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Littér'auteurs
27 novembre 2012

MOI, SI J'ÉTAIS GRAND ; Éva Janikovszky & László Réber

 

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Le mot de l'éditeur "La joie de lire :

Politiquement incorrects et légèrement subversifs, les textes d’ Eva Janikovszky et les dessins de László Réber font mouche et ébranlent nos convictions d’adultes. Leurs livres incroyablement modernes font partie du patrimoine mondial de la littérature jeunesse ; des pépites à consommer sans modération.


L'édition originale de cet ouvrage a été pubiée, en Hongrie, en 1965. Les éditions "La joie de lire", de Genève, viennent, en avril 2012, de le rééditer pour la 2ème fois. Et moi, si j'étais grand(e), je penserais qu'ils ont bien eu raison de remettre cet album sous les feux de l'actualité de la littérature jeunesse. Moi, si j'étais grand(e), j'attendrais d'être vraiment grande pour lire et faie lire à mes (petits)enfants les conseils de ce bout de chou, qui en a des choses intéressantes à dire !

parce qu'être un garnement
est bien plus marrant
qu'être obéissant.

01

Ce petit bonhomme rondouillet, au pull rouge, au short un peu désuet en a des choses à dire !

être toujours sage
c'est terriblement ennuyeux,
et puis c'est très fatigant.

Le petit héros aux pommettes roses, aux cheveux en pétard, énumère toutes les injonctions des grands qui pourissent littéralement la vie des petits.

Il entraîne ensuite son lecteur dans une analyse très fine et pertinente des droits que s'arrogent les grands : 

Boire autant d'eau qu'ils veulent même quand ils sont en nage,
saluer d'une voix à peine audible...


Même que...


ils ne sont pas obligés
d'aller se coucher au moment
où il y a du suspens à la télé !

Un regard - vraiment - critique sur le monde adulte. Sur son emprise sur les petits, sur les valeurs qu'il transmet... Oui, l'éditeur a raison, on peut penser que c'est subversif ! Oui. Mais le p'tit loup se prend à rêver : "Moi, si j'étais grand"... je m'arrogerais plein de droits : se tenir à genoux sur la chaise, toujours ; faire pousser un palmier dans le verre à dents ; manger une tablette géante de chocolat avant le déjeuner ; prendre des cours d'attrape-mouches.... moi, si j'étais grand, je ferais tout ce qui est interdit aux petits.

Ça serait vraiment trop bien de tirer la langue aux interdits ! Mais, si j'étais [encore plus] grand, se demande le petit homme ! Eh bien, il se marierait, ben voyons ! Ils joueraient d'abord ensemble, avec "la fille qu'[il aurait] épousée", à être des petits, puis, devenus parents... ils seraient devenus grands !

Quel superbe album, autant dans l'esprit que dans la forme ! Il n'a pas pris une ride, et les illustrations ne sont pas si démodées que l'on pourrait le croire (elles ont un côté "art naïf" qui est tout à fait de mode).

 

02

Voici un ouvrage qui va rejoindre la PAL de mes petits bouts, pour les moments où ils sont en vacances à la maison. Un joli coup de coeur pour moi !

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25 novembre 2012

RENCONTRES POÉTIQUES : Paul Verlaine

L'amour est infatigable !
Il est ardent comme un diable, 
Comme un ange il est aimable.

L'amant est impitoyable,
Il est méchant comme un diable,
Comme un ange redoutable.

Il va rôdant comme un loup
Autour du coeur de beaucoup
Et s'élance tout à coup

Poussant un sombre hou-hou !
Soudain le voilà roucou-
Lant ramier gonflant son cou.

Puis que de métamorphoses !
Lèvres rouges, joues roses,
Moues gaies, ris moroses,

Et, pour finir, moulte chose
Blanche et noire, effet et cause ;
Le lys droit, la rose éclose...

Paul Verlaine, Chansons por elle et autres poèmes érotiques

amant

Jean Honoré Fragonard (1732 - 1806)
L'amant couronné

23 novembre 2012

CHANSONS POUR ELLE ; Paul Verlaine

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Quatrième de couverture :

Pour exorciser le souvenir de ses amours passionnées avec Rimbaud, Verlaine se lance à corps perdu dans l'ivresse poétique et physique. Du bordel aux amours lesbiennes, des fêtes sensuelles aux plaisirs vécus comme des vices, le poète alterne chansons gauloises et élans de désespoir, vers d'érotisme précis et rêveries amoureuses...


