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6 avril 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Raymond Carver

LA VITESSES FOUDROYANTE DU PASSÉ - CARVER

La vitesse foudroyante du passé
Raymond Carver
Points Poésie (février 2008)
Titre original : Ultramarine (octobre 1987)
Traduit de l'anglais par Emmanuel Moses
174 pages

 

Simple

Une trouée dans les nuages. Le contour
bleu des montagnes.
Le jaune sombre des champs.
La rivière noire. Que fais-je ici,
seul et plein de remords ?

Je continue de manger distraitement
les framboises. Si j'étais mort,
ça me fait penser, je ne
les mangerais pas. Ce n'est pas si simple.
C'est aussi simple.

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30 mars 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Rose Ausländer

BLINDER SOMMER

Blinder Sommer / Été aveugle
Rose Ausländer
Æncrages & Co (15 juin 2010) – Voix de chants
Traduit de l’allemand par Dominique Venard

 

 

 

 

 

Le temps d’une respiration

 

Le temps d’une respiration
l’air a changé de couleur
L’herbe et les feuilles en séchant se teintent
au ciel un drapeau de paille pend

Le temps d’une respiration
une forme dans mes nerfs se glace
j’entends la silhouette d’un ange qui s’estompe

Il est temps de
construire le rêve en gris
il s’est agité s’est déjà
posé dans mes
cheveux le temps d’une respiration

Entre-temps le soleil s’est vitrifié et
fendillé je cherche à retrouver sa
forme intacte dans le Hudson mais
dans ses yeux devenus gris les
contours se sont noyés
Du nord vient une
main preste qui chasse
les gouttes vers
l’océan Atlantique
le temps d’une respiration

Rose Ausländer
Poétesse d’origine juive allemande (1901-1988)

 

BLINDER SOMMER 2

2 mars 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Ivan A. Bounine

IVAN BOUNINE - MON COEUR PRIS PAR LA TOMBE

Mon coeur pris par la tombe
Ivan A. Bounine
Éditions La Différence, 1992
Coll Orphée
Traduit du russe par Madeleine de Villaine

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur les hauteurs, au sommet enneigé,
J'ai taillé un sonnet avec un couteau d'acier.
Les jours passent. Il se peut que jusqu'à maintenant
Les neiges aient gardé ma trace solitaire.

Dans les hauteurs, là où les cieux sont si bleus,
Où rayonne avec allégresse la lumière de l'hiver,
Seul le soleil regardait le stylet
Tracer mon poème sur le glacier émeraude.

Et je jubile à la pensée qu'un poète
Me comprendra. Que jamais dans la vallée
Ne le réjouisse le salut de la foule !

Dans les hauteurs, là où les cieux sont si bleus,
J'ai taillé à l'heure de midi un sonnet
Pour celui qui est dans les hauteurs, et pour lui seul.

1901

1 mars 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 7

2014

XV

ta voix est obscure
de baisers que tu ne m'as pas donnés /
de baisers que tu ne me donnes pas /
la nuit est poussière de cet exil /

tes baisers suspendent des lunes
qui gèlent mon chemin / et
je tremble
sous le soleil /

Extrait de "Salaires de l'Impie"


Ce poème est le dernier de la semaine poétique de février. J'espère vous avoir fait découvrir et aimer Juan Gelman, disparu cette année en janvier.

La prochaine semaine poétique aura lieu du 15 au 22 mars.

28 février 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 6

2014

commentaire XXXII

 

comme une bûche devenant
flamme de toi / tout investi
par toi / feu de toi / l'âme
monte jusqu'à toi / ou palais

que mouille ta salive comme
rosée de tendresse / ou
noce solaire de ta salive
changeant en pierre la parole

Extrait de "L'opération d'amour"

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27 février 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 5

2014

X

tu dis des mots avec des arbres /
ils ont des feuilles qui chantent
et des oiseaux
qui amassent du soleil /

ton silence
réveille
les cris
du monde /

Extrait de "Salaires de l'impie"

25 février 2014

Semaine en poésie : Juan Gelman # 3

 

2014

 

XXIV

t'aimer c'est ceci :
un mot qui reste à dire /
un arbre sans feuille
qui donne de l'ombre /

Extrait de "Salaires de l'impie"

23 février 2014

Semaine en poésie : JUAN GELMAN # 1

SALAIRES DE L'IMPIE GELMAN

L'animal

 

Je cohabite avec un obscur animal.
Ce que je fais de jour, il le mange de nuit.
Ce que je fais de nuit, il le mange de jour.
La seule chose qu'il ne mange pas c'est ma
mémoire. Il s'acharne à palper
la moindre de mes erreurs et de mes peurs.
Je ne le laisse pas dormir.
Je suis son obscur animal.

