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Littér'auteurs

27 mars 2014

LE MONDE MERVEILLEUX DU CACA, Terry Pratchett

2014

Le monde merveilleux du caca
Terry Pratchett
L’Atalante (24 octobre 2013)
Traduction : Patrick Couton
Illustrations : Peter Dennis
135 pages

Dans ce livre, il n’est question que de « ça », du caca. Mais point de scatologie, point. Un délicieux petit roman, absolument jubilatoire et humoristique.

Terry Pratchett est un écrivain britannique, très prolifique, qui a créé le « disque-monde » en 1983, un monde absurde et comique, irrationnel, satirique, délirant et complétement décalé. Un monde plat et circulaire, porté par quatre éléphants, eux-mêmes juchés sur la carapace d’une tortue gigantesque qui navigue dans le cosmos.

L’auteur, spécialiste de la Fantasy, profite de sa plume agile et bien aiguisée pour piqueter la société, en utilisant, entre autre, magie, dragons, croyances irrationnelles…

Pour revenir à nos moutons – ou plutôt à nos excréments – Terry Pratchett prête sa faconde à Mlle Félicité Bidel qui, d’emblée, explique que « ce qu’il faut révéler aux enfants sur les réalités du monde humain [doit être] un sujet de préoccupation pour tous les parents » et « qu’en s’interdisant de parler aux enfants de ce qui entre dans leur organisme et en sort on en fait un sujet tabou qui prête le flanc aux ricanements ». Et de rajouter : « Ce que nous mangeons puis excrétons joue un rôle primordial dans la société humaine, surtout dans celle que nous nous plaisons de qualifier de civilisée. […] Adopter la politique du chat et croire que ce qu’on ne voit pas n’existe pas n’est pas une attitude digne d’une société honnête ».

Geoffroy, petit garçon, est envoyé chez sa grand-mère dans la grande ville d’Ankh-Morpork, pendant que sa maman se prépare à donner naissance à un « heureux évènement », le temps que la situation « s’éclaircisse ». Pas très rassuré, le bonhomme. Pourtant il est accueilli par un « j’imagine que du gâteau te ferait plaisir », qui le rassure un peu. Sa grand-mère n’est pas si revêche qu’il le craignait. Tout de même, pour fuir son angoisse, lorsque la vieille dame – haute silhouette mince toute vêtue de noir, le nez chaussé de lunettes redoutables – l’invite à explorer le jardin, il accepte volontiers la suggestion. Se baladant « sous les pommiers ancestraux, il [sent] quelque chose lui atterrir sur la tête »… Du caca d’oiseau. Qui porte bonheur. (1)
Dès que l’enfant apprend cela, il se met en tête de créer un musée qui rassemblera tous les cacas possibles et imaginables. « Après tout, sans caca, le monde exploserait ». Il bénéficie de la complicité du jardinier et de celle, inattendue, de grand-maman qui salue son « esprit novateur ». Inattendue, mais très efficace. Une collecte complètement aléatoire issue de rencontres complètement improbables. La première rencontre, c’est le « lieu d’aisance » de la maison de sa grand-mère : « Geoffroy se faisait l’impression d’être un roi sur son trône. À la vérité, comme beaucoup de souverains, il se tenait en équilibre précaire sur le bord, conscient qu’il risquait de glisser s’il ne se méfiait pas ». Dès lors, la récolte de crottes en tout genre va devenir son occupation principale : crottes de souris, de poules (2), de ver de terre, de chat (3), de chien (bien évidemment). Quand le petit collectionneur fait la connaissance de Louis, il découvre qu’un certain tire profit des déjections canines : sire Henri Roi auquel Madame interdit de ramener du boulot à la maison. Alors il entrepose « de la pure » dans de grandes cours en dehors de la ville. Allusion ? Mais c’est bien sûr !

Geoffroy, désormais, ne va pas se contenter de récoltes ordinaires. Et son enthousiasme pour les pièces uniques est communicatif : dragon (4), gargouille, babar l’ermite  des terres d’Howonda, musaraigne aquatique de Ker-Gselzehc, suricates acrobates (qui, entre nous, se font leur cinéma), chameaux calculateurs (très pointilleux quant aux nombres entiers à virgule flottante), élan porte-manteau de Néantfjord, tout ce monde hétéroclite va fournir au collectionneur ce qu’il faut pour alimenter son assortiment en cacatologie.