Ce recueil a été publié en 1891.

Ce n'est un secret pour personne, Paul Verlaine fut un homme aux amours tumultueuses avec Arthur Rimbaud, de 1872 à 1875, puis avec Lucien Létinois, de 1877 à 1883, bien qu'il ait appelé ce dernier "son fils adoptif".

Ce que l'on connaît moins, c'est la veine érotique que cultivait aussi le "poète maudit", pour reprendre le titre d'un de ses essais publié en 1884.

L'ouvrage comprend trois parties : Parallèlement, Chansons pour elle, Chair.

Parallèlement est le pendant sensuel et érotique de Sagesse, dont on connaît, depuis les bancs de l'école, le célèbre "Le ciel est par dessus le toit/si bleu, si calme/Un arbre par dessus le toit/berce sa palme..."

Est-ce à sa cousine Élisa, dont le décès l'avait plongé, en 1866, dans un immense désespoir amoureux, ou à son épouse Mathilde de Fleurville dont il se sépare en 1889, que s'adressent ces vers qui allient sensualité et mysticisme ?

En préface de Parallèlement, Paul Verlaine écrit : "L'auteur n'aura donc plus à faire de ces vers durs et cruellement païens tels qu'on en trouvera dans ce volume-ci qui est, pour parler comme les bibliothécaires, en quelque sorte l'enfer de son Oeuvre chrétien." Il y peint (entre autre) les émois homosexuels de deux jeunes filles :

"L'une avait quinze ans, l'autre en avait seize ;
Toutes deux dormaient dans la même chambre.
...
Chacune a quitté, pour se mettre à l'aise,
La fine chemise au frais parfum d'ambre.
La plus jeune étend les bras, et se cambre,
Et sa soeur, les mains sur ses seins, la baise,

Puis tombe à genoux, puis devient farouche
Et tumultueuse et folle, et sa bouche
Plonge sous l'or blond, dans les ombres grises

..."

Le lecteur y trouvera aussi un très licencieux hommage à Sappho : "Sappho, que la langueur de son désir irrite/Comme une louve court le long des grèves froides..."

Dans le recueil des Chansons pour elle, le poète entonne un véritable hymne à l'amour : 

Aimons gaîment
Et franchement

...

Aimons bien fort
Jusqu'à la mort.

...

Aimons drûment
Et verdement.

Comment ne pas citer un extrait de ce rêve érotique ?

J'ai rêvé de toi cette nuit :
Tu te pâmais en mille poses
Et roucoulais des tas de choses...

Et moi, comme on savoure un fruit
Je te baisais à bouche pleine
Un peu partout, mont, val ou plaine.

Chair termine ce recueil, plus bref. Odes à la femme, aux femmes : "Car tu vis en toutes les femmes/Et toutes les femmes c'est toi./Et tout l'amour qui soit, c'est moi/Brûlant pour toi de mille flammes".

Ces poèmes, pas égrillards du tout, même si on peut supposer qu'à l'époque où ils ont été écrits, ils devaient prendre un caractère bien sulfureux sont très agréables à lire. Les rythmes sont contemporains, Lestes et polissons, certes ! Mais pas obscènes ni malséants !

18 novembre 2012

RENCONTRES POÉTIQUES : Serge Pey

Dialogue avec Jalâl ud Dîm Rumi (I)

Un plus un égale un

car deux est la séparation

 

La plus haute addition

soustrait car elle unit

 

Le nombre ne calcule pas

son unité

Il se renverse jusqu'à ne plus

se compter

 

Serge Pey
Rituel des renversemens
Poèmes soufis pour Michel Raji
danseur chorésophe

 

rumi-medium

 

Jalâl ud Dîm Rumi (1207-1273)

mystique et poète dont les disciples étaient chrétiens, juifs aussi bien que musulmans.

