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Littér'auteurs
11 février 2013

LIZKA ET SES HOMMES, Alexandre Ikonnikov

Ikonnikov

1940. Union Soviétique. Une bourgade : Lopoukhov. Vladimir Ogourtsov voit le jour. Il a trente ans lorsqu'y naît sa fille Elizaveta.

Lizka, c'est justement cette Elizaveta, qui, à 17 ans, décide de quitter son village de naissance pour se rendre dans la ville de G. Elle a connu son premier ébat amoureux avec Pacha : "Tout se produisit avec une telle rapidité qu'en dehors de la douleur et de la sensation d'avoir reçu une souillure à l'intérieur de son corps, elle n'éprouva rien". Elle s'inscrit dans une école d'infirmières, et loge dans une chambre d'un foyer de travailleurs, en collocation avec trois autres jeunes filles.

Dès lors, le lecteur médusé va suivre le nomadisme sentimental de Lizka (surnom péjoratif de son prénom), mais aussi, au gré de ses aventures amoureuses, la construction de la personnalité de la jeune demoiselle. C'est aussi une rencontre avec la Russie des années 90 que nous propose Ikonnikov,, celle de Mikhaïl Gorbatchev et de la perestroïka, de la fin du rôle directeur du Parti communiste, mais aussi du putsch contre Gorbatchev et de l'arrivée au pouvoir de Boris Eltsine. Période mouvementée, comme la Russie en a connues et en connaît encore. "Une fois de plus le pays sombra dans la folie. On respecta une coutume qui plongeait ses racines au fond des âges : c'est à dire qu'on se mit à casser l'ancien sans avoir la moindre idée de ce à quoi allait ressembler le nouveau".

La carte du Tendre de Lizka est faite de dix étapes... dix profils d'une société russe plutôt gangrenée, sur laquelle l'auteur porte un regard sans concession. Chacun des dix hommes de la vie de Lizka est une des facettes de cette communauté déliquescente et dépravée. Ils se suivent, mais ne se ressemblent pas : si l'un est un escroc, l'autre est secrétaire du Comité de Komsomol (Parti Communiste) ; un autre encore est Tatar (Lizka va l'épouser)... Dix hommes qui vont petit à petit éroder la naïveté de Lizka et la faire devenir une jeune femme forte et autonome : "Comment pouvait-on vivre au nom d’objectifs aussi misérables, alors qu’il y avait un ciel, de l’eau, et, là-dessus des étoiles ! Et comment avait-elle pu rester si longtemps sans comprendre cela ! Lizka tout à coup avait envie de se mettre à crier, de tenir des discours à tous et à toutes. Qu’ils cessent de satisfaire leur propre chair, et que, comme elle en ce moment, ils considèrent la vie avec ravissement, avec enthousiasme !".

Tout le talent d'Ikonnikov, c'est de dépeindre cette misère sociale, humaine, politique avec humour et dérision. Lizka et ses amies du foyer de travailleurs, sont pleines de vie, d'entrain et de projets, malgré leur dénuement. Les hommes de Lizka ne sont pas complètement dépourvus d'atouts, malgré l'alcool, la carambouille, les intrigues, la corruption. Certes, les propos de l'auteur sont crus, impitoyables, et sans doute réalistes. Mais pas de misérabilisme, de commisération. Pas de discours lénifiant, mais la tonicité communicative de Lizka, de l'énergie à revendre, des idées neuves, une capacité à rebondir qui donne à penser qu'en Russie, il y a de la matière positive, réactive et, comme l'héroïne, prête à en découdre pour sauver sa peau et son bonheur.

Alexandre Ikonnikov signe là son deuxième texte, après "Dernières nouvelles du bourbier", un recueil d'une quarantaine de nouvelles satiriques, cocasses, mais caustiques et percutantes sur la société russe post-communiste. Une chronique éclairée de cet opus ici, chez Marilyne et son site Lire & Merveilles.

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Commentaires
J
J'ai vraiment beaucoup de mal avec la littérature russe. Malgré tout le bien que tu en dis je crois que je vais faire l'impasse.
M
Bien, je sais ce qu'il me reste à lire o)
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