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Littér'auteurs

12 octobre 2013

LE LOUP QUI MANGEAIT N'IMPORTE QUOI, Manu Larcenet & Christophe Donner

 

le loup qui mangeait n'importe quoi

Il était une fois, près du bois de Saint-Cloud,
Un loup sans foi n loi, un peu relou.
Il avait faim, c'était l'hiver
Il était très très en colère.
Il n'avait pas mangé depuis le mois d'octobre,
Lui le grand, le méchant carnivore....

Et tout à l'avenant : ça rime, ça versifie, ça alexandrit.  Et ça excite les imaginaires "caca-boudin" des loupiots en âge de lire cet album. Pensez donc ! Un loup qui mange, qui dévore, qui engloutit... n'importe quoi. Plutôt n'importe qui. Il a tellement faim, cet animal, qu'il est prêt à toutes les compromissions. Et en mode "bassesse", il excelle.Parce que cet horrible claque-faim ne tient pas compte des mises en garde de ses proies qui ne sont pas anodines, malgré les apparences : une brebis,un goret, un écolier, deux jumelles. Tout ça ne remplit pas que l'estomac,contrairement à ce que l'on pourrait croire. Parce qu'un mets daubé, ça a quelques conséquences sur l'organisme... et ça flatule, et ça rote, et ça mange ses crottes de nez...

Tout le scato
Qu'il faut
Pour que ce soit rigolo.

Tiens je me prends à poétiser.

La plume de Christophe Donner, le crayon de Manu Larcenet, quand ils s'associent, ça donne un album plein de couleur, d'humour.

De l'humour en poésie de surcroît
Qu'il convient de lire à haute voix. 

Mais l'intention ? Je dirais qu'avec cet album, on peut évoquer (mais juste une toute petite touche) la mal-bouffe : quand on mange n'importe quoi, il peut nous arriver toutes sortes d'avatars... J'ai adoré, en imaginant le fou rire des petits (à partir de 5 ans) qui vont emprunter la quête affamée de ce loup qui paye très cher ses excès.

J'ai adoré aussi cette improbable fin
Qui du répugnant vorace n'apaise pas la faim.

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11 octobre 2013

L'HISTOIRE DU RENARD QUI N'AVAIT PLUS TOUTE SA TÊTE, Martin Baltscheit

L'histoire du renard qui n'avait plus toute sa tête

Renard est un Goupil. Un vrai de vrai qui sait user de toutes les ruses. Capable de faire semblant pour mieux abuser. Capable d'échapper à tous les chiens courants. Renard est un sage. Qui sait parler aux renardeaux. Qui sait enseigner les roublardises. Qui sait fricoter chèvres, lièvres et poulets qu'il a, dirons-nous par décence, prélevés. Renard, le goupil, le rusé, le sage, vit une longue vie. Une belle et longue vie.

Mais alors que la barbe de Renard blanchit, la mémoire de goupil commence à flancher. Bon, au début, il ne trouve plus certains des mots, puis le temps s'immobilise, ou se distend, c'est selon. C'est au tour des idées qui ne suivent plus leur cours habituel... Bof, se dit Renard.

Un jour, ou peut-être un soir, était-ce un lundi, ou alors un jeudi ? Renard ne retrouve plus le chemin de son chez lui. Un autre jour, ou peut-être un matin... Renard ne sait plus. Ne sait plus. Ne sait plus. Mais il sent, il sent qu'on prend soin de lui, il sent qu'il n'est jamais seul. Les renardeaux y veillent.

Un album tout en douceur, tout en amour, tout en tendresse, tout en chaleur. Un album qui traite avec pudeur et délicatesse de la prise d'âge de ceux qui accompagnent les enfants ; les papys, les mamies, les tontons, les tatas... qui, parfois, partent pour le Pays du Grand Oubli. La vieillesse, la dégénérescence des cellules, cette perte des réalités qu'entraînent Alzheimer et autres Parkinson, bouleversent et agresssent les petits qui ne comprennent pas, à juste titre, pourquoi ce grand-père, cette grand-mère pour lesquels ils avaient profond respect, auxquels ils demandaient avis et conseils (même s'ils faisaient semblant de n'en rien croire), retombent dans une enfance qu'eux-mêmes ont hâte de quitter.

Un bel album. Non, un album essentiel, émouvant, pas didactique, juste vrai et fort, qui aide l'enfant à grandir et à ... vieillir en prenant soin de lui et de ceux qu'il aime.