17 novembre 2012

LITTÉR'À LIRE

 

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CLIC sur le titre pour lire la quatrième de couverture :

AUBRY, Gwenaëlle ; Partages

BANKS, Russell ; Histoire de réussir

CARVER, Raymond ; Neuf histoires et un poème  

COOK, Kenneth ; Le koala tueur

DECK, Julia ; Viviane Élisabeth Fauville

DE LUCA, Erri ; Le poids du papillon (une chronique pleine d'émotion chez Lire & Merveilles)

DE SA MOREIRA, Régis : La vie

DHUODA ; Manuel pour mon fils

FÉREY, Caryl ; Mapuche

GRANNEC, Yannick ; La déesse des peties victoires

KARINTHY, Frigyes ; Au tableau

KEEGAN, Claire ; Les trois lumières

LEWIS, Roy ; La véritable histoire du dernier roi socialiste

LIND, Asa & LEROY, Violaine ; Le loup des sables

MAKINE, Andreï ; La musique d'une vie

MAZETTI, Katarina . Le caveau de famille

MINGARELLI, Hubert ; Un repas en hiver

MORRISON, Toni ; L'oeil le plus bleu

NYSSEN, Hubert : Lira bien qui lira le dernier

OSORIO, Elsa ; La Capitana

PENNAC, Daniel ; Le roman d'Ernest et Célestine

PENNAC, Daniel ; Le 6ème Continent

RIVERA LETELIER, Hernan ; La raconteuse de films

ROTH, Philipp ; Portnoy et son complexe

SCHWOB, Marcel : Vies imaginaires

SEPULVEDA, Luis & MORDZINSKI Daniel ; Dernières nouvelles du Sud

SEPULVEDA, Luis ; Histoires d'ici et d'ailleurs

SEPULVEDA, Luis ; L'ange vengeur

SEPULVEDA, Luis : Le monde du bout du monde

SEPULVEDA, Luis ; La lampe d'Aladino

TROUILLOT, Lyonel ; La belle amour humaine

TSVÉTAÏEVA, Marina & RILKE, Rainer Maria ; Est-ce que tu m'aimes encore ?

VERSAILLE, Marie France ; Sur la pointe des mots

VILLALOBOS, Juan Pablo ;Dans le terrier du lapin blanc

VINAU, Thomas ; Ici ça va

 

 

 

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12 novembre 2012

NÉMÉSIS ; Philip Roth

Nemesis

"Situé dans les environs de Newark, à l'époque où éclate une terrible épidémie de polio, Némésis décrit avec précision le jeu des circonstances sur nos vies. Pendant l'été 1944, Bucky Cantor, un jeune homme de vingt-trois ans, vigoureux, doté d'un grand sens du devoir, anime et dirige un terrain de jeu. Lanceur de javelot, haltérophile, il a honte de ne pas avoir pris part à la guerre aux côtés de ses contemporains en raison de sa mauvaise vue. Tandis que la maladie provoque des ravages parmi les enfants qui jouent sur le terrain, Roth nous fait sentir chaque parcelle d'émotion que peut susciter une telle calamité : peur, panique, colère, perplexité, souffrance et peine. Des rues de Newark au camp de vacances rudimentaire, haut dans les Poconos, Némésis dépeint avec tendresse le sort réservé aux enfants, le glissement de Cantor dans la tragédie personnelle et les effets terribles que produit une épidémie de polio sur la vie d'une communauté de Newark, étroitement organisée autour de la famille."

ENTRETIEN IMAGINAIRE AVEC PHILIP ROTH

 Littér'auteurs : Monsieur Roth, accepteriez-vous de vous présenter ?

Philip Roth : Je suis né le 19 mars 1933, à Newark, dans le New Jersey. Je suis un écrivain américain. Je suis petit-fils d'immigrés juifs, originaires de Galicie, et arrivé aux États-Unis au tournant du XXème siècle. Je suis né et j'ai vécu une enfance heureuse dans le quartier de Weequahic. Depuis les années 60, je me consacre entièrement à l'écriture, après avoir enseigné les lettres. Je vis maintenant dans le Connecticut.

Littér'auteurs : Vous êtes un écrivain très prolifique ; vous avez signé une trentaine de romans, dont le premier (une nouvelle, en réalité), Goodbye Colombus, a été publié en 1959. Déjà, vos personnages sont de confession juive, déjà Newark sert de scène aux protagonistes. En 53 ans, vous n'avez pas abandonné vos racines et vos origines !

