse

Rue de la Sagesse

 

C’était une demoiselle de petite vertu.
Point trop n’avait sagesse.
Aux passants offrait sa fesse
Qu’elle avait joliment goûtue.

Avait la chair gracile.
La lippe grenadine,
Avait la faim aux dents.
Était pas difficile
La petite gourgandine,
Même avec les pédants.

Cherchait pas la richesse,
C’était pas de son âge.
Cherchait pas l’opulence,
C’est bon pour la vieillesse.
Y’avait que d’l’abattage
Et d’la grande affluence.

C’était une demoiselle de petite vertu.
Point trop n’avait sagesse.
Aux passants offrait sa fesse
Qu’elle avait joliment goûtue.

Avait pas d’vanité,
Avait pas d’réflexion
Savait pas refuser.
Rien que spontanéité,
Point de circonspection,
Même pas désabusée.

Un soir, au crépuscule
Sous la lune à attendre
Trouva sérénité
Auprès d’un homoncule
Qui voulait la surprendre
En toute gratuité.

C’était une demoiselle de petite vertu.
Point trop n’avait sagesse.
Aux passants offrait sa fesse
Qu’elle avait joliment goûtue.

Oyant sa philosophie,
La gouaille elle en perdit,
Le doute la remplit.
« Reluque pas mon atrophie.
Je n’suis pas si engourdi
Que le fait croire ma panoplie.

Ta paix, je vais la graver
Comme l’image de ton corps,
Déclara le nabot.
Je vais t’enjoliver.
Tu n’es qu’une pécore
Mais pour te peindre, nul besoin d’escabeau ».

C’était une demoiselle de petite vertu.
Point trop n’avait sagesse.
Aux passants offrait sa fesse
Qu’elle avait joliment goûtue.

 

toulouse-lautrec-dessin-1

Martine Litter'auteurs - 2014/06/04

En mémoire d'Henri Toulouse-Lautrec (1864-1901)

Ci-contreFemme enfilant son bas (1894). Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa

 

 

 

 

 

 

 

ASPHODELE

Écrit grâce aux mots récoltés par Asphodèle, sur le thème de la SAGESSE (son blog est ici). fesse, attendre, richesse, dent, refuser, doute, vieillesse, circonspection, vertu, crépuscule, lune, philosophie, âge, vanité, sérénité, psalmiste, paix, image, réflexion, graver, gracile, grenadine. 

(Je ne suis pas certaine que Toulouse-Lautrec aurait apprécié pour lui le qualificatif de psalmiste).

29 mai 2014

IL EST DE RETOUR ; Timus Vermes

 

IL EST DE RETOUR

Il est de retour
Timur Vermes
Éditions Belfond (août 2014)
405 pages

 

Inénarrables ces quatre cent-cinq pages ! Tellement inénarrables que je n’ai pu arriver à conduire ma lecture jusqu’à sa conclusion. Épilogue, d’ailleurs, que je n’évoquerai pas, puisque je n’ai même pas eu envie de sauter des pages pour connaître la conclusion.

L’intention était bonne pourtant : nombre d’entre nous se demandent comment nos proches ascendants vivraient notre monde actuel. C’est ce qu’a imaginé l’auteur en ramenant Hitler à la vie.

Imaginez : le Führer ressuscite en 2011. Il a conservé tout le fascisme de son idéologie et veut le perpétuer et l’imposer.

Le personnage, hélas bien réel, d’une des plus grandes tragédies historiques et humaines du siècle dernier devient, dans le roman de Timur Vermes, un bouffon malodorant, risée de ceux qu’il rencontre. Tellement ancré dans son rôle de dictateur pétri d’orgueil et de certitude qu’il ne s’aperçoit pas de son obsolescence.

Consternant m’a semblé le scénario de Vermes. Il ancre cet improbable retour (encore heureux… quoi que….) sur la méprise, le quiproquo. Hitler, sûr d’être lui, et d’être ce qu’il a été. Une cohorte de scénaristes, metteurs en scène et autres illusionnistes, qui  croyant flairer le buzz, laissent la baderne éructer ses diatribes tout en s’en gaussant.

Il paraît qu’il s’agit d’humour, et que le lectorat de Timur Vermes a applaudi au prodige.

masse_critique

Bien. Je ne fais pas partie du lectorat de Timur Vermes, excepté cette fois, parce que je m’étais portée volontaire pour chroniquer ce roman, à l’invite de Masse Critique de Babelio. C’est fait.

Nous étions complice, Denis le Hibou et moi, pour une lecture commune. Voici, ici, sa chronique... et, je me souviens de nos échanges, elle risque de ne pas être dityrambique non plus !

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