QUE TAL, Daniel Arsand
Sortie littéraire de janvier, chez Phébus
Illustration de couverture : Sam Francis, Composition (1963-1964)
Hommage au Chat.
Après Charles Perrault, dans les "Contes de la mère l'Oye", après Chateaubriand et le chat Micetto que lui a confié le pape Léon XII avant de mourir, après Théophile Gautier, dans la "Ménagerie intime", après Émile Zola dans le "Paradis des chats", après Guy de Maupassant dans "Sur les chats", après Colette dans "Matou" et "Douze dialogues de bêtes", après Marcel Aymé dans les "Contes du chat perché", après Boris Vian dans "Blues pour un chat noir", après Michel Tournier dans "Célébrations", après Luis Sepúlveda dans "L'histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler", après de nombreux auteurs étrangers (Edgar Allan Poe, Charles Dickens, Rudyard Kipling, Tennessee Williams, Patricia Highsmith...) après les poètes, Charles Beaudelaire, Charles Cros, Paul Éluard, Jacques Prévert, Maurice Carême, Jose Luis Borges, Pablo Neruda, après bien d'autres encore...
Daniel Arsand, libraire, éditeur, romancer, lauréat du prix Femina du premier roman en 1998, entonne aujourd'hui son ode au chat.
"Vous n'aimez pas les histoires d'amour ? Taisez-vous et tentez de comprendre. [...] Moi je parle d'un amour et de l'amour qui nourrit cet amour".
Ce chat, celui qui fait tant vibrer l'auteur-narrateur, c'est "Que Tal", "Comment ça va", en français. "C'est quelqu'un. Et je pèse mes mots. Je ne le remplacerai par aucun autre".
RemplacerAI... un futur, pas un conditionnel ! Un futur qui donne sens à l'ensemble du roman. Que Tal ne sera jamais remplacé.Cet hymne est magistral de connaissance et de reconnaissance de cet "être d'habitudes [...] au pas de brume" qui "émerge d'entre des ombres, neigeux, royal, indifférent". Le chat est beau et les mots pour LE dire le sont aussi. Daniel Arsand ne les laisse pas parler au hasard : ils sont à la fois précis, concis et puissants. "Il renvoie au néant toute solitude"... Le lecteur le comprend vite : ce compagnon de l'homme possède, selon l'auteur (et je partage son avis) de formidables qualités qu'il conte, détaille, révèle sans anthropomorphisme aucun.
Mais ce n'est pas tout ! Le roman est découpé en quatre chapitres : si le premier et le dernier sont consacrés à Que Tal, le coeur est habité par le narrateur lui-même : "je suis las, dit-il... de me poser des questions, d'y répondre, du moins de le tenter, las d'échouer toujours, las d'être seul avec moi-même".Daniel Arsand examine, scrute sa vie décomposée, sa vie cabossée, emplie de morts qu'il ne sait pas chérir, de vivants qu'il ne sait pas aimer. "Je suis las d'être un fils, de l'avoir été, de l'être encore". C'est la part animale présente en lui qui le soutient, l'aide à vivre. C'est Que Tal, son double, son moi, son autre. "Part animale, sublime et inqualifiable, elle est invisible, et se meut en moi, sans m'appartenir; Solitude. Seul avec cette présence en moi, qui ne se livre pas...".
Belle et émouvante lecture, encrée de poésie, au rythme qui alterne l'esquisse et l'exposé, à la voix parfois haletante, parfois flegmatique, au timbre dissonant en même temps que fluide et harmonieux. Lecture curieuse, déconcertante, paradoxale, que j'ai aimée, qui m'a émue.