Extrait de "Salaires de l'impie"

 

 

 

Faire connaissance avec Juan Gelman, ici.

22 février 2014

SEMAINE EN POÉSIE : Juan Gelman

2014

À partir de demain, et jusqu'au 1er  mars, chaque aube sera scandée par un poème de Juan Gelman.

Juan Gelman vient de quitter cette terre. Le mois dernier. Il n'est plus là pour dire si je fais erreur en affirmant qu'elle lui fut souffrance. Et inspiration. Et luttes. Et tendresse. Et convictions.
Le poète était d’origine Ukrainienne. Il n’est plus là pour constater les déchirements de sa nation ascendante. Il était juif, aussi. Juan Gelman est né en Argentine, en 1930. Ses premiers poèmes, publiés en 1941 (oui, 1941) par la revue Rojo y Negro, laissent paraître un enfant précoce.
Il a 15 ans que sa pensée se dirige déjà vers l’engagement politique ; il adhère à la Fédération des Jeunes Communistes Argentins. Il s’engage dans le journalisme à 30 ans. Âge auquel il commence à militer au sein d’une organisation de guérilla. En 1976, lorsqu’a lieu le coup d’état du général Videla, il est en mission à l’étranger pour dénoncer la violation des droits de l’homme du régime d’Isabel Peron. C’est, pour Juan Gelman, le début de l’exil.
« On dit qu'il ne faut pas remuer le passé, qu'il ne faut pas avoir les yeux sur la nuque, écrivait-il en 2008. Mais les blessures ne sont pas encore refermées. Elles vibrent dans le sous-sol de la société comme un cancer sans répit. Leur seul traitement est la vérité et ensuite la justice. L'oubli est à ce prix».
Il sait de quoi il parle, cet homme meurtri. Son fils, 20 ans, est enlevé par la junte en 1976 ; et avec lui sa belle-fille, 19 ans, enceinte de 7 mois. Il ne les reverra jamais. Ce n’est qu’en 1990 qu’il pourra identifier les restes de son fils et découvrir qu’il a été sauvagement torturé. Quant à la jeune femme, il n’en retrouvera jamais le corps. En 2000, cependant, c’est de sa petite-fille qu’il retrouve la trace. Elle a 23 ans ; à sa naissance elle a été illégalement remise à un couple Uruguayen. Comme plus de cinq cents enfants, dans le cadre du « plan Condor » mis en place par le Général Pinochet avec d’autres dictateurs. « Dans la tête des militaires, les bébés devaient être remis à des « familles saines », non susceptibles d’être « contaminées par des idées subversives ».

Juan Gelman avait notamment reçu en 2007 le plus prestigieux de tous pour le monde hispanophone, le prix Cervantes. Lors de sa remise, en Espagne, en avril 2008, sa petite fille Macarena Gelman, était au premier rang.

La deuxième raison de mon choix : Juan Gelman était un poète Argentin. L’Argentine est le pays invité d’honneur au Salon du livre de Paris, du 21 au 24 mars.

Tout au long de la semaine, je présenterai des poèmes extraits de deux recueils de Juan Gelman : « Salaires de l’impie » (2002)  et « L’opération d’amour » (2006).

9 février 2014

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Robert Desnos

CORPS ET BIENS DESNOS

Corps et bien
Robert Desnos
La bibliothèque Gallimard, 2005, 320 pages

 

 

 

UN JOUR QU’IL FAISAIT NUIT


Il s'envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d'ébène les fils de fer en or et la croix
sans branche.
Tout rien.
Je la hais d'amour comme tout chacun.
Le mort respirait des grandes bouffées de vide.
Le compas traçait des carrés
et des triangles à cinq côtés.
Après cela il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons
sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre marque le centre du cercle
sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la
foule.
Quand la marche nous eut bien reposés
nous eûmes le courage de nous asseoir
puis au réveil nos yeux se fermèrent
et l'aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.


La pluie nous sécha.

 

Langage cuit (1923)

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