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Littér'auteurs
16 décembre 2012

NEUF HISTOIRES ET UN POÈME ; Raymond Carver

carver

Les récits de Raymond Carver sont d'une simplicité déconcertante. Ils ont pour unique objet l'intimité, la banalité. La vie, en se repliant sur elle-même, est devenue ordinaire, insignifiante. C'est cela, l'époque moderne : la médiocrité qui vous persécute, l'être écrasé sous le poids du quotidien.
Mais il arrive que, de l'intérieur même de cette banalité, jaillisse comme un signe, un avertissement, une injonction à s'éveiller et à accomplir son destin, quel qu'il soit. Il arrive aussi que le message soit brouillé, ou lu de travers.
Ces histoires sont tantôt des tragédies, tantôt des comédies, ou les deux à la fois. Mais leus héros n'appartiennent pas plus à la caste des rois, des reines et des dieux qu'à celle des valets ou des confidents. Ce sont des gens : une serveuse de restaurant, un chômeur, un père anxieux, une femme divorcée et son ex-mar, trois pêcheurs, des voisins trop curieux, un enfant malade.
ils nous ressemblent.


"Simplicité déconcertante" ? Certes oui ! Pour mon premier contact avec Raymond Carver en particulier et avec ce genre littéraire qu'est la nouvelle, le moins que je puisse dire, c'est que j'ai été déconcertée, voire déstabilisée. 
J'avais été pourtant prévenue : Stéphane Michaka, dans son roman "Ciseaux" (ici) m'avait mise au parfum. Carver est un écrivain hors norme qui détient pleinement l'art de l'écrit court (c'est le propre d'une nouvelle, n'est-il pas ?) où tout est dit sans que rien ne soit vraiment dévoilé.Ses personnages sont ordinaires, ils vivent des choses ordinaires dans un quotidien ordinaire. Ce sont justement ces insignifiances qui donnent matière à l'auteur pour construire ses "histoires". Et c'est là que j'ai pris conscience du sens de mots comme "habileté", "dextérité", "talent", "maîtrise", "intensité"...

Quand je regarde, le soir venu, le déroulement de la journée qui vient de s'écouler, je n'en fais pas toute une histoire, moi ! Eh bien, Raymond Carver, si ! Et quelle histoire ! Et avec quel génie ! Il puise dans les états d'âme de ses personnages l'essence de répercussions psychologiques qu'il exploite pour donner corps à une succession d'évènements qui conduiront à une chute le plus souvent inattendue (ça, ce n'est pas du Carver, c'est bien trop long et...). Là aussi, c'est le propre de la nouvelle, contesteront certains esprits chagrins que mon panégyrique importunerait.

Alors, ce Carver, qu'a-t-il donc de si spécial ? Je pourrais dire que c'est le maître de ces phrases que l'on prononce sans y penser : "C'est la vie, que veux-tu !", "Qu'est-ce qu'il y a ?", "Je sais pas"... Ces quelques mots insignifiants (étymologiquement : privés de sens) dans nos propos, deviennent caisses de résonance ("raisonnance" ?) dans ceux des personnages, cabossés de la vie, qu'il évoque. Ces gens qui galèrent, qui exercent des petits boulots, qui rament pour tenir jusqu'à la fin du mois, qui rament pour tenir tout court, ces gens simples, ces gens las, ces gens désespérés, ces petites gens souvent incapables de parler, de communiquer, qui vivent une sorte de mutisme social. 

Les nouvelles de Carver disent le désespoir, la souffrance, la solitude, la lâcheté, la peur, le doute. Mais elles s'expriment avec tant de simplicité, de véracité, qu'au détour d'une virgule, que là, juste au dos d'une page, c'est vous que vous trouvez.Et même pas mal ! quoique... à y réfléchir ... Tout dépend comment on lit ces histoires à ne pas dormir debout.


Quelque chose me chiffonne : et si ces textes courts, ces vies sans passé ni lendemain, ces chutes désarçonnantes n'étaient l'oeuvre que de Gordon Lish (l'éditeur de Carver), le châtreur de textes ? Pas possible !  Carver a écrit : « Les mots, c'est finalement tout ce que nous avons, alors il vaut mieux que ce soit ceux qu'il faut et que la ponctuation soit là où il faut pour qu'ils puissent dire le mieux possible ce qu'on veut leur faire dire » (De l'écriture). Il faut que je lise "Débutants", le manuscrit original que la poétesse Tess Gallagher, sa deuxième épouse, a préservé, protégé et publié. 


Je lis des nouvelles

Comme je me suis engagée pour le challenge "Je lis des nouvelles" (clic), l'un de mes prochains billets sera dédié plus précisément à l'une des "neuf histoires" de Raymond Carver. Je vais devoir choisir entre :

  • De l'autre côté du palier
  • Ils t'ont pas épousée
  • Les vitamines du bonheur
  • Tais-toi, je t'en prie, tais-toi !
  • Tant d'eau si près de la maison
  • C'est pas grand chose, mais ça fait du bien
  • Jerry et Molly et Sam
  • L'aspiration
  • Dites aux femmes qu'on va faire un tour
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Commentaires
J
Moi aussi j'adore Carver, mais ce n'est pas moi qui en parle le mieux : http://litterature-a-blog.blogspot.fr/2012/08/raymond-carver-selon-roger-wallet.html
J
Carver ce génie ! Des gars capables de me mettre les poils au garde à vous avec une écriture aussi dépouillés, il n'y en a pas des tonnes. Je suis un fan absolu. Tu peux choisir n'importe quel autre recueil, tu ne seras pas déçue, impossible.<br /> <br /> Je me permets de te mettre un lien d'un billet mis en ligne cet été où je reprenais un texte de Roger Wallet sur Carver. Une déclaration d'amour d'un écrivain à sa plus grande source d'inspiration. Juste magnifique : http://litterature-a-blog.blogspot.fr/2012/08/raymond-carver-selon-roger-wallet.html
M
Je prétends toujours ne pas apprécier le genre de la nouvelle mais je fais une exception pour Carter et quelques rares autres auteurs américains. J'ai même été jusqu'à relire les récits de "Débutants", que je te recommande vivement!
A
Autant commencer directement par les versions originales non ? C'est un auteur dont je n'ai jamais rien lu.
M
Au fait, maintenant, tu peux lire ça ;-)<br /> <br /> http://www.lire-et-merveilles.fr/lectures/litterature-amerique-usa/debutants-raymond-carver-1214
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