VOYAGES IMMOBILES ; Thomas Vinau
"La revue "ficelle" ne publie que ce qui lui plaît et ça ne risque pas de changer.
Chaque jour, le ciel écrit sa phrase dans les nuages.
Je dois écrire la mienne..."
AUTOPORTRAIT DE THOMAS VINAU
« Écrire c’est se taire » disait Duras, ou plutôt elle l’écrivait. Peut-être commencer par ça.
Ma bouche close. L’esprit comme du vent dans une longue plaine. Une langue pleine.
Les mots qui fouettent l’herbe, qui disparaissent en bourrasque. Qui reviennent. Ma
bouche close et mes yeux ouverts. Mes yeux qui boivent la lumière.
Il y a cinq ou six ans je suis venu m’installer dans le Luberon. Fonder une famille.
Fonder tout court. Ici les gens parlent. Ils parlent fort. Des yeux. Des mains. Même
les taiseux parlent. La lumière également est volubile. L’espace. Le ciel. Je sais
qu’écrire c’est se taire. Rester cet adolescent muet qui comprend que la terre est une
bille sur la tête d’un boiteux. Je sais aussi qu’écrire c’est déborder. Être une tasse d’eau
chaude trop pleine. Déborder de l’infusion de l’espace, de la lumière, de
l’environnement, des autres. Déborder de l’infusion de l’enfance aussi. La sienne.
Celle d’où l’on vient. Toujours. Reste à ne pas se tromper. À ne pas avoir peur de se
taire. Ne pas redouter le silence. Dans des grands gestes de mots et de phrases. Ne pas
rajouter du bruit au bruit. Écrire dans la lucidité d’un murmure. Retourner d’où l’on
vient. Droit. Les yeux bien en face du grand trou de nos vies. Bâtir. Dans nos
balbutiements. Construire. Maçonner des poèmes. Des histoires. Des enfants ….
Alors le poète écrit :
Je veux apprendre à voir, c'est le commencement d'un voyage immobile.
Et encore :
Le ciel comme un couvercle
la lune comme un bouchon
la vie comme une fenêtre
immobile et ouverte.
"Et le jour vient de naître"
dans l'espace des mots de Thomas, dans son immobilité créatrice, pour accompagner un voyage onirique.
Le blog de l'auteur : ETC-ISTE
Le site des éditions "ficelle"