10 octobre 2013

LA PETITE FILLE EN ROUGE . Aaron Frish & Roberto Innocenti

La_petite_fille_en_rouge_Frisch

Avec sa capeline rouge et son bonnet assorti, Sophia pourrait sans doute tout droit sortir de l'imaginaire fécond de Monsieur Perrault ou de celui des frères Grimm.
Elle n'est pas seulement vêtue de vermillon, comme sa devancière, elle a aussi, la belle enfant, une mère-grand de santé fragile à laquelle elle va rendre visite, lui apportant ... biscuits, miel et oranges. Parce que, déjà à ce moment de la narration, s'arrête le copié/collé (qui d'ailleurs n'en est pas exactement un).

"Sophia habite avec sa mère et sa soeur". Voici le lecteur entré de plain pied, dans la vie d'une famille mono parentale. Le temps est dès lors situé. Et il suffit que la fillette sorte de chez elle pour que l'espace le soit aussi : graff sur les murs d'un escalier sombre, trottoir jonché de détritus, sans logis somnolant dans une encoignure... C'est signé : nous nous trouvons délibérément dans notre siècle.

Mais l'esprit de Perrault de la fin du XXVII° siècle demeure... les auteurs restent dans le "conte d'avertissement", transposé dans la société d'aujourd'hui. La forêt du Petit Chaperon Rouge devient la cité de La Petite Fille en Rouge, une cité bruyante, agitée, effervescente, tumultueuse. Et du tumulte, il en est question dans ce superbe album au trait graphique dense, au style pictural hyper-réaliste, signé par Roberto Innocenti. "Perrault voulait faire peur, explique-t-il, moi je veux attirer l'attention des jeunes sur les ravages de l'argent et la modernité dans ce qu'elle a de plus brutal". Et pour attirer l'attention sur les dangers de la société contemporaine, les deux auteurs s'investissent complètement : le bois est un centre commercial, le loup un motocycliste vêtu de noir, le péril la consommation à outrance. "Ça va sans dire, mais ça va tout de même mieux en le disant", telle pourrait être la devise d'Aaron Frish et de Roberto Innocentini.

Conte moderne qui s'ancre dans le symbolisme des structures psychologiques fondamentales. Et qui tape juste, qui vise juste nos bambinos-rois qui sont dans le tout-maintenant, qui, sollicités, agressés à leur insu, tentés en permanence, prétendent savoir de la vie plus que nous en savons nous-mêmes. Et pourtant, petits,  "des yeux vous guettent, des narines hument l'air en quête d'une opportunité. La forêt fourmille de chacals". 
Si les chacals et les loups ne diffèrent que par leur taille, les deux sont malfaisants et, parfois, "le soleil ne parvient pas à percer les nuages" d'une maman désespérée.... Mais si, 'imaginez plutôt ceci, si vous voulez. Un bûcheron surprend un loup en train de rôder autour d'une maison. Il téléphone. La police est sur les lieux en un rien de temps... [...} Cette nuit les étoiles scintilleront sur la forêt".

Un album que les grands peuvent lire tout seuls, qu'ils peuvent lire aux plus jeunes. Un album qu'il faut à tout prix découvrir.

Merci à Jérôme, de m'avoir permis de le découvrir.

 

9 octobre 2013

Jacques Brel... hommage au poète

13 septembre 2013

LE TRAIN DE 5 H 50, Gabrielle Ciam

Le train de 5

Au petit matin, sur le quai d'une gare francilienne, une femme attend le train qui va l'emmener à Paris. Elle a ses habitudes, auprès des employés, dans le wagon, à la même place. toujours. Elle y poursuit doucement sa nuit, comme la plupart des voyageurs, d'ailleurs.

Un matin, agacée, elle découvre qu'un homme s'est installé sur le siège d'en face. Qui est-il, cet intrus, qui a osé effracter(*) son espace,  sa bulle ? Il somnole. Non. Il semble somnoler. 

À travers les yeux mi-clos de la femme et de l'homme, les regards se croisent, s'enlacent, s'étreignent, se jaugent, se soupèsent. Et le désir naît, en eux, entre eux, sans qu'un seul mot soit échangé. Discrets frôlements de jambes d'abord, puis pressions plus prononcées.