Philipp Roth : Il est vrai que mes fictions ont un caractère qui peut sembler fortement autobioraphique. Le contexte de la vie des juifs américains (notamment des hommes) m'a beaucoup intéressé. Même si je me considère comme un citoyen parmi les autres, je reconnais volontiers que mes écrits relèvent de la satire sociale et politique. Par exemple, dans Portnoy et son complexe, paru en 1969, j'évoque les relations d'un fils avec sa mère... juifs tous les deux, en adoptant un styler littéraire provocateur. Mes premiers textes, quelque peu lestes, m'ont relégué au rang de traître dans la communauté juive. Et c'est pourtant cette communauté que je connais le mieux ! Dans tous ses paradoxes.
Je voudrais cependant corriger votre phrase : "j'ai été" un écrivain très prolifique ; le roman dont nous allons parler, Némésis (2010), est le dernier que j'ai écrit, mais aussi le dernier que j'écrirai.Je l'ai annoncé il y a un peu plus d'un mois*. Voici trois ans que je n'avais rien publié, moi qui, jusqu'alors, enchaînais romans sur romans. Non, je préfère désormais travailler sur mes archives pour les remettre à mon biographe.

Littér'auteurs : Némésis... Dans la mythologie grecque, elle est la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance. C'est, en effet, l'un des thèmes de votre dernier roman.

Philipp Roth : Pas seulement celui de ce dernier roman ! En réalité, ce texte fait partie d'une tétralogie qui, outre celui-ci, rassemble Un homme (2006), Indignation (2008) et Le Rabaissement (2009). J'ai aussi utilisé cette thématique dans Le Complot contre L'Amérique (2004) : quel sens donner aux catastrophes qui s'abattent sur une communauté et contre lesquels la volonté humaine ne peut rien changer ? La solitude et la maladie en sont des constantes.

Littér'auteurs : Qui est Bucky Cantor, le personnage principal de votre roman ?

Philipp Roth : Un brave gars, pétri de honte et de culpabilité, parce que sa mauvaise vue lui a interdit la conscription. Nous sommes en 1944, en pleine guerre mondiale. Tous les amis du jeune homme ont été enrôlés et risquent leur vie. Lui non. Il doit se résigner à s'occuper des gosses d'un quartier juif de Newark : il est directeur d'un terrain de sport. C'est un domaine dans lequel il excelle, c'est un remarquable lanceur de javelot. Élevé par ses grands-parents maternels (sa mère est morte en couche, et son père, escroc, a disparu de sa vie), il a un sens aigu de la dignité, de la responsabilité, de la droiture. C'est un homme, ce Mr Cantor ! On peut compter sur lui ! D'ailleurs, lorsque la polio s'abat sur la ville, décimant sans pitié les enfants dont il a la charge, il fait courageusement front en essayant de les protéger, de les consoler, de les encourager. Mais contre un fléau de ce genre, qu'est la seule bonne volonté d'un homme ? Lorsqu'il finit par baisser les bras, et qu'il cède à l'amour qu'il porte à Marcia en fuyant Newark, il emmène avec lui sa culpabilité... mais aussi la maladie.

Litér'auteurs : Voici le sujet ainsi énoncé... mais quelle en est la symbolique ? Maladie, oui. Solitude ?

Philipp Roth : Le narrateur n'est pas Bucky Cantor. C'est en découvrant son identité que le lecteur comprendra comment j'aborde cet objet. Je ne vais pas dévoiler mon sujet, mais Cantor, avec son sens du devoir, de la responsabilité, avec sa culpabilité qui lui colle à la peau, et aussi avec un très fort sentiment de religiosité porte en lui la nécessité, l'obligation, l'impératif de faire face à la malédiction qui pèse sur son petit monde juif.

Littér'auteurs : Malédiction... Peuple Juif... 1944... Coïncidence ?

Philipp Roth : Certes pas. Mais je ne pense pas qu'il faille systématiquement entr'apercevoir dans ce roman, un texte de plus qui évoquerait la Shoah  au sens du judéocide, mais plutôt ce qui fait référence au terme hébreu " שואה", c'est à dire "catastrophe". La polio, c'est une réelle calamité dans le monde dans lequel évolue le héros. Mais ce qui la rend davantage tragique, c'est l'incompréhension. Quel sens donner, en effet, à cette épreuve ? Si Bucky Cantor, dans sa faillite, se ressent, là encore, responsable, l'autre personnage principal de mon roman prouvera qu'il est possible de faire surface et d'être heureux. Cantor n'y parviendra pas.

