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Littér'auteurs

9 novembre 2014

HOMMAGE : La chanson de Craonne - Anonyme

 

La chanson de Craonne

 

Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.


Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

 

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leur bien ; car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là


Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !

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8 novembre 2014

UN VOYAGE INATTENDU : FOLIE CHROMATIQUE

Cette semaine, j'ai réuni deux défis d'écriture en un seul texte.

- Les Plumes d'Asphodèle (c'est par ici)
- Les Impromptus Littéraires (c'est par là)

Deux consignes, donc.

- 24 mots collectés par Asphodèle, lundi, sur le thème de "la folie", à insérer dans un texte. (on avait le droit d'un laisser un : pour moi, ce fut bergère)
grain, conséquence, ordinaire, manquer, zinzin, camisole, extravagance, quotidien, douce, furieux, maîtrise, artiste, abandon, univers, psychose, conte, rêveur, bleu, aliéniste, bergère, escapade, onduler, outrageux, obsédant.

- "Dans un musée, une exposition, voire même en regardant une reproduction dans un magazine, vous êtes fasciné par un tableau, une photo, une affiche ... Vous ne pouvez plus en détacher votre regard. C'est alors que tout bascule brusquement : vous êtes projeté à l'intérieur même de l’œuvre"

Voici donc le résultat de mes élucubrations plumitives.

********************

CHAGALL

Elle connaissait l’extravagance parfois outrageuse de Marc Chagall, l’univers déconstruit des objets et de l’espace dans son œuvre, sa maîtrise des couleurs. Elle croyait tout connaître de cet artiste que d’aucuns décrivaient comme un peu zinzin, empreint de la psychose propre aux juifs déracinés qui auraient trouvé dans l’art un moyen de s’exprimer. Ce dont elle était sûre, c’est qu’elle aimait le monde rêveur, fantastique et obsédant qui habite toutes ses toiles. Obsessionnel, serait, même, plus approprié.

Lorsque, au Grand Palais, en cet été 2013, elle entre, elle est prête au plus total abandon. Prête à se laisser guider par ses émotions et les conséquences qu’elles pourront avoir sur son quotidien. Quitter, ne serait-ce que quelques heures, l’ordinaire de sa vie et ne rien manquer de cette explosion de chromatisme onirique qu’elle se prépare à explorer.

Sa lente déambulation entre les créations du célèbre cubiste la conduit de toiles en toiles. Elle s’arrête soudain, fascinée par une huile. Ce sont les verts qui attirent son œil, leurs grains nuancés, quelques-uns tirant sur le bleu ; la mise en perspective d’un bosquet de bouleaux dans l’encadrement d’une fenêtre. Elle s’avance, comme si elle voulait pénétrer à l’intérieur de cette cuisine ; elle avance ; elle pénètre dans la cuisine.

Sans bruit, pour ne pas importuner le couple d’amoureux qui contemple le spectacle d’une nature libre, elle avance. La voici qui regarde par la croisée, elle aussi. Ils ne l’ont pas vue, tout occupés qu’ils sont à s’unir dans cette douce contemplation. Elle s’immisce dans leur communion de pensée devant le merveilleux qui cogne à la fenêtre. Une prairie, une haie fleurie, les arbres élancés… La fenêtre de l’intime. Elle retient son envie de prendre l’une des pommes, posée sur les assiettes retournées. Elle a envie. Mais se retient. Ne pas déranger, ne rien déranger. Le rideau soulevé, le châle accroché, le sucrier, le pichet, la tasse… témoins paisibles de la vie domestique. Ne pas perturber, ne rien perturber. Ces regards vers l’extérieur. Une escapade poétique. Un ici et maintenant.

-      Mais que diable faites-vous ici !

-      Chut, vous allez les importuner !

-      Madame, ils ne peuvent plus être incommodés. Ils auront bientôt un siècle ! Sortez de cette pièce, immédiatement !

-      De cette pièce ? Mais de laquelle ?

-      Ne voyez-vous pas que vous êtes entrée dans la cuisine de Marc et Bella ? J’espère que vous n’avez pas croqué « LA » pomme, en plus !

