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Littér'auteurs

3 novembre 2012

PARFUMS ; Philippe Claudel

parfums

"En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent - ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même -, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus : car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. Alors la tête nous tourne délicieusement."

D'abord la couverture : "Les Trois Âges de la femme" de Gustav Klimt, un détail de "La maternité". Cette allégorie, utilisée pour réhausser les parfums de la vie, témoigne du désir de l'auteur d'entraîner son lecteur dans les fragrances quotidiennes qui "nous [donne] l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été".

C'est emprunter quelques sentiers battus que de déclarer qu'il y a comme du Proust et comme du Prévert dans cet abécédaire effluent qui voyage dans le souvenir de l'auteur et qui invite le liseur à entreprendre son propre pélerinage. 

De la senteur de l'accacia à celle du voyage, en humant délicatement l'odeur des draps frais et celle de la maison d'enfance, Philippe Claudel pérégrine dans la mémoire des âges de sa vie, questionne les parfums qui rémanent pour donner corps et sens à ses expérimentations humaines.

Mais le titre choisi évoque aussi "Le parfum"de Patrick Sunskid. Ce roman retrace l'étonnant destin de Jean-Baptiste Grenouille, qui possède un sens olfactif incroyale et qui mettra son nez au service des plus sombres desseins pour parvenir  à la réussite ; "Qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes", découvre-t-il. Mais la comparaison doit s'arrêter là : Grenouille cherche à inventer le parfum universel, alors de Philippe Claudel accorde à chaque instant de vie une spécificité capiteuse.

Extraits

"Les vêtements retiennent la mémoire de ceux qui les ont portés, puis s'en séparent un jour, sans prévenir, avec une brutalité qui est la marque des choses. Il y a une trahison des matières bien pire que celle dont les hommes peuvent se rendre coupables."

"La mythologie de la communale fait de nous de parfaits modèles pour des Doisneau du dimanche, qui respirons enivrés, et parfois mangens l'onctueuse colle blanche au parfum d'amande fraîche."

 

C'est dans le cadre "des matchs de la rentrée littéraire" organisée par Priceminister que j'ai pu rencontrer ce livre. Merci à Olivier.

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rentrée littéraire

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2 novembre 2012

VOYAGES IMMOBILES ; Thomas Vinau

 

Thomas Vinau

"La revue "ficelle" ne publie que ce qui lui plaît et ça ne risque pas de changer. 

Chaque jour, le ciel écrit sa phrase dans les nuages. 
Je dois écrire la mienne..."

 

AUTOPORTRAIT DE THOMAS VINAU


« Écrire c’est se taire » disait Duras, ou plutôt elle l’écrivait. Peut-être commencer par ça.
Ma bouche close. L’esprit comme du vent dans une longue plaine. Une langue pleine.
Les mots qui fouettent l’herbe, qui disparaissent en bourrasque. Qui reviennent. Ma
bouche close et mes yeux ouverts. Mes yeux qui boivent la lumière.
Il y a cinq ou six ans je suis venu m’installer dans le Luberon. Fonder une famille.
Fonder tout court. Ici les gens parlent. Ils parlent fort. Des yeux. Des mains. Même
les taiseux parlent. La lumière également est volubile. L’espace. Le ciel. Je sais
qu’écrire c’est se taire. Rester cet adolescent muet qui comprend que la terre est une
bille sur la tête d’un boiteux. Je sais aussi qu’écrire c’est déborder. Être une tasse d’eau
chaude trop pleine. Déborder de l’infusion de l’espace, de la lumière, de
l’environnement, des autres. Déborder de l’infusion de l’enfance aussi. La sienne.
Celle d’où l’on vient. Toujours. Reste à ne pas se tromper. À ne pas avoir peur de se
taire. Ne pas redouter le silence. Dans des grands gestes de mots et de phrases. Ne pas
rajouter du bruit au bruit. Écrire dans la lucidité d’un murmure. Retourner d’où l’on
vient. Droit. Les yeux bien en face du grand trou de nos vies. Bâtir. Dans nos
balbutiements. Construire. Maçonner des poèmes. Des histoires. Des enfants ….


Alors le poète écrit :

Je veux apprendre à voir, c'est le commencement d'un voyage immobile.

Et encore : 

Le ciel comme un couvercle
la lune comme un bouchon
la vie comme une fenêtre
immobile et ouverte.

"Et le jour vient de naître"

dans l'espace des mots de Thomas, dans son immobilité créatrice, pour accompagner un voyage onirique.