Je dévoile déjà beaucoup trop de cette réjouissance.

2014

Mais je n’ai pas encore tout dit, pourtant. Un ouvrage à la couverture cartonnée, à l’ancienne, comme la sexagénaire que je suis se rappelle la distribution des prix. Des illustrations de Peter Denis, qui, elles aussi, rappellent le bon vieux temps. Celui où je découvrais à peine le bonheur de lire.

Et je vais conclure par « the » dédicace, signée par Terry Pratchett : « Je dédie donc ce livre à mon vieil ami sire Henri Roi, l’homme qui transmue la crotte en or ! »

Toutes les notes suivantes sont de l’auteur.

PS – C’est extrêmement bien écrit….

(1)   La croyance voulant qu’un oiseau qui vous défèque sur la tête porte bonheur est commune à un grand nombre de cultures. Quand on demande pourquoi, une réponse triviale revient régulièrement : « Ben, c’est pas une vache ».

(2)   Les œufs de poule ont souvent du caca collé sur la coquille car les poules se fichent de savoir où elles font leurs besoins. Dans l’empire agatéen, on gratte soigneusement le caca pour en faire de la soupe, mais, à tout prendre, il vaut mieux laver l’œuf avant de le plonger dans l’eau bouillante, surtout si, comme certains, on se sert de la même eau pour le thé.

(3)   Les chats shling-shlang-bang du Contrepoids sont vénérés pour le caractère agressif de leur caca, qu’on sèche soigneusement, puis dont on se sert pour les feux d’artifices.

(4)   Le caca de draco nobilis rappelle celui de n’importe quel carnivore, mais, si des chevaliers en armure ont figuré au menu récemment, les dragons excrètent de petites rondelles en fer-blanc, comme celles du bœuf salé, ou plutôt du bœuf scellé dans le métal, comme qui dirait.

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22 mars 2014

LIVRE MYSTÈRE ~ Écrivain mystère

livre mystère

Un ouvrage-mystère, à l’initiative de Jérôme, m’est parvenu, il y a peu. Un livre bien scellé, où toute indication d’expéditeur, d’éditeur, de date, d’auteur et de titre bien sûr est camouflée. Pas neuf, pages un peu jaunies, pas épais, juste une centaine de pages, pas grand, format livre de poche. Un livre posté de Beauvais… mystère, mystère….

Je soupçonne bien Jérôme et sa « loustic-band » d’être pour quelque chose dans cet envoi. Mais bon.

Posté de Beauvais, disais-je. Et dont l’intrigue de déroule à… Beauvais (ou dans les parages). Je situe ce récit dans les années 50 ou immédiatement postérieures (la TV noir et blanc est encore à l’honneur). Mhummm… quel(le) est cet(te) expéditeur(trice) qui souhaite me faire découvrir l’histoire de sa région (de naissance ou d’adoption) ?

Parce que d’histoire-terroir il est question (pas péjoratif). L’histoire « simple » d’un instituteur remplaçant tout frais bachelier, qui est administrativement contraint de quitter le pays d’oc et se retrouve dans celui d’oïl. Pas bien sûr d’être motivé, tant par la fonction qu’il va occuper que par la région où il va devoir demeurer, le jeune homme ; 18 ans et, comme il le dit, l’âme tourmentée.

Ce parcours, personnel et professionnel, dans une Picardie qu’il va devoir apprivoiser et qui devra l’adopter, va être relaté à petites touches narratives, descriptives, actancielles. Et, hors de l’histoire-terroir, le juvénile candide va découvrir ici, l’amitié (avec un jeune garagiste), la liberté (grâce à sa voiture brinquebalante), les amourettes des salles de cinéma, et le sentiment d’amour. Quant à sa rencontre avec l’enseignement, elle est pour le moins fastidieuse. Les minois « enchifrenés » de ses élèves ne l’émeuvent guère et leurs difficultés à ingurgiter les premiers rudiments de la lecture le laissent froid. Jusqu’au jour où… l’un des écoliers, Michel, retient son attention. Ce serait plutôt la maman de Michel qui … Autour de cet enfant, dont la santé chancelante entrave la progression scolaire, va se nouer entre la mère et l’enseignant une intrigue qui, certes, restera platonique, mais qui n’en sera pas désincarnée pour autant. L’exaltation du jeune homme à la vue et au contact de cette femme, belle et sensuelle, est subtilement dépeinte, comme une toile impressionniste qui se dévoilerait lentement.