Littér'auteurs : Et Dieu, dans tout ça ?

Philipp Roth : Cantor finira par douter, par se rebeller, par invectiver ce Dieu qui inflige la maladie, le handicap, la mort, aux innocents que sont les enfants qu'il côtoie. C'est un peu comme une délégation de responsabilité ; il faut bien que quelqu'un - même suprême - assume ! Mais, dans ce roman, c'est vraiment la question du sens de la vie, des raisons de la vie que j'ai voulu traiter. Et je n'ai pas trouvé la réponse. Les lecteurs m'y aideront-ils ?

 

ROTH

Philipp Roth

Les propos qui lui sont prêtés ici sont, bien sûr, absolument imaginés. Seules les biographies et bibliographies, bien qu'incomplètes, ne sont pas virtuelles.

* ça, c'est vrai, il l'a dit ici

 

 

 

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11 novembre 2012

RENCONTRE POÉTIQUE ; Serge Pey

La nuit éblouissante est restée dans les fleurs
Une lumière terrible résonne dans un visage
Un petit dieu comme un accident
surgit dans un arbre
Il est le clown de la lumière
qui fait rire les corbeaux
La petite robe de la poupée
nous appelle de ses cerceaux
Nous cousons son sourie
à sa chemise
C'est la condition de l'infini

L'alphabet des trimards - Rougier V éd.

Infini_modifié-1

"Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux". Milan Kundera
(L'insoutenable légèreté de l'être)

4 novembre 2012

CISEAUX ; Stéphane Michaka

ciseaux

"À quinze ans, Raymond décide qu’il sera Hemingway ou rien. Et la nouvelle, avec ses silences têtus et ses fins en lame de rasoir, son genre de prédilection. Il a des envies d’ailleurs et la vie devant lui. On est à Yakima, dans le nord-ouest des États-Unis. Autant dire nulle part. Son ambition donne le tournis à Marianne, la petite serveuse de la boutique de donuts. « C’était le truc le plus excitant que j’avais jamais entendu. Pleine d’assurance, je lui ai dit : “Tu peux compter sur moi, Ray.” » Les deux adolescents se marient quelques mois plus tard. Marianne est enceinte. Raymond n’a pas commencé à boire. Douglas, lui, vient d’obtenir le job de ses rêves : directeur littéraire d’un magazine prestigieux. Les nouvelles qu’il reçoit l’irritent comme un vilain psoriasis. Pour calmer ses démangeaisons, il coupe, réécrit, sculpte avec ses ciseaux. « C’est leur voix. Leur voix, tu m’entends ? Mais c’est ma signature. » Quand il le rencontre, Ray peaufine son art dans l’alcool depuis près de dix ans et Marianne subvient aux besoins du ménage. Douglas va changer leur vie. Raymond Carver, Maryann Burk-Carver, Gordon Lish et la poétesse Tess Gallagher qui attend son heure en coulisses… Ciseaux raconte leur histoire : dans l’Amérique des années soixante à quatre-vingt, l’accomplissement de deux hommes en proie à une dépendance réciproque, un écrivain et son éditeur qui coupe ses textes au point de les dénaturer."

 Point n'est besoin de connaître Raymond Carver, sa vie et son oeuvre pour se laisser séduire par le troisième roman de Stéphane Michaka; Ciseaux, comme il le rappelle, est "une oeuvre de fiction. Les propos des personnages y sont inventés". Et si ce roman est un pur écrit fictionnel, s'il n'est pas une biographie supplémentaire du nouvelliste Carver, il donne une surprenante parole de vérité aux quatre personnages qui vont échanger au fil des pages et construire la trame d'une destinée... non, de quatre destinées, intimement liées, Tour à tour, Raymond, Marianne, Douglas et Joanne, disent, se disent. Dévoilent leurs espoirs, leurs déceptions, leurs projets, leurs combat. Roman polyphonique...

Raymond : "Jour après jour, j'entends dire qu'on ne vit pas dans un monde de certitudes. Qu'il n'y a de certain que l'amour, tat qu'il dure, que la famille, tant qu'elle se maintient, les amis quand ils sont de passage. Autant dire, tout cela n'est pas plus sûr que le reste. Alors quoi ? Est-ce qu'on doit se passer de certitudes ? Est-ce qu'on peut tenir longtemps, sans un ou deux cailloux dans le creux de sa main ?
Je crois que dans mes nouvelles je n'ai jamais parlé d'autre chose.
Je m'appelle Raymond. Je suis écrivain.
Enfin, j'espère le devenir."