Le blog de l'auteur : ETC-ISTE

Le site des éditions "ficelle"

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2 novembre 2012

LE TRÉSOR DE LA GUERRE D'ESPAGNE ; Serge Pey

Pey

"Héritier de la liberté et du combat de ses pères, tous républicains et résistants, Serge Pey nous offre avec ce Trésor de la guerre d’Espagne un fabuleux kaléidoscope d’histoires vraies. Son écriture porte en elle cette force des grands écrivains telluriques comme Giono ou Faulkner, et parvient à nous rendre présente, comme intimement vécue, l’aventure de ces enfants pris dans la tourmente des guerres et des répressions. Partout on chasse, on traque et on tue l’enfant des révoltes, le fils des opprimés, qui doit pour survivre trouver les ruses de l’animal.
Il y a un tel bonheur de conter chez Pey qu’on ne peut s’empêcher de se délecter de chacun de ces épisodes tragiques ou pathétiques. Rarement une écriture aura rendu avec une telle intensité la mémoire à la vie."

Seize histoires, comme des nouvelles ; seize chapitres d'une même vie, celle "des" enfances de Serge Pey, fils et petit-fils de résistants républicains, anarchistes et communistes. L'écrivain entraîne son lecteur dans l'atmosphère espagnole des années trente à quarante. La guerre civile, la suspicion, la délation, la mort rodent dans chaque page de ce roman, dans chaque ligne, dans chaque mot.

Un cri ! Le cri de celui qui, devenu homme, a conservé intacte la flamme ardente de la révolte. Le cri qui résonne du fond de l'insurrection, de la vaillance. Serge Pey, héritier du combat de ses pères, de ses pairs, témoigne avec passion de la violence de ces années embrasées par la sédition. 

Son premier cri, c'est celui de cet enfant témoin de l'assassinat d'un résistant caché dans une cabane par les soldats et qui ne doit sa vie qu'à son instinct quasi animal. Et, tout au long de ces courts chapitres, l'auteur porte la voix du quotidien cauchemardesque des hommes et des femmes confrontés à la terreur. Mais rien de pathos : c'est la vie qu'il raconte : celle de sa mère qui avertissait les insoumis des dangers selon la manière dont elle étendait son linge. Quand il évoquera ce pan de sa propre histoire, lors de la rencontre-dédicace du 30 octobre à la librairie Lucioles de Vienne, il aura les larmes dans les yeux et dans la voix.

Il ne s'agit pas d'un livre sur l'Histoire de la guerre d'Espagne, il s'agit d'un livre sur l'histoire de ceux qui ont vécu la guerre d'Espagne. Un cri...étourdissant, puissant.

 

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1 novembre 2012

CONSOLATIONS ; Sénèque

En attente de lecture

consolations

"Dominer la souffrance et s'en défendre grâce à la raison et à la parole - en faisant appel à toutes les ressources de la rhétorique - est au centre de la pensée de Sénèque qui rassemble, dans ses Consolations, les grands thèmes de la méditation antique sur la douleur et la mort. Au cours de son exil en Corse ordonné par l'empereur Claude qui l'accuse d'intriguer contre lui, Sénèque adresse à sa mère, Helvia, sous forme de Consolation, une réflexion sur l'exil et sur le bonheur véritable. La seconde Consolation, destinée à Marcia, une femme qui vient de perdre son fils, est une méditation sur le deuil et sur l'ultime recours que peut être la mort face à la tyrannie. Ces deux textes sont un irremplaçable témoignage de l'art avec lequel les Stoïciens savaient affronter la souffrance et la mort."

 

 


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31 octobre 2012

C'EST DÉGOÛTANT; Francesco Pittau, Bernadette Gervais

 

pittau

"Dans ce livre, Francesco Pittau, Bernadette Gervais parlent avec délectation de tout ce qui écoeure, révulse et provoque des haut-le-coeur. Sans équivoque, ce livre montre les expériences d'une petite fille blonde, mignonne et souriante, que rien ne rebute : boire l'eau du bain, se couper les ongles à table, avoir des cheveux dans la bouche ou encore se moucher dans les rideaux."

Jusqu'à quel âge ne se délecte-t-on pas des "pipis-cacas-carottes de terre" et autres illustrations bien senties sur ce qui anime, tout compte fait, l'essentiel des réflexions de l'homo erectus moyen ? 
Je consens ! Un peu universaliste, ma première phrase. Les "Hommes" (avec un "H" majuscule) seraient-ils définitivement asservis par des pensées scatologiques, qu'ils utiliseraient en guise de réflexion hautement philosophique ? 

