Les plumes de l'éternité chez Asphodèle
Petit à petit, depuis que je participe aux Plumes d'Asphodèle, je constitue sans en avoir l'air un assemblage sans prétention de petites "Nouv'Elles", dont le personnage principal est, justement, "Elle". Vous pouvez "La" retrouver dans :
Désormais, je m'efforcerai de faire rimer en "elle" le titre de mon texte. Voici celui que m'ont inspiré les mots qu'a récolté Asphodèle dans son invitation à l'éternité :
vacances - scolastique – immortalité – seconde – mémoire – longueur – ange – douleur -oubli – repos – cercle – passion – chemin – vampire – jour – cathédrale – lassitude – liane - lucarne.
Étinc’Elle
Son mois de vacances se traîne en longueur et la lassitude la gagne chaque jour davantage. Même la liane de l’ipomée qu’elle a semée un jour d’avril dernier ne la transporte plus dans la métaphore d’une Amazonie endogène. La phrase d’André Gide, [venus des forêts, les vampires aux larges ailes, rôdant près des pêcheurs endormis, à leurs pieds nus, à leurs lèvres, suçaient la vie et les accablaient de sommeil au palpitement silencieux de leurs ailes], qui, d’ordinaire, l’entraîne loin, loin, loin, la maintient dans une venelle dans laquelle il lui semble s’embourber. La généreuse ipomée est devenue un turbith purgatif qui l’a conduite à son insu du sud de l’Amérique ensoleillée aux confins d’une bruineuse Asie.
Elle tente de secouer sa mémoire pour retrouver les embrasements qui l’animaient il y a quelques semaines encore. Ses années universitaires, par exemple. Les trois disciplines qui lui ont été imposées et dans lesquelles, contre toute attente, elle s’était engouffrée avec passion : la scolastique, la canonique et la mystique.
Elle sourit en pensant au cercle de ses amis conjecturant sur l’indicible douleur dans laquelle ils la croyaient plongée. Elle sourit. Puis éclate franchement de rire. Certes elle n’était pas un ange lorsqu’elle était jeune ! Et lorsqu’elle avait entrepris ces études avec ce qu’elles avaient de dogmatique, de figé mais aussi d’abstrait, tout le monde était resté bouche-bée. Beaucoup la plaisantaient et l’imaginaient en icône pieusement accrochée au mur d’une cathédrale. C’est ainsi, leur répondait-elle, qu’on accède à l’immortalité !
Au bout de quelques secondes d’intense et libérateur fou-rire, elle replonge dans ses pensées. Nombre de ses anciens amis ont emprunté le chemin de l’oubli ; d’autres s’en sont allés au pays du repos éternel. Elle est là, elle. Vaillante et vigoureuse à contempler [par une lucarne de son cœur restée ouverte]* son ipomée qui soudain l’enchante à nouveau. Elle sourit. Au soleil d’Amérique du Sud.
Soudain son téléphone bourdonne. C’est sa fille qui l’appelle. De là-bas, où elle étudie la botanique. Là-bas, au Sri Lanka.
- Maman ! je viens d’ausculter un turbith. Je suis sûre que tu ne sais pas ce que c’est !
- Je l’ai su, ma chérie. Mais je l’ai oublié. Dis-moi !
Elle rit. À gorge déployée. Elle est si bien !
Littér'auteurs - 02/08/2014
* Gustave Flaubert
"Les plumes d'Asphodèle", c'est ici.