Marianne : "Il y a vingt façon de grimper dans l'échelle sociale, tu m'as dit en refusant que je reprenne mes études.
Les études que je n'ai pas faites parce que tu en faisais toi.
Les études que j'ai arrêtées parce que tu voulais écrire.
Les études que j'ai interrompues quand Léo est tombé malade.
Les études que je n'ai pas finies parce que tu avais la bougeotte.
Les études que j'ai suspendues quand ils t'ont viré de l'entrepôt.
Les études que j'ai abandonnées parce que tu buvais.
Les études que je t'enviais de faire.
Les études que j'aurais mieux réussies que toi.
Mes études."

Douglas : "Je le vois sur vos visages. Cela dégouline de vos bouches. Cela mouille vos petites lèvres empressées de me sourire.
Vous n'avez qu'une chose en tête, c'est de ma plaire.
J'en ai la nausée. Vos nouvelles me donnent la nausée, tellement elles vous ressemblent.
- C'est bien cela, Monsieur Douglas ? C'est bien ce que vous avez envie de lire ? Parce que c'est ce que j'ai essayé de faire : une nouvelle que vous avez envie de...
COMMENT VOULEZ-VOUS QUE JE LE SACHE, CE QUE J'AI ENVIE DE LIRE ?
Si je le savais, je ne serais pas éditeur. Je serais le type qui décide de ce qui se passe à la télé - je crois que c'est un ordinateur. Il programme pour demain le succès d'avant-hier.Ce qui a marché hier, il le ressort après-demain."

Joanne : "Je l'ai incité à boire dès les premiers instants. Comme par défi d'arrêter le lendemain.
À vrai dire, ce n'était pas aussi réfléchi. Je trouve toujours, après coup, des raisons à mes intuitions. Je leur passe une couche de glu pour qu'elle tiennent. Je suis, si on veut, une cérébrale post-sensuelle.
"La Glu". Un petit ami m'appelait comme cela, parce qu'il me trouvait pleine d'idées fixes. La Glu, ça me plaît bien. J'ai largué le petit ami. J'ai gardé le surnom.
Pour Raymond, je suis Joanne. Il ne sait pas ce qui l'attend.
Un bonheur incessant."

Est-il besoin d'un court résumé ? Raymond est marié avec Marianne. Il veut devenir écrivain. Il s'en convainc dans l'alcool. Il rencontre Douglas, un éditeur. Joanne est la deuxième épouse de Raymond. Elle deviendra son exécutrice testamentaire et décidera de publier Raymond dans le premier jet de son écriture.

"Ciseaux", c'est le surnom attribué à Douglas : il taille, il coupe, il dépèce, il émascule, il charcute les nouvelles que Raymond écrit. La couverture du roman de Stéphane Michaka, sont les (vraies) coupes effectuées par Gordon Lish (le "Douglas" du roman) sur la nouvelle Débutants de Raymond Carver.
"L’écriture, c’est la réécriture, ce n’est pas le premier jet. Je m’édite sans cesse, au sens anglais du terme «to edit» [réviser, couper, Ndlr]. «Ciseaux» c’était une façon de raconter ce processus que je pratique inlassablement."

"Ciseaux", c'est un roman d'amour, dans lequel les relations entre les personnages s'entremêlent, se conjuguent pour former un entrelacs de sentiments, d'émotions, de passions. Ce n'est pas la vie de Raymond Carver qui est ici rapportée, c'est aussi celle de Marianne, de Douglas, de Joanne.

PS - Cerises sur le gâteau : Stéphane Michaka a inséré au coeur de son roman, deux nouvelles qu'il a écrites lui-même : "Ce sont des nouvelles originales que j’ai écrites, ce n’est pas un simple exercice de style, c’est ma façon d’explorer ma propre écriture. A travers Raymond c’est mon écriture que je découvre. Jamais je n’avais été aussi loin dans cette exploration. J’ai pu la faire parce que précisément Carver est un écrivain qui se cherche. Carver n’aurait jamais dit à ses étudiants: «écrivez comme moi». Certes, on a tous envie de se mettre sous l’égide d’un auteur que l’on admire. Carver lui-même voulait être Hemingway. Mais il y a un moment où quelque chose bascule. Le plus important pour un écrivain c’est ce petit moment où il se passe quelque chose qui n’appartient qu’à lui, c’est-à-dire quand il trouve sa voix."