Ce roman, c'est l'histoire d'un libertinage, de la lente et inexorable montée d'un éros entre deux inconnus qu'aucun ne cherche à contenir. De matins en matins, les rendez-vous entre les deux voyageurs précisent l'attrait sensuel qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Sans échange verbal. Ce roman, c'est un délicat et subtil texte érotique, pas totalement allusif, et assez suggestif pour que l'imaginaire du lecteur entre dans le jeu pygocole. "Ne rien savoir, pas même son prénom, lui plaît. Elle l'observe en silence, et son regard débarrassé de toutes ces choses qu'elle ne sait pas, prend de lui l'essentiel. Elle le tient tout entier dans ses yeux, et jamais elle ne s'est sentie aussi proche d'un homme. Rien ne les attache et, pourtant, voilà que remontent ce trouble, cette envie de lui qui parlent si bien à son ventre".

Mais "le temps des confidences vient toujours après celui des gestes tendres". Et c'est là que s'installe mon propre regret. Pourquoi ces deux-là éprouvent-ils le besoin de se parler, de se présenter l'un à l'autre, de se dire ? Le réaliste prosaïque prend la place de l' éro[man]tique merveilleux. 

Le trait final de ce roman a transformé cette sensuelle rencontre en banale histoire d'amour. Déçue par la chute.

 

(*) dictionnaire latin EFFRINGO

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10 septembre 2013

LE QUATRIÈME MUR, Sorj Chalandon

sorj-chalandon-le-quatrieme-mur

Me voici, après une lecture difficile, devant le difficile exercice de rédiger un billet sur le dernier livre en date de Sorj Chalandon. Difficile, parce que je considère cet auteur comme l'un des récents monuments de la littérature. Difficile, parce que j'ai avec lui, sans qu'il le sache, un lien particulier : c'est grâce à lui et au "Petit Bonzi" que j'ai retrouvé le chemin de la lecture et de l'écriture, après avoir vécu un choc émotionnel et intime d'une extrême violence.

Depuis, j'ai exploré son oeuvre avec une certaine avidité, aimé "Une promesse", "Mon Traitre", "La légende de nos pères", "Retour à Killibegs". Aimé, vraiment. Inconditionnellement. Dès lors, je ne pouvais qu'attendre impatiemment ce roman qui vient de paraître. Je me suis gardée de lire chroniques, critiques et interviews : je ne souhaitais de cette nouvelle lecture que mes propres émotions. Parce que, comme Sam, je "redoute les certitudes (les miennes quand elles surgissent, et aussi celles des autres) pas les convictions". 

Sam le grec. Samuel Akounis, sans lequel ce roman n'aurait pu être conçu. Sam, qui vient, en 1974, interpeller un groupuscule d'étudiants insoumis, révoltés et engagés de l"amphi de la faculté de Jussieu. Sam, qui passe par là, mais pas par hasard. Sam qui leur raconte "la nuit du drame, le samedi 17 novembre". Athènes,1973. La répression sanglante. Sam secoue les consciences, rétablit des vérités, désigne les adversaires à ces jeunes qui brandissent le petit livre rouge, qui hurlent au nazisme sans s'être frottés aux réalités de l'histoire. Sam sait, lui. Et il explique, il dit, il narre l'innénarable. "Le Grec parlait. L'Amphithéâtre se taisait. Nous n'étions pas habitués à cette économie de mots et de gestes. Il nous racontait comme on se confie, reprenant sa respiration comme au sortir de l'eau".

Cette respiration, c'est justement ce qui manquera à Samuel Akounis, pour réaliser son rêve de théâtre, de théâtralité, de théâtralisation, sa belle utopie.

Georges et Aurore nouent une amitié sans faille avec Sam. Ils appartiennent à ce groupe d'édudiants qui viennent de trouver leur père spirituel, leur guide de l'engagement. Georges est apprenti metteur en scène et rêve de merveilleuses réalisations. Sam EST metteur en scène et confie à Georges le soin de mettre en scène sa belle utopie

Au Liban, la guerre se déchaîne. Au nom de Dieu, du dieu de chacun des antagonistes, les massacres se multiplient, les exactions foisonnent. Et Sam le grec, Sam le juif, sur son lit d'hôpital - parce que le souffle lui manque - parce qu'il veut que l'Humanité continue à respirer, confie sa belle utopie à Georges, le disciple : Antigone, celle de Jean Anouilh, jouer Antigone, faire jouer Antigone par une troupe théâtrale amateur qui regroupe toutes les obédiences, les inféodations, sans distinction. "Cette pièce, c'est lui. C'est son idée. C'est sa vie. Il vous a choisi tous, il m'a choisi, moi. Souvenez-vous toujours qu'il est à vos côtés. Même du fond de son lit d'hôpital, il est votre metteur en scène. Cette pièce sera dédiée à votre pays, à la paix et à Samuel Akounis".

