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Littér'auteurs
30 novembre 2013

LA LETTRE À HELGA ; Bergsveinn Birgisson ; Ed Zulma

LA LETTRE A HELGA

Bjarni, mon cher, tendre aimé,

Je lis ta lettre et renaît la souvenance de toutes ces années qu'ensemble nous avons vécues, si près, si proches, et si loin aussi.

Me revient le poème de Stefán Hördur Grímsson...

C'était par un clair matin
il y a de cela bien longtemps.

Ils suivaient tous deux le chemin
face au soleil levant
et la main dans la main.

Face au soleil levant
chacun songeant à sa propre route.

Ils suivent maintenant chacun sa voie
en se tenant par la main.

Se tenant par la main
Par ce clair matin.

 

Bergsveinn Birgisson, notre historiographe, en a fait au demeurant l'épigraphe de son roman. "Main dans la main". "Face au soleil levant". "Chacun songeant à sa propre voie". 
Oui, ce sont bien nos mémoires qui sont là, couchées dans ce magnifique texte.

Tu es dans ton avant-nuit, mon amant, aussi éphémère qu'éblouissant. Et cette lettre que tu as rédigée arrive dans ma propre nuit. Nous ne sommes plus que les fantômes de notre amour aussi fulgurant que temporaire.

L'Islande, notre terre. Celle à laquelle nous sommes attachés, qui nous a rapprochés, qui nous a liés. L'Islande et nos respectifs élevages de brebis. Ces brebis qu'ensemble nous avons palpées, massées. Comme tu as pétri mon corps, avidement. Comme tu as vécu ta vie de fermier. Intensément. Qu'ajouter, mon aimé, à ce que tu écris ? Alors que je t'ai cru lâche et veule, "un vieux tronc de bois flotté qui se dérobe au grand amour", tu te révèles un homme fier, indomptable. Puis-je dire ainsi ? Ta maîtresse, c'était l'Islande, la rude et sauvage Islande. L'intouchable, celle qui règne sur le coeur et le corps des hommes. Moi, tu as pu me toucher. Su me toucher. Mais c'est à l'Islande que tu es resté fidèle, au delà de nos émois, de nos ébranlements. Ton Islande, celle qui t'a mené la vie dure, celle à laquelle tu donnais toute ton énergie, ta force d'âme.

Et nous nous sommes aimés, follement, insensément... "chacun songeant à sa propre route". 
Et nous suivons maintenant "chacun sa voie" en nous tenant, par delà la vie, par la main.

Helga

 

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