-      « LA » pomme ? Mais…

-      Oui ! « LA » pomme ! ne me racontez pas des contes, comme l’autre folle furieuse, l’autre jour ! J’ai dû appeler des aliénistes pour qu’ils lui passent la camisole ! Elle voulait prendre la place de la petite aiguille, parce qu’elle se disait lointaine descendante de Guillaume.

-      Guillaume ?

-      Oui Madame. Guillaume. Blaise aussi, et Herwarth, et Ricciotto ….

CHAGALL - hommage à Apollinaire

Elle écarquille les yeux, n’en croit pas ses oreilles. À pas furtifs, elle quitte la cuisine. Dans le couloir, son regard s’abouche presque violemment avec une nouvelle toile : elle comprend mieux cette histoire de pomme, de « LA » pomme. Le temps s’enfuit avec le tic-tac d’une horloge humaine. « LA » pomme est là, symbole du péché premier. Ceignant le couple originel, ondule la forme spiralée du serpent tentateur. Aux pieds de l’être double qui tient le fruit de toutes les convoitises, un cœur percé d’une flèche. Quatre noms l’auréolent. Une touchante déclaration d’amour aux quatre personnages qui ont toujours soutenu l’incomparable créateur : Apollinaire, Cendrars, Walden, Canudo

Elle devient Ève. La clepsydre de son destin commence à s’écouler.

 

Première oeuvre : Fenêtre à la campagne - Marc Chagall - 1915
Deuxième oeuvre : Hommage à Apollinaire - Marc Chagall - 1911/1912

Littér'auteurs/2014/11/08

 

ASPHODELE

3 novembre 2014

ENCYCLOPÉDIE DE L'ÉCHEC SENTIMENTAL - Khun San

Khun San - Encyclopédie de l'échec sentimental

ENCYCLOPÉDIE DE L’ÉCHEC SENTIMENTAL – KHUN SAN

Editeur : Asphodèle (28 décembre 2010)

Collection : NOUVELLES

90 pages

 

 

 

 

Ici, l’Apocalypse est simple, le Brouillard intime, le Ciel clandestin, la Déclaration amnésique, la Folie lucide, l’Histoire vraie, le Sens unique, …, le Zoo humain.

Ici, c’est l’ABéCéDaire du genre humain qui se décline au fil des pages de ce recueil de nouvelles. Vingt-six histoires courtes qui ne relatent pas des histoires d’amour, au sens où le titre pourrait le laisser croire.

L’échec sentimental, c’est la solitude de l’être. Un mot qui n’apparaît dans aucun des titres de ces nouvelles. Qui pourtant est omniprésent dans la vie des vingt-six personnages qui les habitent.

Ici, on mange, on boit, on coupe, on hache. Des macarons, du Musigny, des tomates, du basilic, du lait de chamelle, du thé, des testicules. On baise, on couche, on fornique. On croit s’aimer et on est sûr de se désaimer. Mais la chair est morte, comme celle que fantasme une jeune femme en regardant les mains de son compagnon qu’elle imagine boucher, « plongées dans des masses de chair »

Ici, la sexualité est ubiquiste, à fleur de peau, mais jamais extatique. « Je verse [le vin] sur mon ventre, forcément il le lèche, enfonce sa langue et ça continue comme tous les soirs. Ce n’est pas si mal au fond, c’est juste qu’avec le chinois je jouis » (Brouillard intime).

Ici, les mots sont rares, presque insolites. « …, dit l’homme tranquillement et sans accent ». (Folie lucide).

Une nouvelle que j’aime beaucoup, c’est Lunettes noires. Elle résume l’ensemble du recueil : « Entre la vie et moi il y a un nom ». Ce nom qui s’interpose entre la vie et le personnage, qui fait tout comme lui et « met des lunettes noires ». Ce nom qui rend impossible le rapport à autrui, qui définit le moi comme la seule réalité. L’autre existe-t-il ?