Georges, malgré les mises en garde d'Aurore, son épouse, malgré Louise, leur fillette à peine née, Georges s'en va-t-en guerre pour porter la paix, le temps d'une représentation théâtrale. Comme l'a voulu Sam. Georges part au Liban, déjà ensanglanté. Pour monter le projet dont Samuel a rêvé. "Le quatrième mur, c'est ce qui empêche le comédien de baiser avec le public".

Le quatrième mur de Sorj Chalandon, n'est-il pas l'expression de cette distanciation qu'il a su établir entre sa mission de grand reporter pour le quotidien Libération (de 1973 à 2007), et cette confondante veine de romancier qu'il développe depuis 2005 ? Comment imaginer que le journaliste n'a pu que reporter les terribles évènements de Sabra et Chatila, là, comme ça, froidement, micro en main et casque sur les oreilles ou devant son ordinateur ? Comment ne pas se demander comment un correspondant de guerre peut retrouver la paix après sa mission ? Pas la paix des hommes (existe-t-elle, d'ailleurs ?), mais sa paix intérieure. Et celle de son couple, de sa paternité.

Sorj Chalandon a confié à Georges le soin de dire son effroi, sa terreur, sa douleur, ses incompréhensions, ses rêves de trêves et de paix, ses convictions : "Je suis tombé comme on meurt, sur le ventre, front écrasé, nuque plaquée au sol par une gifle de feu. [...] Mon corps était sidéré. [...] Mon ventre entier est remonté dans ma gorge. J'ai vomi. Un flot de bile et des morceaux de moi. J'ai hurlé ma peur".

 

 

Le quatrième mur, c'est le roman d'un Homme. Qui a vécu l'impossible. L'indicible. Et qui parvient à dire. C'est comme ça avec Chalandon.

8 septembre 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Dany-Marc

Le jour nouveau

Tes mains de ferveur
ont fait éclater dans mon corps
tout le soleil du monde
Hier la terre a tremblé pour nous
et l'aventure de la tempête partagée
donne à la vie un goût de fête

De quel volcan as-tu peuplé l'attente
De quelle vague as-tu soulevé le temple
De quelle déchirue as-tu fait basculer
l'ordre établi
Le vent de ton désir
a fait renaître mon cri
Tes mains de soif et de soleil
Tes mains de caresse et de violence

Tes mains simplement
ont rencontré l'heure vivante
de mon corps
dessiné par ta ferveur

Je rêve d'un jour        où chaque jour
mes mains de tendresse
berceront ton sommeil
apprêtant la lenteur de l'aube
comme on mûrit la graine

Alors j'éveillerai ton regard
                       et ton coeur
                       et ton corps
                       et ton rire

Et ensemble nous célèbrerons
LE JOUR NOUVEAU

Danny-Marc, Un grand vent s'est levé, Éditions Pippa

jérôme Bosch

Jérôme Bosch, Le jardin des délices, 1503

Pour faire écho à la libertine semaine que viennent de nous offrir Choco et Marilyne, ce poème de Dany-Marc, née en 1937

Dany-Marc

2 septembre 2013

CONTRE LES BÊTES, Jacques Rebotier

Jacques Rebotier peut être défini comme un créateur inclassable de par ses multiples activités : écrivain, poète, compositeur, comédien, metteur en scène. Son style est caractérisé par une constante proximité des marges et un malin plaisir à transgresser les codes.

2013

J'ai rencontré Jacques Rebotier, samedi dernier. Sur la place d'un village du Nord-Isère, il disait, il lisait, il jouait devant un auditoire clairsemé, mais attentif et subjugué. Entre les mains, il tenait un opuscule 13 x 15, de 56 pages, édité par "La ville brûle", qui reprend, dans sa page d'accueil, un extrait d'Électre de Jean Giraudoux : "Comment cela s'appelle-t-il quand le jour se lève comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et que tout est perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève ? [...] Cela s'appelle l'aurore". (1937)

Contre les bêtes _ Jacques Rebotier

Et ce que Jacques Rebotier dit-lit-joue s'est installé en moi comme une évidence. Cet homme est contre les bêtes, contre, tout contre, tout à fait pour, si près, vraiment si près... Mais pas d'angélisme, pas de gnan-gnan écolo-machin-chose, pas de retour en Ardèche avec les chèvres, les hérissons, les moutons et les moutonnes.