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3 novembre 2012

LA FAMILLE GLAGLA ; François Delecour & Sophie Chaussade

famille glagla

Bienvenue chez la famille Glagla ! Gérard, Monique, Jako et sa soeur Brigodin, sans oublier Jean-Guy, le poisson rouge, forment une belle famille... Une famille presque ordinaire s’ils ne vivaient au pôle Nord ! Entre la pêche sur la banquise et la chasse au trésor dans la vallée du Mammouth perdu, les Glagla vivent de sacrées aventures…

Il ne faut pas rechercher de grandes visées pédagogiques et/ou psychologiques, dans ce album haut en couleur. Il faut plutôt s'attendre à de grands éclats de rire, à d'immenses fous-rire à la lecture des aventures de Gérard, Monique, Jako et Brigodin. 

Mais le plus hilarant de tous, c'est Jean-Guy, le poisson rouge. Ce prénom lui sied à merveille ! Et dans le bocal où il est retenu prisonnier, après avoir péché par amour et, à cette occasion, avoir été péché, il fomente de grands projets d'évasion qui se solderont par un échec.

Les personnages semblent inspirés de ceux de South Park (en version light, bien sûr), avec leurs cagoules rouges et bleues et un corps complètement géométrique. Mais la comparaison s'arrête là, le propos et les intentions ne sont pas les mêmes ! Et on est loin de la gouaille de Kyle, Stan, Cartman, Kenny et Butters. 


glagla

Gérard emmène Jako à la recherche du trésor de Grand-Père, le célèbre explorateur Maurice Glagla. Ils devront le découvrir dans la vallée du Mamouth Perdu, au Pôle Nord, bien entendu. Évidemment, Jean-Guy est de la partie !


L'album est proposé pour les enfants jusqu'à 7 ans. Éditions Didier Jeunesse.
ISBN : 978-2-278-06750-3

 

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3 novembre 2012

PARFUMS ; Philippe Claudel

parfums

"En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent - ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même -, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus : car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. Alors la tête nous tourne délicieusement."

D'abord la couverture : "Les Trois Âges de la femme" de Gustav Klimt, un détail de "La maternité". Cette allégorie, utilisée pour réhausser les parfums de la vie, témoigne du désir de l'auteur d'entraîner son lecteur dans les fragrances quotidiennes qui "nous [donne] l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été".

C'est emprunter quelques sentiers battus que de déclarer qu'il y a comme du Proust et comme du Prévert dans cet abécédaire effluent qui voyage dans le souvenir de l'auteur et qui invite le liseur à entreprendre son propre pélerinage. 

De la senteur de l'accacia à celle du voyage, en humant délicatement l'odeur des draps frais et celle de la maison d'enfance, Philippe Claudel pérégrine dans la mémoire des âges de sa vie, questionne les parfums qui rémanent pour donner corps et sens à ses expérimentations humaines.

Mais le titre choisi évoque aussi "Le parfum"de Patrick Sunskid. Ce roman retrace l'étonnant destin de Jean-Baptiste Grenouille, qui possède un sens olfactif incroyale et qui mettra son nez au service des plus sombres desseins pour parvenir  à la réussite ; "Qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes", découvre-t-il. Mais la comparaison doit s'arrêter là : Grenouille cherche à inventer le parfum universel, alors de Philippe Claudel accorde à chaque instant de vie une spécificité capiteuse.

Extraits

"Les vêtements retiennent la mémoire de ceux qui les ont portés, puis s'en séparent un jour, sans prévenir, avec une brutalité qui est la marque des choses. Il y a une trahison des matières bien pire que celle dont les hommes peuvent se rendre coupables."

"La mythologie de la communale fait de nous de parfaits modèles pour des Doisneau du dimanche, qui respirons enivrés, et parfois mangens l'onctueuse colle blanche au parfum d'amande fraîche."

 

C'est dans le cadre "des matchs de la rentrée littéraire" organisée par Priceminister que j'ai pu rencontrer ce livre. Merci à Olivier.

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rentrée littéraire

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