À la fin de la lecture de ces vingt-six nouvelles, on est [presque] convaincu que – NON – il n’y a pas « d’autre » que soi-même. Avec un peu de recul et de discernement, je me suis dit que, malgré tout, l’autre, c’est quand même bien qu’il existe et que je le reconnaisse. C’est convier la philosophie cartésienne, qui, dans l’épreuve du doute, met en question l’existence de toute chose dans la mesure où ceci pourrait n’être qu’illusion. Et pour m’obstiner à étaler ma culture, je ferai appel à Jean-Paul Sartre dont tout le monde connaît la célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres », qu’il a expliqué ainsi : « Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous, même pour la propre connaissance de nous-mêmes. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres nous ont fournis. Quoi que je dise sur moi, quoi que je sente de moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Je veux dire que si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui et alors en effet je suis en enfer. Il existe quantité de gens qui sont en enfer parce qu’ils dépendent du jugement d’autrui »..

Un superbe recueil, dans lequel je me replonge très souvent. Une belle révélation que cette auteure. Lauréate des 2èmes Gouttes d'Or de la nouvelle (2008), organisée par l'association Du souffle sous la plume, Khun San reste pour moi une mystérieuse nouvelliste que j’ai eu plaisir à rencontrer et découvrir.

Une participation au MOIS DE LA NOUVELLE, chez Flo (ici)

2 novembre 2014

LES DÉSORDRES - Jean Sénac

JEAN SENAC LES DESORDRES

QUARTIER BLANC

   à R.P.

Si tu viens un jour
je ferme les yeux
je laisse les yeux
je laisse le bleu
mordre

Mais tous les printemps
ne sont pas présents
dans une seule
vie

Toi tu prends le marbre
l’or les églantiers
moi je garde dans mes plaies
le sable

Un jour si tu rentres
dans le jardin clos
tu verras mes os
fleurir

Le lilas griffer
la rose blanchir
et les orties tordre
l’été.

  Oran, février 1953

**********

signature jean sénac

Jean Sénac, fils bâtard d’une modiste espagnole et d’un coiffeur français, est né en 1926 à Béni-Saf, port minier algérien. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il se lie à de nombreux écrivains. C’est à Albert Camus qu’il doit sa première publication, Poèmes, dans la collection «Espoir» chez Gallimard, avec une préface de René Char. Entre 1954 et 1962, Jean Sénac s’installe en France, mais participe à la lutte du peuple algérien. Quand il retourne en Algérie, il prend des fonctions officielles dans l’Union des écrivains. Son homosexualité affichée, sa critique d’une nouvelle nomenklatura ne plaisent pas. Dans la nuit du 29 au 30 août 1973, il est poignardé dans le taudis où il vivait.

 

31 octobre 2014

RUE DES BOUTIQUES OBSCURES – PATRICK MODIANO

RUE DES BOUTIQUES OBSCURES - MODIANO

P. Modiano, Rue des Boutiques Obscures, Éditions Gallimard, Paris, 1978, 250 p.

 

 

 

Patrick Modiano a dit : « Le Goncourt, c’est un peu comme l’élection de Miss France. Sans avenir ».

Si le Prix est sans avenir, c’est dans le passé que se trame le scénario du roman qui lui permit de l’obtenir en 1978.

Je ne vais pas résumer le roman, maintes et maintes fois commenté sur les blogs littéraires. La présentation de l’éditeur est d’ailleurs parfaite : « Que reste-t-il de la vie d'un homme ? Une photo, au fond d'une boîte ou d'un tiroir, des papiers administratifs, quelquefois une fiche de police ou un nom dans un Bottin. Et aussi les souvenirs de ceux qui l'ont connu ou rencontré. Ils seront de moins en moins nombreux et leurs souvenirs de plus en plus vagues. Ainsi l'écho d'une vie décroît-il jusqu'à s'éteindre tout à fait. A supposer que quelqu'un puisse revenir sur terre après sa mort, que retrouverait-il de lui dans les lieux qui lui étaient familiers et dans la mémoire des autres ? Et qui pousse un certain Guy Roland, employé dans une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d'un inconnu disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie ? Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toute façon, il finit par s'identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro McEvoy, les seuls qui pourraient le reconnaître : Denise Coudreuse, Freddie Howard de Luz, Gay Orlow, Dédé Wildmer, Scouffi, Rubirosa, Sonachitzé, d'autres encore, aux noms et aux passeports compliqués, qui font que ce livre pourrait être l'intrusion des âmes errantes dans le roman policier ».