"Brebis, je suis votre acteur, je suis votre pasteur.
Je protégerai les vaches et les moutons des germes du loup, du bacille du furet, de la terreur terroriste, des Tazuniens, du renard-et-la-belette, des Germains !
Pour vous nous édifions un rempart de barbelés, au service du tout santé, du tout sécurité, et contre dent amère du loup. Hou !
On vous parque dans des parcs, mais c'est pour vous préserver. Les champs étaient trop grands... Les camps, même d'extermination, vous sauveront de l'extermination. Oui, vous pouvez nous remercier de vous sauver de votre liberté."

Jacques Rebotier dépeint l'Omme, sans sa (son) "H"ache. 

"Jeu.
Il existait, en 2000 et ses dernières poussières, un million d'hespèces menacées et une hespèce menaçante. Sauriez-vous la retrouver ?"

Le jeu que propose Jacques Rebotier, au fil de ce court texte (il lui a fallu une heure pour le déclamer), est le jeu du massacre, des massacres. Mais de quelles bêtes parle-t-il donc ainsi ? Oui; Ça fait réfléchir. Ça donne à penser. "C'est notre istoire, c'est l'istoire, c'est la belle votre istoire de civilisation."

Et c'est vraiment abile, cette manière dont il s'y prend pour nous ouvrir les yeux et le coeur et la tête, halouette. Pas de quoi s'ouvrir les veines, certes, mais une certaine façon de raconter l'umanité et les orreurs qu'elle génère. Et c'est vraiment écrit avec un umour complètement décapant.Un vrai réquisitoire rageur, poétique et... rieur.

Dans mon ent(h)ousiasme, j'ai emporté aussi avec moi l'un de ses recueils de poésie "Le dos de la langue" paru chez Gallimard - L'arbalète. À suivre, donc, pour l'un des prochains boudoirs....


Sur ce site, tenu par une chercheuse canadienne, Catherine Courtois, on peut lire des extraits des textes économiques et politiques de Jacques Rebotier

22 août 2013

PAS ASSEZ POUR FAIRE UNE FEMME, Jeanne Benameur

benameur pas assez pour faire une femme

Je ne suis pas une inconditionnelle de Jeanne Benameur. Des romans que j'ai lus d'elle ( "Pourquoi pas moi ?" -  "Même si les arbres meurent") ... - pas beaucoup en fait - de ses poésies ("Notre nom est une île"), j'ai saisi au vol une pensée singulière, mais qui ne m'a pas toujours fait frémir. Peut-être parce que je crains les auteurs à succès, ou le succès des auteurs. Peut-être.

C'est la rentrée littéraire. Jeanne Benameur a publié chez Thierry Magnier un roman destiné aux adolescents. J'ai entendu dire, j'ai lu écrire que, dans ce registre, elle excelle. Et cette fois, je suis tombée sous le charme. Sous le charme d'une écriture rapide, fluide, d'un texte qui émeut, qui questionne, qui touche quelques fibres intimes, quelques tréfonds de la vie d'une lectrice qui avait dans les vingt ans à l'époque.

L'héroïne, la narratrice, elle, en 1970, a 17 ans. Juste l'âge qu'avait l'auteure en cette même année. Certains vont sans doute se demander si ce récit est autobiographique. Peut-être. Mais qu'importe.

Une jeune fille de 17 ans. Timorée. Qui obtient son bac. Qui, logiquement, quitte la demeure paternelle pour rentrer à l'Université. Qui savoure le bien-être et le bonheur de sortir du carcan familial : un père tyrannique et limite facho, une mère soumise, une soeur en mode "je ne dis rien qui pourrait faire des étincelles, mais je n'en pense pas moins". Difficile pour cette jeune fille, mais tellement délicieux d'habiter sa petite chambre d'étudiante totalement inconfortable. Une pseudo-liberté qu'elle savoure à toutes petites bouchées, jusqu'au moment où "une voix" (non, non... il n'est pas question de Jeanne d'Arc) résonne dans l'amphi. Une voix qui raisonne.