Parce que cet album, que l'on pourrait qualifier de... "dégoûtant" (ben oui !) et de peu ragoutant, ne peut que faire le bonheur des petits lecteurs de 2 à 77 ans...Que le premier qui n'a jamais plongé ses mains dans un pot de confiture lève le doigt (après l'avoir sucé) ; que celle qui n'a jamais mangé avec ses mains se dénonce. Et dans la série des petits plaisirs inavouabes, on pourrait évoquer les doigts dans le nez, ou le pipi dans le bain. Voire pire !

Pittau et Gervais ne craignent pas le pire, et c'est dit avec une telle simplicité, une telle sincérité, qu'on se demande vraiment pourquoi s'en offusquer !

Un petit bijou, ni obcène, ni grossier, qui dit à voix haute ce que tout le monde fait à gestes bas.

 

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31 octobre 2012

LE ROMAN D'ERNEST ET CÉLESTINE ; Daniel Pennac

En attente

pennac

"Un ours et une souris amis ? Jamais ! Scandaleux ! Absolument interdit !
- C'est compris Célestine ?
- Ernest, c'est compris ?¨
Pourtant, personne ne pourra empêcher Ernest et Célestine de devenir les meilleurs amis du monde. personne, vous m'entendez !
C'est le roman de cette amitié, conquise sur tous les préjugés, que Daniel Pennac nous raconte ici."

 

 

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30 octobre 2012

UN RÉGAL D'HERBES MOUILLÉES ; Anna de Sandre

En attente

un régal

"Dans la suavité d'un soir

Le ventre chaud 
D'un nid de frelons 
Éclipse
La maturité de la lune 
Au creux
D'un arbre fourchu.

Une mômarde en extase
Bat des mains, jappe
«Montgolfière ! Montgolfière !»
Tandis qu'un
Soldat
La met en joue La pupille
Etrécie dans son oeil clair."

Anna de Sandre vit actuellement dans le Sud-Ouest. Avec une prédilection pour l'art du bref, elle écrit principalement des nouvelles et de la poésie, et ponctuellement des romans et des histoires pour la jeunesse.
La plupart de ses textes sont publiés dans divers recueils collectifs ou revues.
À paraître : L'escalier de la forêt (Gallimard jeunesse) 
Couverture : Francesco Pittau

 


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30 octobre 2012

LE TROU ; Thomas Vinau

En attente

le trou

"Le vide, ce grand bâfreur avide, qui grignote gentiment. Chacun l’arpente à sa façon. Respirer n’est pas autre chose. Écrire, pleurer, crier, sourire, courir, non plus. C’est histoire de trou et de bosse. C’est histoire de souffle tout au fond de la nuit. C’est histoire d’outil, celui qui creuse et celui qui colmate. Celui qui dissout. Celui qui construit. C’est histoire de lumière aussi, puisque le ciel reste au dessus de nos têtes, jamais totalement prêt à nous tomber dessus. Puisqu’il faut bien construire, il importe de distinguer trois étapes. La première est au fond. La seconde, pays de l’entre-deux. De la dernière, on aperçoit déjà les milles bleus du ciel. Ainsi la question de la chute devient forme d’ascension."

 


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1 octobre 2012

L'AUTOBUS ; Eugenia Almeida

l'autobus

"Dans une petite ville du fin fond de l’Argentine, un homme et une très jeune femme attendent un autobus dans un café, l’autobus passe et ne s’arrête pas. Il y a quatre jours maintenant que l’avocat Ponce amène sa sœur pour prendre cet autobus et qu’il ne s’arrête pas. Les jeunes gens partent à pied le long de la voie ferrée. Le village s’interroge. Le soupçon s’installe, la réalité se dégrade subtilement.

Il s’est passé quelque chose dans le pays que tout le monde ignore. Pendant cette attente, nous découvrons la lente plongée dans la folie de la femme de Ponce, provoquée par l’attitude de l’avocat qui ne lui pardonne pas les circonstances de leur rencontre.

La confusion s’installe dans la vie du village, ce sont les militaires qui commandent. Des livres disparaissent de la bibliothèque. Des coups de feu éclatent à la tombée de la nuit, des cadavres de subversifs sont retrouvés, personne ne peut reconnaître le couple de la photo du journal. L’autobus s’arrête de nouveau alors que personne ne l’attend plus et la pluie se met à tomber."