J’ai plutôt envie d’évoquer ma frustration et mon désappointement à la lecture de ce qu’une certaine majorité proclame comme chef-d’œuvre. « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir », écrit René Char (citation d’ailleurs reprise en épigraphe au roman Livret de famille). L’écrivain se lance en effet ici dans la ressouvenance égarée d’un puzzle identitaire qu’il ne parviendra pas à achever à l’issue d’un roman à l’atmosphère trouble, complexe, que j’ai aussi trouvée confuse. Une interview qu’il avait accordée en 1990 confirme ce sentiment : « Ma recherche perpétuelle de quelque chose de perdu, la quête d'un passé brouillé qu'on ne peut élucider, l'enfance brusquement cassée, tout participe d'une même névrose qui est devenu mon état d'esprit ». Un aveu – si l’on peut dire –, qui conforte l’embarras que j’ai éprouvé de pages en pages ; une névrose que l’on peut que percevoir en filigrane de cette quête inachevée. J’ai lu qu’il n’est pas rare qu’une œuvre littéraire « renverse le rapport entre la question et la réponse et confronte le lecteur, dans la sphère de l'art, avec une nouvelle réalité "opaque", qui ne peut plus être comprise en fonction d'un horizon d'attente donné ». J’adhère à cette communication après avoir lu Rue des boutiques obscures : à aucun moment je n’ai trouvé réponse aux questions posées par ce roman. Au fur et à mesure que j’avançais avec le narrateur dans l’élucidation de sa recherche, peu à peu je m’éloignais avec lui des convictions qu’il acquerrait. C’est là que je n’ai pas trouvé « mon compte » de lectrice : pas d’indice imaginaire qui aurait pu me propulser dans un après fantasmé.

« Ce livre pourrait être l’intrusion des âmes errantes dans le roman policier », souligne l’éditeur. C’est vrai. Modiano construit son texte comme un polar. J’attendais, comme le narrateur, le moment de vérité qui donnerait sens à la quête. Mais il n’est jamais venu. Je me suis toujours demandé si mes suppositions étaient justes. Même si « ce qui est important dans une œuvre, c’est ce qu’elle ne dit pas » (P. Macherey), je n’ai pas pu – pas su – trouver de clé pour résoudre la pseudo-énigme posée par le monologue tourmenté du personnage principal en proie aux spectres de son passé.

Habituellement peu dérangée par les allers-retours – parfois imprévisibles – entre passé et présent dans d’autres œuvres d’autres auteurs, j’ai été déconcertée par la façon dont Patrick Modiano traite son récit : une impression désagréable de me trouver dans un labyrinthe avec des indications floues, parfois contradictoires. Pas d’unité. Pistes brouillées…

Je me suis laissé dire que toute l’œuvre de Modiano (et dieu sait qu’elle est prolifique) est ainsi construite. Alors, je ne crois pas que j’irai plus loin dans la rencontre avec cet auteur qui, j’en conviens, écrit bien. Certes, c’est banal, convenu et peu original de conclure ainsi la chronique d'un roman (qui a obtenu le Goncourt) d’un romancier qui vient de recevoir le Prix Nobel de Littérature. Certes…

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25 octobre 2014

COMPLICITÉ pour les Plumes d'Asphodèle

Avec Asphodèle (ici), on écrit. 

Les mots, cette fois étaient : Regard, secret, main, larrons, tiroir, drap, couverture, partager, (se) tramer, connivence, confident, bêtise, proche, rival, neige, empathie, ensemble , amants (au pluriel), nacrer, nomade, noir.

Je n'ai pas utilisé "nacrer"

**********

Le regard
d’une cougar,
c’est un secret
sans intérêt.

Elle te prend la main,
mais c’est sans lendemain.
Ne fais pas le fanfaron,
de l’occasion tu n’es que le larron.

Pas de polichinelle dans le tiroir,
aucun risque de bavoir.
Même si beaux sont les draps
Elle est quand même au moins quadra !