C'est l'histoire d'un amour qui éclôt. Deux gamins, forts de leurs convictions politiques naissantes, découvrent la rencontre des corps. La rencontre des mots. La rencontre des idées. La rencontre des pensées. 
Dans les mêmes moments narratifs, l'héroïne, met en parallèle sa lutte pour son émancipation personnelle et cette lutte politique que son amoureux insuffle en elle. Un long travail de prise de conscience. Long et douloureux processus pour cette partie intime. Long et épanouissant mouvement pour l'entrée dans une société qui, je le rappelle, est forte du mouvement de 1968, né deux ans auparavant.

C'est un texte très intime que propose ici Jeanne Benameur. Certains (ils se reconnaîtront) trouveraient qu'il est un peu trop féministe. D'autres diraient que cette histoire d'amour adolescente n'est qu'une histoire d'amour de plus. D'autres encore penseraient que la lutte idéologique de 68 est un peu (très ?).surannée en 2013. Oui, c'est un peu tout ça et c'est tant d'autres beautés délicates et sensibles aussi que l'éveil des sens, de la féminité, 
Mais ce n'est pas l'apothéose... il faudra à cette jeune fille, insatiable désormais, beaucoup beaucoup d'années, de travail sur elle, pour se construire une identité porteuse de vie, d'indépendance et de liberté.

Pour lire l'avis de Jérôme, c'est ici. Et celui de Noukette, c'est ici.

4 août 2013

LA POÉSIE DANS LE BOUDOIR : Juan Gelman, L'opération d'amour

"Chez cet homme dont on a décimé la famille, qui a vu mourir ou disparaître ses amis les plus chers, nul n'a pu tuer la volonté de dépasser cette somme d'horreurs en un choc en retour affirmatif et créateur de vie nouvelle. Peut-être le plus admirable de sa poésie est-il cette presque inconcevable tendresse là où serait beaucoup plus justifié le paroxysme du refus et de la dénonciation..."

C'est ainsi que Julio Cortázar préface le recueil de poésie de Juan Gelman, né à Buenos Aires en 1930, reconnu comme l'un des plus grands poètes argentins de notre époque. Fils d'immigrés juifs ukrainiens. La dictature argentine lui enlève ses deux enfants, pendant qu'il s'est exilé, ils font partie des "disparus", ceux dont parle Elsa Osorio dans Luz ou le temps sauvage, Il n'a jamais revu sa belle-fille, alors enceinte, ni son fils. L'enfant du couple, une fillette, adoptée par un couple d'Urugayens, sera retrouvée, et reconnue par test ADN, en 2000.

L'oeuvre de Juan Gelman a été consacrée par de nombreux prix : en 1980, prix international de poésie. En 1986, prix Boris Vian. Prix Pablo Neruda, en 2005. Prix antilope du Tibet (Chine Association des poètes), en 2009.... parmi une trentaine de distinctions.

Juan Gelman l'opération d'amour

 

Alors, voilà Juan Gelman, dans deux extraits de' son recueil "L'opération d'amour", éditée chez Gallimard, en 2006, traduite par Jacques Ancet.

commentaire XIX

racontant notre obscurité on voit
clairement la vie / l'odeur de terre humide
qui monte de ta main / là où
je sème mon coeur sans attendre

d'arbre ou de récompense / mais
la fête de la rencontre ou l'enfance
qui va du sang au sang / ou la lumière
qui devrait monter de

chanteurs ambulants abîmés
dans ton prodige ou main posée
comme chaleur sur la terre / ou soleil
qui monte dans la ville

sur des animaux battus /
des souffrances / des peines /
qui tremblent silencieux
contre le reste du monde

***************************

commentaire XX

on a pris un homme et on a dit
qu'il soit chassé de toi mais sans mourir / on a
levé le coeur de cet homme on l'a jeté
comme le monde ou la douleur

et il a brûlé un moment
s'est éteint n'a pas ressuscité comme un petit chien /
il n'a pas remué la queue après 
son combat contre la nuit / ni n'a levé le visage /

ni dit adieu / ni été vert /
ni rien écrit dans l'air /
ni n'a éclaté comme un arbre /
ni n'a été changé en ambre / non /

ni n'a fait un peu d'ombre / n'a eu sur lui d'herbe /
ni un os à jouer de la flûte / et
la seule musique qu'il a faite
c'est sa tristesse crépitante /

tristesse grande comme un animal /
comme ton absence / comme un ciel
où les oiseaux passaient
tremblants sous le soleil

 L'Argentine sera le pays invité au Salon du livre 2014 (clic)

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