Argentine. Une petite ville perdue au fin fond du pays. Une voie ferrée. Un café. La vie au quotidien d’habitants ordinaires qui se côtoient, se jaugent, se toisent, se jugent… D’un côté de la voie les « nantis », de l’autre les « parias ». Ni le train, ni l’autobus ne s’arrêtent plus dans la bourgade depuis quatre jours. L’avocat Ponce, chaque matin, accompagne en vain sa sœur pour qu’elle prenne cet autobus. Il croit en la toute-puissance de son statut. En vain, aussi. Un couple intrus, venu là d’on ne sait où, venu là on ne sait pourquoi, attend, lui aussi de pouvoir quitter le village. En vain, aussi. De guerre lasse, l’homme et la femme décident de partir à pied en longeant la voie ferrée.

Unité de lieu ; unité de temps. Dans un monde clos, dans un silence de plomb. Que se passe-t-il ? Pourquoi l’autobus ne s’arrête-t-il plus ? Pourquoi l’orage n’éclate-t-il pas alors qu’il gronde ? Pourquoi entend-on des coups de feu dans le lointain ?

Eugenia Almeida laisse extravaguer les émotions du lecteur. Même si elle a posé le cadre, elle ne donne pas toutes les clés. Tout est possible, mais elle le tait jusqu’à l’évidence. C’est ce qui donne force et densité à ce court roman. Alors que le malaise leste l’atmosphère, elle parvient à offrir une écriture souple et rapide qui ne laisse pas place à la fadeur et à la monotonie.

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J’avais lu ce roman avant de me rendre au festival America 2012, à Vincennes. Je l’avais apprécié. J’attendais donc avec impatience de rencontrer cette auteure. J’ai été enthousiasmée. Cette dame sait dire les choses, simplement, passionnément, sans fioriture. Elle sait les dire, elle sait les écrire aussi.

18 septembre 2012

LE VIEUX QUI LISAIT DES ROMANS D'AMOUR ; Luis Sepulveda

vieux

"Lorsque les habitants d'El Idilio découvrent dans une pirogue le cadavre d'un homme blond assassiné, ils n'hésitent pas à accuser les Indiens de meurtre. Seul Antonio José Bolivar déchiffre dans l'étrange blessure la marque d'un félin. Il a longuement vécu avec les Shuars, connaît, respecte la forêt amazonienne et a une passion pour les romans d'amour. En se lançant à la poursuite du fauve, Antonio José Bolivar nous entraîne dans un conte magique, un hymne aux hommes d'Amazonie dont la survie même est aujourd'hui menacée."

Pour parler de ce roman, qui est mieux placé que son auteur lui-même ? Le texte qui suit, je l’ai extrait d’un de ses autres écrits, extraordinaire, lui aussi : « La lampe d’Aladino… et autres histoires pour vaincre l’oubli ».

 

-          Eh bien, mon vieux, nous y revoilà, murmura le docteur Rubicundo Loachamin, le dentiste qui, dans un passé très proche et donc à l’abri de la corrosion de l’oubli, parcourait les hameaux de l’Amazonie qui croissaient et décroissaient sur les berges des fleuves Zamora, Yacuambi et Nangaritza pour calmer les cauchemars dentaires à grand renfort des sermons anarchistes et réparer les sourires grâce aux prothèses qu’il exhibait sur un petit tapis digne d’un cardinal.

Son interlocuteur, Antonio José Bolivar Proaño, un homme d’âge indéfinissable qui préférait qu’on l’appelle le Vieux pour ne pas avoir à entendre toute cette litanie d’éminents personnages, mit la main dans la poche de son pantalon avant de parler et en sortit un dentier enveloppé d’un mouchoir, le plaça dans sa bouche, fit claquer sa langue, cracha et regarda le panorama désolé qui s’étendait sous ses yeux.

[…] Les deux hommes, liés par une amitié avare de paroles et vieille comme la mémoire, étaient arrivé jusqu’aux ruines d’El Idilio après une semaine de marche.

[…] Le dentiste et le Vieux avaient longuement considéré la possibilité de revenir à El Idilio.

[…] Les Shuars avaient aidé les fugitifs, uniquement parce que le Vieux les accompagnait. Ils ne comprenaient pas ces hommes et ces femmes arrivés en Amazonie pour vivre le cauchemar de la pauvreté et de la mort. […] Ces blancs étaient de drôles de gens mais ils respectaient le Vieux parce qu’il était différent.

Il était comme eux bien qu’il ne soit pas des leurs. Une erreur commise bien des années plus tôt l’avait obligé à quitter le territoire des Shuars et les hommes de la forêt le suivaient pour rendre son exil mois difficile. De plus, ils appréciaient sa drôle d’habitude de lire des romans d’amour qu’il leur racontait ensuite, tout ému, pendant les longs après-midi de la saison sèche.

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