À soi, elle tire la couverture.
Ce n’est pas une caricature !
Ce que tu aimerais partager
pourrait la faire déménager.

Quand tu crois que se trame
un terrible psychodrame,
oublie la connivence
qui n’est que de convenance.

Tu te penses son confident ?
Mais tu es outrecuidant !
Cesse là tes bêtises,
elle rit tant de ces sottises !

De toi tu la supposes proche.
Elle te semble sans reproche.
Tu t’imagines sans rival
Alors même qu’elle cavale.

Elle n’est pas blanche comme neige,
cette chafouine Blanche-Neige.
Elle ne te manifeste empathie
qui n’est guère que patati.

Quand vous êtes ensemble
qu’avec elle tu comptes marcher l’amble
comme deux amants
embéguinés imprudemment,


son amour est nomade
quand ton cœur bat la chamade.
Allez, ne broie pas du noir.
Ne cherche pas de mouchoir !

Littér'auteurs-24/10/2014

D'autres aussi se sont penchés sur ces mots (avec peut-être plus de bienveillance (clic sur leurs noms) : 
AdrienneValentyneNunziCélestineJanickMélanie,Mind The GapViolette Dame MauvePatchCathMarie et Anne (les Sorcières), La KatiolaiseJacou33Carnets ParesseuxIsabel, Fred Mili alias JC alias Chooupi ! CériatMartine27,Marlaguette,  Modrone-EeguabSharon,  EvalireMomo et bien sûr Asphodèle

22 octobre 2014

LA PEAU DE L'OURS - pour les Impromptus Littéraires

Je suis très attirée par les formes d'écriture que les OuLiPiens ont créées. À priori, elles semblent faciles à écrire, plus qu'à lire. En réalité, elles sont autant difficiles à lire qu'à écrire. 

Pour cet exercice de style, je me suis imposée la contrainte du "PERVERBE", ce procédé d'écriture qui associe deux (ou plusieurs) morceaux de proverbes ou locutions et permet de créer de nouvelles. Une certaine forme de détournement qui m'a réjouie !

L'idée était de composer sur le proverbe : "Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué". J'ai invité des cordonniers, des imbéciles, des chats, des chèvres, des loups, des grives et des merles à vendre leur peau avant d'avoir tué l'ours.

 

PERVERBES

 

Il ne faut pas vendre la peau des ours les plus mal chaussés
avant d’avoir tué les cordonniers.

Variante :

Il ne faut pas vendre la peau des cordonniers
avant d’avoir tué l’ours qui est le plus mal chaussé.

*****

Il ne faut pas vendre la peau des imbéciles
avant d’avoir tué l’ours qui ne change pas d’avis.

*****

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours, quand on vous tient le menton.
Avant de l’avoir tué, il est facile de nager.

*****

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours, si le chat garde les chèvres ;
qui attrapera les souris, avant de l’avoir tué ?

Variante :

Il ne faut pas vendre la peau du chat qui garde les chèvres
avant d’avoir tué l’ours qui attrape les souris.

*****

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours, quand on parle du loup :
avant de l’avoir tué, on en voit la queue

*****

Les chiens aboient : « il ne faut pas vendre la peau de l’ours ! »
La caravane passe avant de les avoir tués.

*****

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours, faute de grives.
On mange des merles avant de les avoir tués.

 

18 octobre 2014

HISTOIRE D’UN ESCARGOT QUI DÉCOUVRIT L’IMPORTANCE DE LA LENTEUR - Luis Sepúlveda

HISTOIRE D’UN ESCARGOT QUI DÉCOUVRIT L’IMPORTANCE DE LA LENTEUR – SEPULVEDA

Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur

Luis Sepúlveda

Éditions Métailié (16 octobre 2014)

Coll : BB HISPANO

92 pages

 

 Luis Sepúlveda a repris sa plume. Et quand l’écrivain-conteur-fabuliste la dédie aux enfants, cette plume, je craque ! Je craque parce que les limites entre fable, écologie, philosophie et engagement sont si ténues que je m’installe immédiatement dans la posture de l’adulte qui aurait peut-être eu un jour une âme d’enfant.

