HOMMAGE : Ils étaient huit jeunes hommes - Charles Camproux
Ils étaient huit jeunes hommes
Ils étaient huit jeunes hommes, nus, nus et qui tremblaient
ils étaient descendus, gelés, enchaînés,
l'un derrière l'autre, nus, les mains dans le dos
et ils savaient pour sûr, ils se savaient condamnés :
le grand camion, au fond, le long de la grande allée,
l'allée des longs cyprès, longs, hauts, est venu s'arrêter,
et les huit jeunes hommes nus, blancs, sans mot sont
descendus
entre les hommes verts, vert clair, qui les font se tenir :
se tenir, blancs, nus, devant la grande tombe,
devant le grand trou, long, profond, tout juste creusé
là tout le long, là, le long de l'allée,
derrière les tombeaux, tout le long, comme une longue
tranchée :
par la mitraillette, d'un coup, ils ont tous plongé
dans la longue tranchée, blancs, nus, avec un peu de sang
sur leur torse blancs, blancs, nus, aux premières aurores :
ils étaient huit jeunes hommes, nus, dépouillés de
lendemains.
Charles Camproux (1908-1994)
Poëmas de Resistencia, 1943-1944.
Traduit de l'occitan par Aurélia Lassaque
Extrait de Guerre à la guerre - Éditions Bruno Doucey, octobre 2014