À partir de demain, et jusqu'au 1er mars, chaque aube sera scandée par un poème de Juan Gelman.
Juan Gelman vient de quitter cette terre. Le mois dernier. Il n'est plus là pour dire si je fais erreur en affirmant qu'elle lui fut souffrance. Et inspiration. Et luttes. Et tendresse. Et convictions.
Le poète était d’origine Ukrainienne. Il n’est plus là pour constater les déchirements de sa nation ascendante. Il était juif, aussi. Juan Gelman est né en Argentine, en 1930. Ses premiers poèmes, publiés en 1941 (oui, 1941) par la revue Rojo y Negro, laissent paraître un enfant précoce.
Il a 15 ans que sa pensée se dirige déjà vers l’engagement politique ; il adhère à la Fédération des Jeunes Communistes Argentins. Il s’engage dans le journalisme à 30 ans. Âge auquel il commence à militer au sein d’une organisation de guérilla. En 1976, lorsqu’a lieu le coup d’état du général Videla, il est en mission à l’étranger pour dénoncer la violation des droits de l’homme du régime d’Isabel Peron. C’est, pour Juan Gelman, le début de l’exil.
« On dit qu'il ne faut pas remuer le passé, qu'il ne faut pas avoir les yeux sur la nuque, écrivait-il en 2008. Mais les blessures ne sont pas encore refermées. Elles vibrent dans le sous-sol de la société comme un cancer sans répit. Leur seul traitement est la vérité et ensuite la justice. L'oubli est à ce prix».
Il sait de quoi il parle, cet homme meurtri. Son fils, 20 ans, est enlevé par la junte en 1976 ; et avec lui sa belle-fille, 19 ans, enceinte de 7 mois. Il ne les reverra jamais. Ce n’est qu’en 1990 qu’il pourra identifier les restes de son fils et découvrir qu’il a été sauvagement torturé. Quant à la jeune femme, il n’en retrouvera jamais le corps. En 2000, cependant, c’est de sa petite-fille qu’il retrouve la trace. Elle a 23 ans ; à sa naissance elle a été illégalement remise à un couple Uruguayen. Comme plus de cinq cents enfants, dans le cadre du « plan Condor » mis en place par le Général Pinochet avec d’autres dictateurs. « Dans la tête des militaires, les bébés devaient être remis à des « familles saines », non susceptibles d’être « contaminées par des idées subversives ».
Juan Gelman avait notamment reçu en 2007 le plus prestigieux de tous pour le monde hispanophone, le prix Cervantes. Lors de sa remise, en Espagne, en avril 2008, sa petite fille Macarena Gelman, était au premier rang.
La deuxième raison de mon choix : Juan Gelman était un poète Argentin. L’Argentine est le pays invité d’honneur au Salon du livre de Paris, du 21 au 24 mars.
Tout au long de la semaine, je présenterai des poèmes extraits de deux recueils de Juan Gelman : « Salaires de l’impie » (2002) et « L’opération d’amour » (2006).