Luis Sepúlveda conte ici sa troisième « histoire » Celle d’un escargot. À priori, la vie d’un gastéropode commun (Cepaea nemoralis, pour celui qui nous intéresse) n’a rien de particulièrement exceptionnel. Et pourtant. Pourquoi est-il toujours désigné sous le terme vernaculaire d’escargot ? Pourquoi ne parcourt-il guère plus de trois mètres soixante en une heure ?

Il était une fois un escargot des plus génériques qui soit qui vivait au sein de la tribu de ses congénères, à l’ombre confortable d’un pied d’acanthe, au Pays de la Dent-de-Lion. Tout ce qu’il y a de plus normal… enfin pas vraiment. Un escargot qui se pose des questions, c’est quand même moins courant. D’autant moins qu’il se pose exactement les mêmes questions que celles je me posais précédemment. Et comme tout le monde rit de lui et de ses questions stupides, il décide de partir chercher les réponses ailleurs. Ailleurs, c’est-à-dire, dans le vaste monde… avec lenteur. Et ceux qu’il va rencontrer vont, avec cette sagesse qui caractérise les êtres vivants qui prennent le temps de vivre, lui fournir des explications et lui offrir un nom. Un nom bien à lui ; qui lui convient à merveille. Et ce qu’il va découvrir, dans un monde hostile et [in]humain, va tellement l’effrayer qu’il n’aura de cesse de sauver son peuple.

Il était une fois un escargot qui prit un nom et qui comprit l’importance de sa lenteur. De « la » lenteur.

Il était une fois un écrivain qui glisse adroitement ses convictions dans une belle allégorie : la rébellion, la résilience, la sédition, la coopération, l’esprit de corps… Un écrivain qui, subtilement, dénonce l’immobilisme, le traditionalisme, l’entêtement…

Il était une fois une nouvelle œuvre, courte et dense, traduite par son éditrice, illustrée avec maîtrise et éloquence par Joëlle Jolivet. Il était une fois un génial et généreux littérateur, nommé Luis Sepúlveda. 

14 octobre 2014

BALAI & POUSSIÈRE pour les Impromptus Littéraires

 "Parmi les nombreuses odeurs qui nous ont piégé(e)s la semaine passée, il en est une qui nous force instinctivement à agiter notre balai... c'est celle de la poussière". C'est le thème de la semaine chez les Impromptus littéraies (D'autres textes ici)

 

 

Elle fouine. Elle farfouille. Elle furète. Elle trifouille. Elle fourrage…

Elle maugrée. Elle bougonne. Elle grognonne. Elle marronne. Elle ronchonne…

Elle prospecte. Elle cherche. Elle scrute. Elle s’informe. Elle sonde. Elle enquête…

Où diable est-il passé ?

Elle remue. Elle déplace. Elle brasse. Elle soulève. Elle secoue…

Elle tousse. Elle s’ébroue. Elle graillonne. Elle éternue…

Où diable est-il caché ?

Il se camoufle. Il se dérobe. Il se dissimule. Il se tapit…

Où diable s’est-il planqué ?

Sous la carpette, sous la moquette, sous le lit…

Où diable s’est-il mussé ?

Derrière la grange, derrière la porte, derrière le fenil, derrière l’étable…

Où diable s’est-il niché ?

Dans le placard, dans la penderie, dans le cagibi…

Où diable s’est-il embusqué ?

Au fond de la tasse, au fond du puit, au fond du seau, au fond du trou…

Où diable s’est-il cloîtré ?

Parmi les capucins, parmi les cisterciens, parmi les augustins…

Dites !

Si vous voyez

Son balai

Rendez-lui !

Elle est allergique

À la poussière !