Je suis absolument sûre de n’avoir jamais rien lu de cet auteur. Et j’affirmerais volontiers qu’il s’agit d’UN auteur. La plume me semble très masculine. Ce roman m’a fait faire un formidable retour dans le passé. C’est à la fin des années 60 que j’ai quitté l’Aude (pas natale, comme celle du personnage, mais l’Aude quand même), pour être propulsée, à 20 ans tout juste sonnés, dans le Pas de Calais, nantie d’une nomination de remplaçante, avec pour seul bagage un baccalauréat (et un livret de famille qui me conférait le statut de « madame »). Et mon insertion n’a guère été plus facile que celle de ce jeune enseignant.
Cependant, cette lecture m’a seulement « intéressée » ; pas émue, pas passionnée, pas captivée. L’écriture est déliée, les intrigues s’enchaînent habilement, le style est distingué. Mais j’ai ressenti comme une sorte de « fadeur », de manque de relief, dans ce texte qui me semble être un témoignage sur les régionalismes de la moitié du siècle dernier, sur les partis pris provinciaux, J’espère que l’auteur, s’il est toujours de ce monde et s’il lit ma chronique, ne me tiendra pas rigueur de faire une analogie entre son livre et celui de Germaine Acremant, « Ces dames aux chapeaux verts ». Et aussi, celui de Marcel Pagnol, dans « La gloire de mon père », qui, d’ailleurs, est cité dans cet opus.

Une expérience intéressante et amusante que cette lecture à l’aveugle. Je n’ai pas encore soulevé le voile (ni déchiré la couverture), parce que j’attends de mes lecteurs des propositions d’auteurs et/ou de titre. Histoire de savoir si elles résonnent dans ma bibliographie personnelle.

Alors, à vous les hypothèses… jusqu’au 29 prochain.

9 mars 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR ; Louis Aragon

aragon poésie

Le roman inachevé
Louis Aragon
Gallimard (2 juin 1966)
Poésie, 255 pages

 

 

 

Je chante pour passer le temps

Je chante pour passer le temps
Petit qu’il me reste de vivre
Comme on dessine sur le givre
Comme on se fait le coeur content
A lancer cailloux sur l’étang
Je chante pour passer le temps

J’ai vévu le jour des merveilles
Vous et moi souvenez-vous-en
Et j’ai franchi le mur des ans
Des miracles plein les oreilles
Notre univers n’est plus pareil
J’ai vécu le jour des merveilles

Allons que ces doigts se dénouent
Comme le front d’avec la gloire
Nos yeux furent premiers à voir 
Les nuages plus bas que nous
Et l’alouette à nos genoux
Allons que ces doigts se dénouent

Nous avons fait des clairs de lune
Pour nos palais et nos statues 
Qu’importe à présent qu’on nous tue
Les nuits tomberont une à une
La Chine s’est mise en Commune 
Nous avons fait des clairs de lune

Et j’en dirais et j’en dirais
Tant fut cette vie aventure
Où l’homme a pris grandeur nature
Sa voix par-dessus les forêts
Les monts les mers et les secrets
Et j’en dirais et j’en dirais

Oui pour passer le temps je chante
Au violon s’use l’archet
La pierre au jeu des ricochets
Et que mon amour est touchante
Près de moi dans l’ombre penchante
Oui pour passer le temps je chante

Je passe le temps en chantant
Je chante pour passer le temps

8 mars 2014

PAR LA FONTAINE DE MA BOUCHE, Maram al-Masri

Journée internationale des droits des femmes

 

Pour ma perte
j'ai joué
mes cartes gagnantes
je me suis immolée devant sa beauté
et suis devenue

 

la femme

 

 

Al-Masri

Extrait de
Par la fontaine de ma bouche
Maram al-Masri
Éditions Bruno Doucey, mars 2011

2 mars 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Ivan A. Bounine

IVAN BOUNINE - MON COEUR PRIS PAR LA TOMBE

Mon coeur pris par la tombe
Ivan A. Bounine
Éditions La Différence, 1992
Coll Orphée
Traduit du russe par Madeleine de Villaine

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur les hauteurs, au sommet enneigé,
J'ai taillé un sonnet avec un couteau d'acier.
Les jours passent. Il se peut que jusqu'à maintenant
Les neiges aient gardé ma trace solitaire.

