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Littér'auteurs
12 novembre 2012

NÉMÉSIS ; Philip Roth

Nemesis

"Situé dans les environs de Newark, à l'époque où éclate une terrible épidémie de polio, Némésis décrit avec précision le jeu des circonstances sur nos vies. Pendant l'été 1944, Bucky Cantor, un jeune homme de vingt-trois ans, vigoureux, doté d'un grand sens du devoir, anime et dirige un terrain de jeu. Lanceur de javelot, haltérophile, il a honte de ne pas avoir pris part à la guerre aux côtés de ses contemporains en raison de sa mauvaise vue. Tandis que la maladie provoque des ravages parmi les enfants qui jouent sur le terrain, Roth nous fait sentir chaque parcelle d'émotion que peut susciter une telle calamité : peur, panique, colère, perplexité, souffrance et peine. Des rues de Newark au camp de vacances rudimentaire, haut dans les Poconos, Némésis dépeint avec tendresse le sort réservé aux enfants, le glissement de Cantor dans la tragédie personnelle et les effets terribles que produit une épidémie de polio sur la vie d'une communauté de Newark, étroitement organisée autour de la famille."

ENTRETIEN IMAGINAIRE AVEC PHILIP ROTH

 Littér'auteurs : Monsieur Roth, accepteriez-vous de vous présenter ?

Philip Roth : Je suis né le 19 mars 1933, à Newark, dans le New Jersey. Je suis un écrivain américain. Je suis petit-fils d'immigrés juifs, originaires de Galicie, et arrivé aux États-Unis au tournant du XXème siècle. Je suis né et j'ai vécu une enfance heureuse dans le quartier de Weequahic. Depuis les années 60, je me consacre entièrement à l'écriture, après avoir enseigné les lettres. Je vis maintenant dans le Connecticut.

Littér'auteurs : Vous êtes un écrivain très prolifique ; vous avez signé une trentaine de romans, dont le premier (une nouvelle, en réalité), Goodbye Colombus, a été publié en 1959. Déjà, vos personnages sont de confession juive, déjà Newark sert de scène aux protagonistes. En 53 ans, vous n'avez pas abandonné vos racines et vos origines !

Philipp Roth : Il est vrai que mes fictions ont un caractère qui peut sembler fortement autobioraphique. Le contexte de la vie des juifs américains (notamment des hommes) m'a beaucoup intéressé. Même si je me considère comme un citoyen parmi les autres, je reconnais volontiers que mes écrits relèvent de la satire sociale et politique. Par exemple, dans Portnoy et son complexe, paru en 1969, j'évoque les relations d'un fils avec sa mère... juifs tous les deux, en adoptant un styler littéraire provocateur. Mes premiers textes, quelque peu lestes, m'ont relégué au rang de traître dans la communauté juive. Et c'est pourtant cette communauté que je connais le mieux ! Dans tous ses paradoxes.
Je voudrais cependant corriger votre phrase : "j'ai été" un écrivain très prolifique ; le roman dont nous allons parler, Némésis (2010), est le dernier que j'ai écrit, mais aussi le dernier que j'écrirai.Je l'ai annoncé il y a un peu plus d'un mois*. Voici trois ans que je n'avais rien publié, moi qui, jusqu'alors, enchaînais romans sur romans. Non, je préfère désormais travailler sur mes archives pour les remettre à mon biographe.

Littér'auteurs : Némésis... Dans la mythologie grecque, elle est la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance. C'est, en effet, l'un des thèmes de votre dernier roman.

Philipp Roth : Pas seulement celui de ce dernier roman ! En réalité, ce texte fait partie d'une tétralogie qui, outre celui-ci, rassemble Un homme (2006), Indignation (2008) et Le Rabaissement (2009). J'ai aussi utilisé cette thématique dans Le Complot contre L'Amérique (2004) : quel sens donner aux catastrophes qui s'abattent sur une communauté et contre lesquels la volonté humaine ne peut rien changer ? La solitude et la maladie en sont des constantes.

Littér'auteurs : Qui est Bucky Cantor, le personnage principal de votre roman ?

Philipp Roth : Un brave gars, pétri de honte et de culpabilité, parce que sa mauvaise vue lui a interdit la conscription. Nous sommes en 1944, en pleine guerre mondiale. Tous les amis du jeune homme ont été enrôlés et risquent leur vie. Lui non. Il doit se résigner à s'occuper des gosses d'un quartier juif de Newark : il est directeur d'un terrain de sport. C'est un domaine dans lequel il excelle, c'est un remarquable lanceur de javelot. Élevé par ses grands-parents maternels (sa mère est morte en couche, et son père, escroc, a disparu de sa vie), il a un sens aigu de la dignité, de la responsabilité, de la droiture. C'est un homme, ce Mr Cantor ! On peut compter sur lui ! D'ailleurs, lorsque la polio s'abat sur la ville, décimant sans pitié les enfants dont il a la charge, il fait courageusement front en essayant de les protéger, de les consoler, de les encourager. Mais contre un fléau de ce genre, qu'est la seule bonne volonté d'un homme ? Lorsqu'il finit par baisser les bras, et qu'il cède à l'amour qu'il porte à Marcia en fuyant Newark, il emmène avec lui sa culpabilité... mais aussi la maladie.

Litér'auteurs : Voici le sujet ainsi énoncé... mais quelle en est la symbolique ? Maladie, oui. Solitude ?

Philipp Roth : Le narrateur n'est pas Bucky Cantor. C'est en découvrant son identité que le lecteur comprendra comment j'aborde cet objet. Je ne vais pas dévoiler mon sujet, mais Cantor, avec son sens du devoir, de la responsabilité, avec sa culpabilité qui lui colle à la peau, et aussi avec un très fort sentiment de religiosité porte en lui la nécessité, l'obligation, l'impératif de faire face à la malédiction qui pèse sur son petit monde juif.

Littér'auteurs : Malédiction... Peuple Juif... 1944... Coïncidence ?

Philipp Roth : Certes pas. Mais je ne pense pas qu'il faille systématiquement entr'apercevoir dans ce roman, un texte de plus qui évoquerait la Shoah  au sens du judéocide, mais plutôt ce qui fait référence au terme hébreu " שואה", c'est à dire "catastrophe". La polio, c'est une réelle calamité dans le monde dans lequel évolue le héros. Mais ce qui la rend davantage tragique, c'est l'incompréhension. Quel sens donner, en effet, à cette épreuve ? Si Bucky Cantor, dans sa faillite, se ressent, là encore, responsable, l'autre personnage principal de mon roman prouvera qu'il est possible de faire surface et d'être heureux. Cantor n'y parviendra pas.

Littér'auteurs : Et Dieu, dans tout ça ?

Philipp Roth : Cantor finira par douter, par se rebeller, par invectiver ce Dieu qui inflige la maladie, le handicap, la mort, aux innocents que sont les enfants qu'il côtoie. C'est un peu comme une délégation de responsabilité ; il faut bien que quelqu'un - même suprême - assume ! Mais, dans ce roman, c'est vraiment la question du sens de la vie, des raisons de la vie que j'ai voulu traiter. Et je n'ai pas trouvé la réponse. Les lecteurs m'y aideront-ils ?

 

ROTH

Philipp Roth

Les propos qui lui sont prêtés ici sont, bien sûr, absolument imaginés. Seules les biographies et bibliographies, bien qu'incomplètes, ne sont pas virtuelles.

* ça, c'est vrai, il l'a dit ici

 

 

 

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