Littér'auteurs - 2014/10/14

9 octobre 2014

LE DERNIER GARDIEN D’ELLIS ISLAND - Gaëlle Josse

2014

Le dernier gardien d'Ellis Island


Gaëlle Josse

Editeur : NOIR SUR BLANC (4 septembre 2014)
Collection : NOTABILIA
176 pages

« L'intensité de ce que l'on vit se mesure-t-elle à sa durée ? »

Il est là, cet homme, à l’issue de quarante-cinq ans de service. Il ne peut renoncer complètement à ce qui a été sa vie pendant de longues années, il ne peut se résoudre à quitter cette île qu’il habite et dont il a géré l’ordinaire pendant de longues années. À 800 mètres d’Ellis Island, la statue de la Liberté. De cette liberté dont ont rêvé, entre le 1er janvier 1892 et le 12 novembre 1954, quelques douze millions de candidats à une incorporation au sein de la société américaine. Alors, avant que la dernière navette ne vienne le chercher, John Mitchell entreprend de rédiger son journal ; mémoires de l’homme, mémoire des hommes, mémoires de l’ile, mémoires de l’Histoire. Parce qu’il lui reste quelques jours à en être encore le gardien. Le dernier. Le survivant.

Surprenant et dramatique roman.

Inséré entre l’histoire et la fiction. Pétri d’émotions. Émotions. Au pluriel. Des émotions qui déferlent dans et entre chaque ligne. Parmi les mots. Au cœur des mots. Dans leur profondeur, dans leur acuité, dans leur secret. Dans l’insaisissable des bouleversements et des traumatismes de l’humanité. Dans l’incompréhension, l’indifférence. Dans, comme une soudaine déferlante, un rouleau qui broie, qui déchire, qui mouline, qui pulvérise. Qui réduit les hommes à un simple matricule, à leur histoire contrefaite, déformée.

Surprenante et subtile écriture.

Qui m’a parfois crispée. Parce qu’au fil des pages, il me semblait me heurter aux remparts d’un texte distancié, retenu. C’est Gaëlle Josse, elle-même, qui m’a donné la clé des raisons de mon malaise. « […] l’ensemble est écrit sans repentirs, sans ratures, comme si le scripteur avait en tête le déroulement précis de son récit et n’avait eu qu’à le coucher sur la page ». À la fin du roman. Quand le dénouement est connu du lecteur.

Surprenante et dérangeante remembrance.

Qui commence, à rebours, le 3 novembre 1954, neuf jours avant la fermeture officielle du centre d’immigration. Sous forme d’un journal. « Ce que j'aime, c'est accompagner un personnage dans son labyrinthe intérieur jusqu'au moment de vérité avec lui-même, le découvrir en même temps que lui et non décider de le révéler à un moment donné », déclare la romancière dans une interview.
Qui s’achève le 11 novembre 1954. Durant ces huit jours d’écriture, John Mitchell plonge dans les entrelacs de sa mémoire. Évoque les hommes et femmes « qui ont un jour accepté l’idée, pour fuir la misère ou la persécution, de tout perdre pour peut-être tout regagner, au prix d’une des plus terribles mutilations qui soient : la perte de sa terre, des siens, la négation de sa langue et parfois celle de son propre nom, l’oubli de ses rites et de ses chansons. Car seule cette mutilation consentie pouvait leur ouvrir la Porte d’or » et celles et ceux pour lesquels « la Porte d’or demeurera à jamais une herse d’acier ». Évoque les drames de l’exil, de l’incompréhension, de la misère, de la souffrance et du désespoir, des rêves engloutis dans « un non-lieu [où] s’agitent les gardiens du temple », où « le temps n’existe plus », où « l’attente en est la seule mesure ».

Surprenantes et tragiques romances

Liz, l’épouse aimée. Nella, la femme abusée. John Mitchell invoque l’empreinte indélébile qu’elles ont laissée dans son âme. Dans l’intime de son souffle. Dans l’essence de sa conscience. Deux femmes qui se sont s’engouffrées dans le tréfonds de lui-même et s’y sont abîmées. Quand Liz décède, il dira : « À sa mort, toute ma géographie personnelle, toute mon appréhension des lieux s’est trouvée redessinée. » Et de Nella : « Cette jeune italienne brune et affligée avait atteint en moi des régions inconnues, de ces lieux dont l'existence reste insoupçonnable et dont la brusque découverte nous tend un miroir où se reflète l'inconnu.

Il est là, cet homme, à l’issue de quarante-cinq ans de service « aujourd'hui le capitaine d'un vaisseau fantôme, livré à ses propres ombres ».

Magistrale et remarquable littérature.

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