Dans les hauteurs, là où les cieux sont si bleus,
Où rayonne avec allégresse la lumière de l'hiver,
Seul le soleil regardait le stylet
Tracer mon poème sur le glacier émeraude.

Et je jubile à la pensée qu'un poète
Me comprendra. Que jamais dans la vallée
Ne le réjouisse le salut de la foule !

Dans les hauteurs, là où les cieux sont si bleus,
J'ai taillé à l'heure de midi un sonnet
Pour celui qui est dans les hauteurs, et pour lui seul.

1901

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1 mars 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 7

2014

XV

ta voix est obscure
de baisers que tu ne m'as pas donnés /
de baisers que tu ne me donnes pas /
la nuit est poussière de cet exil /

tes baisers suspendent des lunes
qui gèlent mon chemin / et
je tremble
sous le soleil /

Extrait de "Salaires de l'Impie"


Ce poème est le dernier de la semaine poétique de février. J'espère vous avoir fait découvrir et aimer Juan Gelman, disparu cette année en janvier.

La prochaine semaine poétique aura lieu du 15 au 22 mars.

28 février 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 6

2014

commentaire XXXII

 

comme une bûche devenant
flamme de toi / tout investi
par toi / feu de toi / l'âme
monte jusqu'à toi / ou palais

que mouille ta salive comme
rosée de tendresse / ou
noce solaire de ta salive
changeant en pierre la parole

Extrait de "L'opération d'amour"

27 février 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 5

2014

X

tu dis des mots avec des arbres /
ils ont des feuilles qui chantent
et des oiseaux
qui amassent du soleil /

ton silence
réveille
les cris
du monde /

Extrait de "Salaires de l'impie"

26 février 2014

PROMESSES, Julia Billet

201

Promesses

Julia Billet
Éditions Le Muscadier
Collection Place du Marché (ados)
Juin 2013, 64 pages

 

 

 

 

Quatre enfants habitent ce petit recueil, quatre enfants qui découvrent l’amitié et la font vivre.

Deux nouvelles, courtes. De celles qui peuvent plaire aux lecteurs adolescents, parce qu’elles ne sont pas « prise de tête », mais qu’elles évoquent et donnent sens à quelques unes des importantes questions que l’on se pose à cet âge.

Promesse(s). De rendre pérenne une amitié d’enfants et de la conduire jusqu’à l’adultité.

Déracinement(s) aussi.

Celui de deux garçons, Ankidou et Agostino, dans la première nouvelle, éponyme. Déboussolé, Ankidou, dans la grisaille d’un pays d’accueil qui ne sait guère l’accueillir, malgré de louables efforts. Dérouté par une culture complètement étrangère à la sienne. Mutique, Agostino, qui cache dans un silence obstiné son drame familial. Ils ne parlent pas la même langue. Et pourtant. Ils vont inventer leurs propres codes de communication (qui passera même par l’oralité !) et créer un lien indestructible grâce à une promesse qu’ils honoreront chaque année, jusqu’au bout de leur vie.

Quel est ce « fil invisible » qui lie Sarah et Fred, dans le deuxième texte ? Un fil qui résistera au temps, aux aléas. Un fil si solidement tissé que les deux enfants défieront tous les périls, les incertitudes, pour construire, en union, une harmonie de vie et de passion communes.

Ces deux nouvelles m’ont ravie. Pas de prétention didactique. Un partage, pour que la capacité de penser se développe. Pour que le sens se révèle. Une petite musique qui donne envie de croire que la relation à l’autre, la vraie, celle qui tonifie ceux qui la partagent, est capitale.


Chez Flo, (clic),  c’était le mois de la nouvelle. J’ai apporté avec plaisir quelques petits galets (dans ma plaine de Bièvre, la particularité architecturale ce sont les galets « roulés », mêlés au pisé, qui ornementent les façades), quelques galets donc à la mise en lumière d’un genre littéraire pas assez estimé.

26 février 2014

Semaine en poésie : Juan Gelman # 4

2014

XXV

ta pluie
laisse tomber des morceaux de temps /
morceaux d'infini /
morceaux de nous /

est-ce pour cela que nous sommes
sans maison ni mémoire ? /
unis dans le penser ?
comme des corps au soleil ?

Extrait de "Salaires de l'impie

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